Les Princes de Sambalpur

Abir Mukherjee, Les Princes de Sambalpur: Calcutta, 1920. Le Capitaine Wyndham et le Sergent Banerjee sont les témoins directs de l’assassinat du prince Adhir, héritier du maharadjah de Sambalpur. Sous le prétexte de rendre hommage au défunt, ils se rendent aux funérailles dans le royaume, loin de leur juridiction, mais ils y mènent malgré tout l’enquête. Ils y découvrent un monde bien différent de celui de la ville: un palais, les nombreuses épouses et concubines y vivant en semi-réclusion, les chasses aux tigres, les festivals religieux assez particuliers. Mais qui a bien pu tuer le prince héritier ? Tant de personnes pourraient être coupables.

J’avais beaucoup aimé L’attaque du Calcutta-Darjeeling, j’ai moins accroché à ce second volume. J’ai trouvé la première moitié bien lente, sans réelles avancées dans l’enquête, et quelques passages me semblaient un peu cliché, comme la chasse aux tigres. On en apprend moins sur le passé du Capitaine, et très peu sur celui du Sergent, mais c’est malgré tout une fine description de la rencontre de la société coloniale anglaise avec celle, millénaire, des princes indiens. Il est aussi possible que mon appréciation ait été influencée par la mauvaise passe de lecture dans laquelle j’étais. Je venais d’abandonner deux romans à mi-chemin (non sans avoir beaucoup insisté) et rien ou presque n’arrivait à me passionner (à part la description de l’architecture post-soviétique par Owen Hatherley – chronique à venir). Je pensais qu’une enquête policière m’aiderait à retrouver le goût des romans, mais cela n’a été que moyennement le cas. Je lirai la suite pour me faire un avis plus définitif sur cette série.

Abir Mukherjee, Les Princes de Sambalpur, Folio, 2021, 416p. (traduction par Fanchita Gonzalez-Batlle, titre original: A Necessary Evil, 2017)

November Road

Lou Berney, November Road: lieutenant fidèle du boss de la mafia Carlos Marcello de la Nouvelle-Orléans, Frank Guidry se rend compte qu’il en sait trop sur le meurtre de John F. Kennedy qui vient d’avoir lieu. Il accepte encore une dernière mission mais sait qu’il doit tenter de fuir; il soupçonne en effet qu’un tueur est à ses trousses. Il prend la route et décide d’aller rejoindre un vieil ami à Las Vegas, un ami qui déteste Marcello – il ne peut faire confiance à personne. En même temps, dans une petite ville de l’Oklahoma, Charlotte Roy décide sur un coup de tête de quitter son mari alcoolique, emmenant ses deux petites filles avec elle dans un long périple vers la Californie. Elle tombe en panne, et croise le chemin de Guidry. Celui-ci y voit l’occasion rêvée de mieux camoufler sa fuite et embarque la famille, prenant le rôle du père de famille. Charlotte commence à documenter le voyage avec un appareil photo qu’elle vient d’acheter, et montre un talent tout particulier avec le jeu des ombres et lumières. Mais comme c’est un polar, tout ne se passe pas comme prévu: Frank et Charlotte sont attirés l’un par l’autre et commencent une relation. Et il y a toujours ce tueur qui les poursuit.

Le roman suit les points de vue des trois protagonistes principaux, Guidry, Charlotte et le tueur, alternant leurs histoires, et donnant au lecteur des informations que les personnages n’ont pas eux-même. Cela augmente évidemment le suspense. C’est aussi une très belle analyse de personnalités, celle des hommes qui sont un peu paumés et qui sont rattrapés par leur passé mais surtout celle de cette femme qui veut aller de l’avant (l’épilogue est particulièrement touchant). Je me suis attachée aux personnages et j’ai adoré lire ce livre, que j’ai dévoré en quelques jours. J’ai été particulièrement émue par la force de Charlotte, et par la manière dont un auteur masculin a transmis un message très féministe.

