Sans lendemain

Jake Hinkson, Sans lendemain: Billie Dixon est une femme moderne pour les années 1940. Elle s’est installée à Los Angeles pour écrire des scénarios mais ne trouve pas de travail. Elle accepte un job qui lui demande de parcourir les routes des Etats-Unis pour vendre des films de série B dans les trous les plus perdus. Elle arrive dans un bled paumé de l’Arkansas où le patron de la salle de cinéma lui dit qu’il a dû fermer à cause du prédicateur local fanatique. Elle décide d’aller lui parler pour tenter de le convaincre; elle rencontre par la même occasion son épouse, Amberly, et est irrésistiblement attirée par elle. C’est là que ses ennuis commencent.

Si au départ, j’ai beaucoup aimé le personnage de femme forte de Billie, j’ai très vite déchanté avec cette histoire qui m’a semblé tout à fait invraisemblable (une femme de pasteur qui tombe amoureuse d’une autre femme au premier coup d’oeil et qui la suit sans réfléchir – dans les années 1940 ?). Les péripéties s’accumulent, de même que les mensonges et je n’y ai pas cru un instant. Tout se passe très rapidement, trop même. L’idée n’était pas mauvaise, mais j’aurais aimé que les personnages soient moins superficiels, moins unidimensionnels. On se saura jamais ce qui a poussé Amberly dans ses actions, ni pourquoi Billie a agi comme ça. Ce livre se veut noir, mais il l’est à peine quand on le compare avec d’autres auteurs. C’est un roman court – c’est peut-être ça son problème ? – et je l’ai donc lu jusqu’à la fin, en quelques heures. Mais deux semaines plus tard, pour écrire ce billet, j’avais déjà en grande partie oublié l’intrigue (et je descends d’ailleurs ma note de 3 à 2). Dommage, parce que j’aurais vraiment aimé suivre les aventures d’une femme indépendante comme Billie dans les années 1940.

Kathel était plus enthousiaste que moi. Et quand je vois ses notes sur les autres romans de l’auteur, peut-être qu’il ne faut pas commencer par celui-ci.

Jake Hinkson, Sans lendemain, Gallmeister, 2019, 217p. (traduction par Sophie Aslanides, titre original: No Tomorrow, 2015)

At the movies – 72 (1940s)

Phantom Lady de Robert Siodmak

Shadow of a Doubt, Alfred Hitchcock (1943) – 3/5: Charlotte « Charlie » (Teresa Wright) est une jeune fille qui s’ennuie; son humeur change complètement à l’annonce de l’arrivée de son oncle Charlie (elle porte son nom) (Joseph Cotten). Mais très vite, elle se rend compte qu’il n’est peut-être pas celui qu’on croit. Serait-il le meurtrier en série poursuivi par la police ? La mise en place est un peu longue, et la fin un peu vite expédiée – je n’ai pas trop accroché à ce film pourtant plein de suspense.

Ceci termine mon visionnage pour 1943. Ma liste, déjà relativement courte, s’est vue amputée de cinq films supplémentaires, un parce qu’il était impossible à trouver, quatre parce que je n’ai pas eu le courage de m’imposer ça, pour diverses raisons. Il y a cependant quelques très bons films dans le lot: The Ox-Bow Incident de William A. Wellman, Le Corbeau d’Henri-Georges Clouzot, I Walked with a Zombie de Jacques Tourneur, Jour de colère de Carl Theodor Dreyer, Five Graves to Cairo de Billy Wilder et Ossessione de Luchino Visconti. Ou trois films non-américains (et je ne compte pas Jacques Tourneur), avec le début du néoréalisme italien. Pour 1944, ma liste est de nouveau plus longue mais j’en ai déjà enlevé un, un biopic académique avec une mauvaise note sur letterboxd.

Hail the Conquering Hero, Preston Sturges (1944) – 2/5: Woodrow (Eddie Bracken) est réformé des marines pour cause de rhume des foins mais il n’ose pas l’annoncer à sa mère, dont le mari (et donc son père) était un héros de guerre. Dans un bar, il paie à boire à six militaires revenant de Guadalcanal. Ceux-ci décident de changer le cours de choses et préviennent la mère que son fils rentre avec les honneurs de la guerre du Pacifique. Toute la petite ville le porte aux nues, tandis que Woodrow ne sait plus où se mettre. Une comédie où les dialogues fusent dans tous les sens. Une comédie de plus dont j’ai complètement décroché, sans réussir à l’apprécier malgré les thèmes abordés.

Going My Way, Leo McCarey (1944) – 2/5: Chuck O’Malley (Bing Crosby) est nommé prêtre dans une petite paroisse pleine de dettes de New York. Il a du mal à se faire accepter par le vieux père qui y vit. Et il trouve une solution pour détourner l’attention des jeunes délinquants du quartier: il crée un choeur. Ce film est ennuyeux à mourir et complètement dépassé aujourd’hui (il aurait inspiré Sister Act). Il y a quelques chansons mais elles sont vite oubliées. Pourquoi est-ce que je me suis imposé ça jusqu’au bout ?

A Canterbury Tale, Emeric Pressburger & Michael Powell (1944) – 2,5/5: deux militaires et une jeune femme arrivent de nuit dans un village près de Canterbury. Le film les suit dans des aventures assez bizarres, rappelant en partie le livre du Moyen Age. Je n’ai pas tout compris, il y a de jolis passages, mais j’ai décroché complètement pour d’autres parties. Un film qui est apprécié par les spectateurs sur letterboxd (avec une note moyenne de 3,8/5) mais pas par moi.

Lifeboat, Alfred Hitchcock (1944) – 4/5: un navire de passagers a été torpillé par un sous-marin allemand. Les survivants se rassemblent dans un canot de sauvetage et doivent décider ensemble de la marche à suivre. Vont-ils accepter d’être menés par le seul survivant allemand qui a l’air de mieux s’y connaître que les autres en navigation ? Et puis il faut sauver le blessé, gérer les stocks de nourriture et d’eau… et les personnalités de chacun. Un huis-clos en plein air (qui donne parfois le mal de mer) filmé avec brio par Hitchcock, sur base d’un livre scénario de John Steinbeck. Avec Tallulah Bankhead qui crève l’écran et John Hodiak torse nu et avec tatouages.

Arsenic and Old Lace, Frank Capra (1944) – 3,5/5: Mortimer Brewster (Cary Grant), critique de théâtre et auteur d’un livre sur l’inutilité du mariage, tombe amoureux et se marie. Il veut prévenir ses deux tantes et découvre un cadavre dans le coffre du salon. Ce n’est pas leur premier meurtre. Il se trouve alors embarqué dans une situation où les quiproquos s’accumulent, avec une série d’autres personnages (son oncle qui se prend pour Theodore Roosevelt, son frère qui est aussi un meurtrier…). J’ai toujours du mal avec ces films à l’unique décor (ou presque) et au débit incessant mais je dois bien avouer que j’ai apprécié les deux tantes et Cary Grant qui passe de mimique en mimique à grande vitesse.

Phantom Lady, Robert Siodmak (1944) – 4/5: John « Jack » Marlow (Franchot Tone) rencontre une femme dans un bar. Son épouse lui a posé un lapin et il propose à cette inconnue d’aller au théâtre avec lui. Elle accepte à condition de ne pas devoir donner son nom. Quand Jack rentre chez lui, la police l’attend: sa femme a été assassinée et il est arrêté. La femme a disparu et aucun possible alibi ne tient la route. Sa secrétaire Carol « Kansas » (Ella Raines), secrètement amoureuse de lui, est persuadée de son innocence et mène l’enquête pendant qu’il attend la peine de mort. Un beau film noir, avec beaucoup de suspense, une psychologie assez travaillée et une belle dose de musique, du music-hall aux sonorités latines (c’est le premier film où j’entends ce genre de musique – même s’il y a sans doute d’autres avant) à une superbe scène de jazz, filmée sous un angle très rapproché et très teintée sexuellement (à l’insu du Code Hays). J’ai aussi beaucoup aimé les coiffures, costumes et chaussures.