Molosses

Craig Johnson, Molosses: voyant qu’Electra avait lu Molosses, j’ai décidé de faire de même (et par la suite nous avons décidé de publier notre article le même jour). Dans ce sixième tome des aventure de Walt Longmire, le shérif se trouve confronté à diverses aventures impliquant notamment les propriétaires d’une déchetterie et des investisseurs en immobilier souhaitant construire à proximité. L’histoire se déroule au coeur de l’hiver (j’ai eu froid), selon un rythme assez lent, mais avec quelques passages haletants, et d’horribles molosses aux dents acérées. Et surtout une belle dose d’humour: certaines scènes sont tout simplement hilarantes. Longmire est toujours entouré de son fidèle chien et de ses amis et collègues, même si dans ce cas, Henry Standing Bear était bien trop peu présent à mon goût. Comme toujours, j’ai aimé me plonger dans ces histoires du fin fond du Wyoming mais écrivant ce billet quelques semaines après ma lecture, je me rends compte que ce roman ne m’a pas énormément marquée. Suite au prochain épisode !

Une saison au Cambodge

51a2ihmiill-_sx195_Lawrence Osborne, Une saison au Cambodge: Professeur (d’)anglais en voyage en Asie du Sud-Est, Robert n’a quasi plus le sou quand il arrive au Cambodge, à Pailin. Il pourrait appeler ses parents à la rescousse mais il décide plutôt de jouer au casino. Et par le plus grand des hasards, il gagne une petite somme qui lui permet de prolonger son séjour. Il se rend à Battambang, ne sachant pas trop quoi faire. Les nouvelles vont vite au Cambodge et il est très rapidement entouré de personnes qui aimeraient bien lui soutirer son argent. Robert est un peu naïf et très peu prudent; il fait confiance à Simon, un Américain qui vit dans la ville. A partir de là commence une histoire pleine de rebondissements qui mènera le héros dans diverse parties d’un pays en période de mousson. J’ai eu un certain mal à entrer dans l’histoire, et par la suite, elle se déroule de manière quelque peu alambiquée et sans être très palpitante. Je me suis longtemps demandée à quelle époque elle se passait jusqu’à ce qu’un des personnages parle de la série Vikings. Je n’aurais sans doute pas continué le roman s’il ne se passait pas au Cambodge, pays que j’aime beaucoup, mais même les descriptions ne m’ont pas vraiment donné l’impression d’y être. Au final, c’est un roman facile à lire, quelque peu exotique, mais sans grand intérêt. Il y a mieux dans le genre, comme les livres de Tom Vater ou de Nick Seely.

Meurtres à Willow Pond

41ytqfkzthl-_sx339_bo1204203200_Ned Crabb, Meurtres à Willow Pond: après mon passage en Inde, je recherchais un peu de nature américaine et je me suis donc tournée vers ce roman publié chez Gallmeister. Il raconte l’histoire de Cedar Lodge et de ses occupants. Gene est la riche propriétaire que tout le monde (ses neveux, les conjoints de ceux-ci) souhaitent voir mourir pour pouvoir profiter (enfin) de son héritage. Et c’est ce qui se passe: lors d’un violent orage, elle est retrouvée sans vie. Très vite, le shérif commence l’enquête. A vrai dire, contrairement à mon habitude, j’ai raconté la moitié du roman. Le meurtre n’est en effet qu’un prétexte pour décrire les sentiments et pensées des différents protagonistes dans une joyeuse et cynique cacophonie. Le roman m’a  déroutée au départ, et puis je me suis prise au jeu, rattrapée par le suspense final. Mais je dois bien dire que cette comédie de mœurs ne va pas plus loin qu’une agréable lecture de vacances. D’autres auteurs comme Jonathan Coe ou même Agatha Christie s’y prennent bien mieux. Ma note est de 3 sur goodreads mais descend à 2,5 ici.