Une saison pour les ombres

R.J. Ellory, Une saison pour les ombres: Jack Deveraux, enquêteur pour une compagnie d’assurances à Montréal, reçoit un appel du Grand Nord: son frère Calvis a été arrêté pour tentative de meurtre. Jack retourne alors à contrecoeur à Jasperville, une ville construite autour d’un mine, au nord du Québec, dans un endroit très inhospitalier où il gèle à pierre fendre et où l’été ne dure que quelques semaines, avec des températures atteignant au maximum 10° (ce n’est clairement pas un endroit pour moi). Pendant le trajet, il repense aux événements du passé, et l’auteur les raconte en alternant les chapitres avec le présent. Jack est arrivé là enfant, avec ses parents, sa grande soeur et son petit frère. Au cours des années 1970, une jeune fille disparaît; on la retrouve morte, son corps lacéré. D’autres femmes suivent. Est-ce qu’il y aurait une bête sauvage à l’oeuvre dans la région, ou un wendigo, selon la mythologie indienne ? Ou est-ce qu’il s’agit d’un humain ? Les shérifs locaux, nommés pour deux ans, ne font jamais vraiment d’enquête. Ils sont seuls sur place, la civilisation est loin.

Au fil des pages, on découvre la vie quotidienne dans une ville minière du nord, le genre d’endroit où on ne vit que parce qu’il y a du travail et où tout le monde se connaît. On apprend aussi à connaître Jack, un homme qui a voulu tourner la page sur le passé mais qui ne rend pas compte qu’il a été traumatisé. Le roman est une lente prise de conscience de sa situation qu’il n’accepte pas vraiment. Il faudra du temps. Il se rend compte qu’il doit faire l’enquête pour tenter d’expliquer l’acte de son jeune frère. Le récit est lent et c’est très bien. Il se précipite un peu vers la fin, et quelque part, l’histoire devient moins intéressante mais offre quand même une conclusion, comme tout bon livre parlant de morts non élucidées. Ce n’est pas un polar classique, c’est plus un roman psychologique analysant le poids du passé. Un peu comme Seul le silence que j’ai lu en 2013 mais dont j’avais eu un avis un peu mitigé. Ici, ce n’est pas le cas: j’ai vraiment beaucoup aimé le côté sombre et glauque du récit et les descriptions du Grand Nord au froid omniprésent. Ce roman me réconcilie avec R.J. Ellory, ce qui n’est pas plus mal vu que j’ai encore un autre sur ma PAL, Le chant de l’assassin.

Une lecture commune avec Ingannmic et Je lis je blogue.

R.J. Ellory, Une saison pour les ombres, Sonatine, 2023, 408p. (traduction par Etienne Gomez, première édition en anglais en 2022 sous le titre The Darkest Season)

Death in the East

Abir Mukherjee, Death in the East: à la fin de Smoke and Ashes, le capitaine Sam Wyndham montait dans le train pour entreprendre une cure de désintoxication dans les régions montagneuses de l’Assam. Ce volume-ci reprend le fil. On suit le capitaine dans le train puis à l’ashram où il est accueilli. Il suit les règles qui lui sont imposées et souffre beaucoup du manque. Sur le quai de la gare, il a cru reconnaître un homme et le passé lui revient en mémoire. Une de ses premières enquêtes s’est déroulée à Londres en 1905. Une femme qu’il aimait, Bessie, a été assassinée dans le quartier de Whitechapel. Encore fort naïf à l’époque, il se laisse quelque peu dépasser par les événements. Les chapitres alternent présent et passé, jusqu’à ce qu’il aille mieux et qu’il poursuive sa convalescence dans le village tout proche, où il rencontre les Britanniques qui y vivent. Tout ne se passe pas comme prévu et il doit appeler le sergent Banerjee à l’aide.

L’histoire racontée est un peu compliquée, et il y a de nombreux rebondissements qui mettent un certain temps à arriver mais j’ai malgré tout deviné qui était coupable et comment il avait agi, alors qu’il restait encore un tiers du livre à lire. Est-ce que ça a gâché ma lecture ? Absolument pas ! Je trouve que les histoires de Wyndham et Banerjee montent en puissance et décrivent de mieux en mieux la société coloniale mais aussi les aspirations des Indiens eux-même (il y a quelques scènes assez drôles autour du prénom de Banerjee). On sent une évolution dans les romans, un point de rupture qui approche. Il y a un cinquième volume que je lirai sans doute très vite, mais j’ai vu avec surprise que le roman suivant d’Abir Mukherjee qui sort bientôt n’a plus rien à voir avec cette série. Serait-ce la fin des aventures de Wyndham et Banerjee ? J’espère que non.

Pour revenir à celui-ci, j’ai apprécié le déplacement de l’action hors de la ville grouillante de Calcutta, dans une petite station d’altitude où tout le monde se connaît, créant en quelque sorte un huis-clos très Agatha Christie-ien, mais aussi le retour vers le passé qui donne une autre image de Wyndham. Ces passages à Londres correspondent sans doute moins à ce que j’aime, je préfère clairement les histoires en Asie, mais il y a tout autant une description minutieuse de la classe ouvrière de l’époque, vivant dans des taudis. C’est une société extrêmement raciste et intolérante, envers les nouveaux arrivants juifs venant de l’Est, en miroir avec ce qui se passe aujourd’hui (et ce qui s’est passé en Inde lors de la période coloniale – la supériorité du Britannique de souche et blanc est bien présente). En racontant donc des histoires du passé, Abir Mukherjee parle donc aussi du présent. Je continue donc de conseiller cette série !

Abir Mukherjee, Death in the East, Harvill Secker, 2019, 384p. (pas encore traduit en français, mais ça ne devrait tarder)

La traversée vers Mascate

Cay Rademacher, La traversée vers Mascate: 1929 – Theodor et son épouse Dora embarquent sur le Champollion, un paquebot qui relie Marseille vers l’Orient. Theodor est photographe, Dora travaille dans l’affaire familiale qui est basée à Hambourg et Berlin. D’ailleurs, ses parents et son frère sont également du voyage, ainsi qu’un chargé d’affaires. Ils comptent acheter des épices à Mascate, et éviter ainsi les intermédiaires. Le troisième jour, Dora a disparu et la famille tente de convaincre Theodor qu’elle n’a jamais été à bord, mais il soupçonne quelque chose de plus grave. Il commence à mener l’enquête, aidé par la femme de chambre Fanny.

On est clairement dans des ambiances à la Agatha Christie ! Un paquebot, une disparition, la fin des années 1920, les références à l’Egypte. Mort sur le Nil ? Il y a d’ailleurs un passage directement inspiré du roman, une pierre qui se détache d’un temple et évite de justesse le héros. C’est tout à fait assumé et la couverture reprend une illustration de l’époque. Le plaisir de lecture est toujours là, en tous cas pour moi. J’ai adoré la description du voyage, des conditions de vie sur le paquebot, des cabines et du restaurant (avec même quelques menus). C’est un microcosme bien particulier, séparé entre classes, avec tout le glamour de la première et la rude vie des troisièmes (peu abordée mais quand même décrite par quelques passages). Il y a aussi les escales, la visite des pyramides, la passage du canal de Suez, l’arrivée à Mascate. On sent que l’auteur, Cay Rademacher, est historien; il précise d’ailleurs en postface quels éléments sont anachroniques et quelles libertés il a prises avec l’histoire (ce qui a tout pour me plaire). Cela faisait longtemps que je souhaitais lire un roman parlant d’une croisière à l’époque, et je n’aurais jamais remarqué celui-ci sans le billet d’Eva – je ne lis en effet quasi jamais de littérature allemande. L’histoire de la disparition était un peu secondaire pour moi mais elle m’a malgré tout tenue en haleine pendant tout le roman. Je me demande même s’il y aura une suite, la fin restant ouverte.