Carnaval

51l0ey-kfdl-_sx210_Ray Celestin, Carnaval: 1919, La Nouvelle-Orléans, un tueur en série sévit, attaquant ses victimes à la hache et laissant sur place des cartes de tarot. L’affaire est entre les mains de la police, de Michael Talbot plus précisément, un flic mal aimé parce qu’il a contribué à la mise en prison d’un collègue, Luca d’Andrea, pour corruption. Mais il n’est pas le seul à s’intéresser à ces crimes: le récit suit aussi le journaliste John Riley et Ida, jeune secrétaire de l’agence Pinkerton qui a des origines africaines mais qui paraît blanche. Celle-ci se fait aider par Lewis, un musicien noir qui se fera mieux connaître par la suite sous le nom de Louis Armstrong. Chacun suit des pistes différentes, dévoilant des liens possibles avec la mafia locale. Chacun a une histoire, des secrets qui sont racontés au fil du roman. Ce qui m’avait attiré dans ce livre, c’était l’idée découvrir la ville et la musique, un peu comme dans la série Treme (ou même True detective) mais j’ai été déçue. Ray Celestin n’a pas réussi à créer les ambiances comme je les imaginais et son histoire de tueur ne m’a pas convaincue. Difficile évidemment de succéder à d’autres auteurs de la Louisiane comme James Lee Burke ou Poppy Z. Brite, ou encore à Tiger rag de Nicholas Christopher. Si ce roman ne m’a pas touchée, c’est donc plus pour des raisons personnelles que pour le livre en lui-même.

 

 

Cambodia noir

cambodia-noir-9781501106095_lgNick Seeley, Cambodia noir: après une carrière comme photographe de guerre en Afghanistan, Will Keller s’est retrouvé à Phnom Penh, au Cambodge. Il y a perdu toute reconnaissance mais tente malgré tout de vivre de ses photos. Ce qui n’est pas simple: il s’est enfoncé dans une spirale de boisson et de drogues diverses. Il rencontre la belle Kara Saito qui lui demande de retrouver sa sœur disparue, June. Il accepte car il a besoin d’argent mais il ne se rend pas vraiment compte du danger qui l’attend. June travaillait pour un journal local et elle enquêtait sur  le trafic de drogue avant de s’évanouir dans la nature. Entre deux trips, Will part à sa recherche, une quête dans les bas-fonds du Cambodge, une quête qui sera parsemée de violence et de sang, le tout dans un climat tropical. L’auteur Nick Seely est lui-même journaliste et raconte sans doute des choses qu’il a vécues. L’image qu’il donne du Cambodge n’est pas des plus roses mais elle correspond très probablement à ce qui s’est passé dans la région à une époque. Le roman m’a souvent rappelé City of ghosts, le film de Matt Dillon, et m’a renvoyée vers mes propres voyages. Ce qui explique ma note de 4/5 qui est sans doute un peu élevée mais qui traduit l’attachement que j’ai à cette région. Et même si le personnage de Will Keller constamment drogué peut énerver un peu par moments, le récit est bien mené avec une belle dose de suspense.

L’hiver dernier, je me suis séparé de toi

510kwhpqjpl-_sx195__zpsouqmyepkFuminori Nakamura, L’hiver dernier, je me suis séparé de toi: je n’ai pas pu m’en empêcher, j’ai acheté un autre roman pour « Un mois, un éditeur« . J’avais noté cet auteur japonais contemporain dans la liste que j’ai partagée récemment et la quatrième de couverture me proposait un polar alléchant, probablement violent et glauque. J’ai pensé à Ryu Murakami et à certains films de de Kiyoshi Kurosawa et je me suis laissé tenter.

Un écrivain est chargé par son éditeur de rédiger un récit autour d’un photographe qui a été accusé de l’immolation de deux femmes. Il tente de trouver les motivations de ce crime et rencontre le meurtrier et son entourage. Et puis l’histoire se complique, l’écrivain laisse tomber le livre, se sentant menacé. Un autre style de narration prend le relais: Nakamura propose des documents divers racontant des bouts de l’histoire et amène un dénouement  – avec retournement de situation – qui m’a franchement déçue. Tout ça pour ça ? Où est le sang ? Où est l’horreur ? Une immolation par le feu est censé faire peur, elle est probablement l’oeuvre d’un esprit grandement dérangé. Rien de tout cela transparaît dans ce roman qui est très peu fouillé et dont l’histoire est très peu développée.

Cette lecture a provoqué une discussion avec un ami amateur de littérature japonaise comme moi. Je me demandais pourquoi ce roman (et d’autres) était si simple et si court, avec des phrases très minimalistes et aucune description qui campe le décor. Une question de traduction ? Le passage de l’idéogramme aux caractères latins ? Or il existe des romans plus anciens mais également plus récents qui sont beaucoup plus fouillés et dont l’écriture est beaucoup plus élaborée, malgré la passage par la traduction. Je pensais notamment au roman de Murakami Ryu, Les bébés de la consigne automatique, mon ami me parlait de Tanizaki ou Mishima. J’exclus quelque part Murakami Haruki parce qu’il a une écriture fort « européenne ».