Quand Fanja a lancé son Booktrip en mer, j’ai tout de suite pensé au côté plus glamour des croisières et ce livre convient parfaitement à cette idée. Il n’y a pas vraiment de tempête et le travail des marins n’est quasi pas décrit, mais le bateau l’est sous toutes ses coutures. Avec ce livre, je suis sûre que je passe au statut de mousse !

Cay Rademacher, La traversée vers Mascate, Editions du Masque, 2023, 352 p. (traduction de l’allemand par Georges Sturm, première édition en 2022: Die Passage nach Maskat)

At the movies – 67 (1950’s, 1990s, 2000s, 2010s)

Full Alert de Ringo Lam

Country Roads: The Heartbeat of America, Marieke Schroeder (Allemagne, 2014) – 3/5: un documentaire allemand racontant quelques points forts de l’histoire de la country mais qui est surtout une réflexion sur la situation actuelle des états du sud des USA, surtout au Tennessee et en Alabama. Ce sont des zones sinistrées, pauvres, ravagées par la crise des opioïdes. La réalisatrice suit Justin Townes Earle qui se raconte et raconte une histoire plus large, le tout entrecoupé de ses chansons et de quelques autres interprètes actuels. Pas mal mais pas tout à fait abouti. Et c’est d’autant plus triste qu’entretemps Earle est décédé d’une overdose au fentanyl. #52FilmsByWomen (vu pour le boulot)

Full Alert, Ringo Lam (Hong Kong, 1997) – 3/5: l’inspecteur de police Pao (Lau Ching-wan) arrête Mak Kwan (Francis Ng), criminel averti et spécialiste en explosifs mais celui-ci arrive à s’échapper après une fantastique course poursuite à travers toute l’île de Hong Kong. L’enquête continue et Pao soupçonne que le Jockey Club sera la cible d’un hold-up. Un bon film d’action, mais quand on a vu du Johnnie To à répétition, c’est un peu difficile de revenir en arrière. Par contre, c’était un plaisir de retrouver Lau Ching-wan dont j’ai suivi la carrière à une époque, y compris dans des comédies typiquement hongkongaises comme The Bra – dont j’ai encore le VCD quelque part.

The Hitch-Hiker, Ida Lupino (1953) – 4/5: un auto-stoppeur (William Talman) est en fuite, il a tué plusieurs personnes. Il est embarqué par Roy (Edmond O’Brien) et Gilbert (Frank Lovejoy), deux hommes partis à la pêche. Il les menace également de mort, créant une immense tension dans le film qui se passe essentiellement à l’intérieur de la voiture qui parcourt les routes du Mexique. Comme un de ses yeux est paralysé, il reste tout le temps ouvert et les hommes se sentent constamment observés. C’est extrêmement noir, dans l’histoire autant que dans les contrastes du noir et blanc. On y découvre le talent de l’actrice devenue réalisatrice Ida Lupino, une des seules femmes actives dans les années 1950 dans ce rôle réservé aux hommes. J’ai cependant une réserve pour la musique qui est trop omniprésente et très dramatique. (Un film qui est sur ma liste de l’histoire du cinéma mais que j’ai dû voir avant d’arriver à 1953 pour un travail pour le boulot). #52FilmsByWomen

The Way We Are, Ann Hui (Hong Kong, 2008) – 4/5: Kwai vit avec son fils adolescent On dans une cité des Nouveaux Territoires de Hong Kong, de celles avec pleins d’immeubles identiques. Ils ne se parlent quasi pas, elle travaille au supermarché où elle coupe des durians, il ne fait pas grand-chose de ses journées. Et puis leurs vies et leurs relations évoluent au fil du film. Kwai rencontre Grand-mère Leung et l’aide pour les choses du quotidien. Les deux femmes se sentent moins seules. Ann Hui filme la vie de tous les jours, sans trop d’histoire mais avec beaucoup de tendresse et de bienveillance. Elle met en scène des personnes plus âgées, des madames tout-le-monde qu’on ne remarque pas, pas toujours très bien habillées, portant des chaussettes dans des sandales. Et un adolescent qui n’est pas en crise, un ado gentil prêt à aider mais un peu mou. Il y a des conflits latents mais ils n’éclatent pas, ils rendent juste triste. Un beau film d’une réalisatrice de la nouvelle vague de Hong Kong. #52FilmsByWomen

Speed, Jan De Bont (1994) – 3,5/5: un bon gros film d’action avec plein de suspense et Keanu Reeves. Parfois on a juste besoin de ça. Je l’avais vu à sa sortie mais plus depuis. J’ai retrouvé les mêmes défauts: une introduction un peu longue et une conclusion superflue – le film aurait pu tenir avec juste la course-poursuite dans le bus qui est tout simplement fantastique (c’est ce qui était prévu dans le scénario initial, qui a beaucoup été modifié, notamment par Joss Whedon qui n’est pas crédité). Avec Dennis Hopper qui joue évidemment le méchant, et Sandra Bullock tout à fait charmante en conductrice par intérim alors qu’on lui a retiré son permis pour excès de vitesse. #theKeanuReevesFilmography

Johnny Mnemonic, Robert Longo (1995) – 3/5: on est en 2021, dans un monde qui a beaucoup changé et qui a l’air post-apocalyptique. Johnny (Keanu Reeves) est coursier, il transporte des données sensibles dans son cerveau à la demande. Il accepter une dernière mission qui évidemment ne se passe pas comme prévu et il a les yakuzas à ses trousses dans un Newark dévasté. L’histoire est adaptée d’une nouvelle de William Gibson, Robert Longo est aussi connu pour ses peintures et sculptures, mais les studios sont passés par là et ont demandé des changements, comme d’ajouter un rôle pour Dolph Lundgren qui est ridicule. Pour le reste, ce film a tout du film culte, avec une palette d’acteurs qui m’a impressionnée: Ice-T, Udo Kier, Takeshi Kitano et Henry Rollins. Je me suis bien amusée, même si le film n’est pas très bon. #theKeanuReevesFilmography

A Walk in the Clouds, Alfonso Arau (1995) – 1/5: Paul (Keanu Reeves) rentre de la guerre du Pacifique et se rend compte que son épouse ne s’intéresse plus à lui. Il part sur les routes pour réfléchir et rencontre Victoria, enceinte mais sans mari, qui craint la colère de son père mexicain très traditionaliste, et propriétaire d’un vignoble dans la vallée de Napa. Il lui propose de passer pour son mari. L’histoire en tant que telle est déjà une romance mais quand le réalisateur en rajoute des tonnes avec chaque scène tournée au coucher du soleil (ou presque), des tons dorés en permanence, une musique romantique à souhait (de Maurice Jarre) et une fin qui dépasse toutes les limites du pathos, ça devient vraiment un mauvais film. Est-ce qu’il y a quelque chose à sauver ? Pas sûre, même Keanu Reeves ne fait pas vraiment impression, à part par l’extrême bienveillance de son rôle. #theKeanuReevesFilmography

The Dogs of Winter

Kem Nunn, The Dogs of Winter: Jack Fletcher est photographe, spécialisé dans les photos de surf, mais sa carrière est en plein déliquescence. Quand on lui propose d’explorer un coin méconnu de la côte nord-californienne en compagnie de Drew Harmon, une légende du surf qui s’est retiré dans la région et qui connaît des vagues inconnues mais exceptionnelles, il n’hésite pas. Mais tout ne se passe pas comme prévu. Il y a tout d’abord Kendra, la jeune épouse de Drew, qui est obsédée par un meurtre et qui tente de l’élucider. Puis, ça se passe dans une réserve indienne, ou deux même, habitées par deux groupes qui sont en conflit. Et enfin, il y a les deux jeunes surfeurs qui accompagnent Fletcher, plutôt naïfs mais pas toujours très faciles à vivre. Une première séance de surf sur une immense vague se termine très mal et un jeune Indien meurt. Mais ce n’est que le début du récit.