Une autre réponse possible serait peut-être le choix des romans traduits et donc la qualité du texte original: est-ce que ce sont des bestsellers ? Inversement, quels sont les romans français actuels traduits en japonais ? Marc Lévy ? Eric-Emmanuel Schmitt ? ou d’autres du même style ? Ou est-ce lié à la différence entre la culture japonaise et occidentale ? J’ai lu pas mal de romans japonais contemporains dans le passé et j’ai souvent été interpellée par leur brièveté et leur simplicité. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai abandonné leur lecture pendant une dizaine d’années. Je reprends le fil aujourd’hui mais la question se pose toujours. Je ne pense pas avoir une réponse définitive à ce problème mais si vous avez d’autres raisons à proposer, n’hésitez pas à commenter.

Jenny

412boiklomjl-_sx316_bo1204203200__zpsemhlpyjpFabrice Colin, Jenny: ce nouveau roman de Fabrice Colin a interrompu les lectures plus ou moins programmées dans l’ordre de ma PAL. J’avais en effet adoré ses autres romans « américains » et j’étais impatiente de lire celui-ci. Un prologue: un homme nommé Bradley veut raconter son histoire alors qu’une femme, Jenny, est ligotée dans sa cave. Quelques mois plus tôt, la femme de Bradley le quitte et il est désespéré. Il va de rencontre en rencontre, jusqu’à ce que Jenny se présente à lui. Elle le contraint à le suivre, lui se sent mal à l’aise mais forcé. L’histoire connaît de nombreux rebondissements et franchement, je n’ai pas tout compris, ce qui m’a laissée sur ma faim. J’aime l’écriture de Fabrice Colin, même quand il pastiche un peu les écrivains américains, mais là, j’aurais besoin d’un clé. Ou alors il n’y en a pas et c’est un peu frustrant. J’ai tourné les pages avec avidité jusqu’à la fin et j’ai été déçue de ne pas trouver les réponses. Une petite déception donc.

Book_RATING-30

The Cambodian book of the dead

17883673_zpsb0orkvtuTom Vater, The Cambodian book of the dead: ce livre me tentait depuis longtemps mais était difficile à obtenir. Je l’ai finalement trouvé à Bangkok dans une librairie japonaise après mon voyage en Birmanie. Et malgré mon envie de le lire, il a longtemps traîné sur ma PAL, sans raison. Maier, détective privé allemand, a été journaliste de guerre dans le passé, notamment au Cambodge. Sa mission, retrouver l’héritier d’une dynastie de marchands de café de Hambourg, le renvoie là-bas. L’action se situe quelque part en 2001 ou peu après – le hit de Kylie Minogue Can’t get you out of my head était déjà sorti (travail de déduction personnel – donc). Le pays est encore très far-west ou plutôt far-east. La corruption règne, les anciens généraux Khmers Rouge font la loi et le livre commence par une fusillade dans le club le plus connu de l’époque, le Heart of Darkness (où passe évidemment Holiday in Cambodia des Dead Kennedys). L’enquête de Maier le mènera à Kep, ancienne station balnéaire royale, en partie en ruines et au Bokor, où se trouve un ancien casino. Il y rencontrera des personnes louches, un général avec une armée de jeune filles habillées en noir (comme à l’époque des Khmers Rouges) mais aussi l’Araignée Blanche, un homme mystérieux au passé bien trouble. L’histoire est un peu compliquée et a des rythmes divers, une longue mis en place et des rebondissements que j’ai trouvés un peu incongrus. Mais peu importe, j’ai adoré retrouver des endroits que j’adore, des ambiances bizarres, et un passé sur lequel j’ai lu pas mal de choses. Ce livre m’a également beaucoup fait penser au film de Matt Dillon, City of ghosts, qui reste un de mes favoris de tous les temps. Un livre qui ne plaira sans doute pas à tout le monde mais qui a certainement comblé mes besoins récurrents de Cambodge.

Book_RATING-40