Kem Nunn rassemble tous les éléments du polar, les traditions indiennes, le monde du surf, des meurtres, de la drogue, et des personnages décalés aux fortes personnalités. Son roman est très très noir et part un peu dans tous les sens au début, alternant les voix de Fletcher et Kendra, ainsi que de Travis McCade, un leader des communautés tribales attiré par Kendra. Comme j’avais eu beaucoup de mal avec Unassigned Territory, et que j’avais supprimé de mal PAL deux autres romans de l’auteur, je me suis engagée avec beaucoup d’hésitations dans ce livre, attirée juste par l’histoire autour du surf (j’adore ça, même si je ne suis pas tentée d’en pratiquer) et par une très bonne note goodreads. Et j’ai peiné pendant les 60-70 premières pages. J’ai même cru que la première grande scène autour du surf serait la dernière et que le roman partirait sur une autre voie. Mais c’est là que tous les éléments présents au début se mettent en place pour une aventure assez incroyable sur les côtes sauvages de la Californie, et dans l’océan. Les phrases m’ont semblé parfois un peu compliquées, avec des tournures parfois un peu désuètes mais je m’y suis habituée et j’ai eu du mal à lâcher le roman dans sa seconde moitié (j’ai aussi été encouragée par Electra en cours de lecture, elle en parle sur son ancien blog). Est-ce que je l’aurais lu en entier s’il n’y avait pas eu les scènes de surf ? J’ai un doute. Mais au final j’ai beaucoup aimé ce roman un peu compliqué et très sombre.

Si vous connaissez d’autres livres sur le surf, laissez-moi un commentaire ! (J’ai déjà lu et adoré Surf City du même auteur, et Barbarian Days de William Finnegan).

Kem Nunn, The Dogs of Winter, Scribner, 1997, 366p. (traduit en français: Le sabot du diable)

Girl Gone Missing

Marcie R. Rendon, Girl Gone Missing: on retrouve Cash Blackbear, la jeune fille ojibwé de 19 ans qui avait aidé à résoudre un crime dans Murder on the Red River. Toujours aussi passionnée par le jeu de billard (et les bières qui accompagnent ces soirées), elle commence des études à l’université locale mais elle a beaucoup de mal à s’adapter à ce monde dont elle ne maîtrise pas les codes; elle est bien plus habituée à la vie dans les fermes et aux hommes qui font les travaux agricoles. Elle apprend la disparition d’une des étudiantes, puis d’une autre et en discute avec le shérif Wheaton qui est quasi un père pour elle mais elle n’a pas vraiment de pistes, à part ces rêves où elle voit une jeune fille blonde appelant à l’aide. Puis apparaît un homme, un vétéran de la guerre du Vietnam (ça se passe dans les années 1970), qui prétend être son frère. La vie continue et elle se fait remarquer par un professeur grâce à un devoir, elle est même invitée à une cérémonie dans la grande ville de Minneapolis – Saint Paul. A partir de là, le roman s’emballe, même si la première partie est déjà riche en éléments.

Marcie R. Rendon écrit sans moments creux. Même quand elle décrit la vie quotidienne, elle est passionnante. On y apprend comment se déroule la vie dans les petites communautés agricoles, peuplées de Scandinaves et d’Ojibwé, comment ces derniers sont maltraités par l’état américain, comment les premiers se sentent supérieurs à tous points de vue. L’autrice insère dans ses romans des thèmes plus larges sur la condition des Premières Nations, les séparations des familles et l’alcoolisme, les traumatismes qui se répètent de génération en génération. Ce second roman est dans la lignée du premier, mais c’est un plaisir de retrouver le personnage très décalé de Cash Blackbear (on craint juste pour son foie et ses poumons), même si l’énigme en tant que telle m’a semblée un peu tirée par les cheveux. Je sais que je vais rajouter le troisième roman de la série à ma PAL.

Un roman qui entre dans le challenge des minorités ethniques d’Ingannmic, pour les Premières Nations américaines (Ojibwé) – publié in extremis, même si je l’ai déjà lu en novembre, pendant mes vacances en Asie (et avant The Guest).

Marcie R. Rendon, Girl Gone Missing, Cinco Puntos Press, 2019, 208p. (pas de traduction en français)

Smoke and Ashes

Abir Mukherjee, Smoke and Ashes: décembre 1921, Calcutta est secoué par les manifestations non-violentes des indépendantistes proches de Gandhi et attend la visite du prince héritier en visite dans toute l’Inde. Un meurtre est commis; le capitaine Sam Wyndham mène l’enquête avec son acolyte, le sergent Banerjee. Mais les circonstances lui semblent bizarres: il a déjà vu le même procédé mais il ne peut en parler: il a croisé un cadavre mutilé de la même manière en fuyant en catastrophe une fumerie d’opium. Il a d’ailleurs de plus en plus de mal à s’en passer, mais il lui faudrait un congé de plusieurs semaines pour se soigner.

Pendant que Wyndham et Banerjee cherchent des indices, Mukherjee en profite pour décrire une ville en émoi, pour raconter l’histoire de l’Inde et de son mouvement pour l’indépendance. Il parle aussi des habitudes locales, celles des colons blancs, celles des Indiens, celles des entre-deux – les métisses. Si l’enquête n’avance pas très vite dans la première moitié du livre – le tout se passe dans un laps de temps de deux ou trois jours -, il y a cette formidable peinture d’une époque teintée de racisme et de supériorité, aux dépends de millions de gens qui sont oubliés. Le second tome m’avait semblé un peu moins bon, mais celui-ci m’a captivée. C’est le premier que je lis en v.o. et c’est là que j’ai appris que le prénom de Banerjee est Surendranath, dit « Surrender-not », une transformation de son prénom indien imprononçable pour les Britanniques – je ne crois pas que ce jeu de mots a été traduit. Vivement la lecture du quatrième tome !

Abir Mukherjee, Smoke and Ashes, Pegasus Books, première édition: 2018, 352p. (titre français: Avec la permission de Gandhi)

Murder on the Red River

Marcie R. Rendon, Murder on the Red River: Renée « Cash » Blackbear est une jeune fille ojibwé de 19 ans, vivant à Fargo dans le Minnesota. Elle gagne sa vie en faisant du travail d’homme, des travaux agricoles dans les champs, notamment du transport de betteraves. Sa vie n’a pas été facile jusque là: dans les années 1970, et les décennies avant, les enfants des Premières Nations étaient souvent placés dans des familles d’accueil, les services sociaux estimant que leurs familles ne pouvaient pas s’occuper d’eux. Des fratries étaient ainsi essaimées dans tout un état, voire même au-delà. Cash s’est retrouvée dans des familles d’origine scandinave et a souvent été mal traitée, un peu comme une servante ou une esclave. Elle est heureusement sortie de là grâce à l’amitié avec le shérif local, Wheaton, qui lui a trouvé un appartement où vivre seule. Cette enfance a laissé des traces: Cash passe ses soirées à jouer au billard dans les bars, buvant plus que nécessaire. Tout ceci est la trame en arrière-fond du roman, mais c’est aussi un polar: un meurtre a été commis sur un inconnu d’origine amérindienne et Cash va tenter de démêler les fils de l’histoire.

Comme le montre déjà le début de ce texte, ce n’est pas vraiment pour l’histoire du meurtre qu’on lit ce roman, mais bien parce qu’on s’attache au personnage un peu rude de Cash, cette jeune fille qui semble déjà avoir 50 ans, et qui se comporte comme telle. Son passé est tragique, et Marcie Rendon a précisément choisi de placer son roman dans les années 1970 pour insister sur la condition des Premières Nations aux Etats-Unis à ce moment-là, avant que des lois les protégeant n’aient été votées (des lois interdisant notamment le placement des enfants sans vraie raison). Ce premier roman a plu à beaucoup de lecteurs et Rendon a décidé d’écrire une suite, et c’est depuis devenu une série. Je suis curieuse de connaître la suite de l’histoire qui semble aller vers du positif pour Cash. Je l’espère pour elle en tous cas.

Une idée piochée chez Electra et un roman qui entre dans le challenge des minorités ethniques d’Ingannmic, pour les Premières Nations américaines (Ojibwé).

Marcie R. Rendon, Murder on the Red River, Cinco Punto Press, 2017, 208p. (pas de traduction en français)