Istanbul & Beyond

Robyn Eckhardt, Istanbul & Beyond. Exploring the Diverse Cuisines of Turkey (2017): l’Américaine Robyn Eckhardt a voyagé dans une grande partie de la Turquie, allant à la rencontre des gens, accompagnée par son mari David Hagerman qui a pris de superbes photos. Elle s’est informée sur leurs traditions, leurs plats favoris, les spécialités de la région et comment les préparer. Le livre suit ces pérégrinations géographiques mais la table des matières permet de retrouver de suite les entrées, les soupes, les plats de viande ou aux légumes, les pickles, les desserts. Chaque région est présentée par un texte, et chaque recette est introduite, avec des possibilités de remplacement d’ingrédients difficiles à trouver. Les explications de la marche à suivre sont détaillées, parfois sur plusieurs pages pour les recettes plus complexes. Il y a beaucoup de plats attirants mais un grand problème: seules les mesures impériales sont indiquées et cela me rebute quand il faut tout convertir, y compris la température du four (il n’y a pas de table de conversion à la fin comme dans d’autres livres). Malgré ce gros bémol, c’est un excellent livre sur les cuisines de Turquie.

  • photos: **** (superbes photos de Turquie, mais une partie des recettes n’est pas photographiée)
  • texte: ****
  • originalité des recettes: *****
  • authenticité des recettes: *****
  • faisabilité des recettes: ***
  • mesures: impériales uniquement
  • recettes favorites: « Corn salad with eggplant & dill », « Spicy egg salad », « Green lentil, bulgur & walnut salad », « Chickpea stew with lamb & tomatoes » – j’ai noté plein d’autres recettes à préparer
  • indispensabilité du livre: ***(*)

Robyn Eckardt, Istanbul & Beyond. Exploring the Diverse Cuisines of Turkey, Houghton Mifflin Harcourt, 2017, 352p.

Lost in the Valley of Death

Harley Rustad, Lost in the Valley of Death: A Story of Obsession and Danger in the Himalayas: fin de l’été 2016, Justin Alexander Shetler disparaît dans la vallée de la Parvati en Inde du Nord, dans la région himalayenne. Trentenaire, il avait mis derrière lui sa carrière (où il avait gagné beaucoup d’argent) et repris une vie d’aventurier. Dès son enfance, la nature l’avait appelé et il avait suivi de nombreux cours pour apprendre comment survivre dans le monde sauvage. Mais que s’est-il passé en Inde ? A-t-il lui aussi été atteint du « syndrome indien » qui a poussé de nombreuses personnes à se lancer dans un voyage spirituel, voire même à s’évanouir complètement dans la nature ?

Le journaliste Harley Rustad retrace ses pas et mène l’enquête, mêlant éléments du passé à ceux du présent, brouillant parfois les temporalités pour mieux accrocher le lecteur. Le récit est bien construit et écrit, j’ai juste beaucoup moins accroché au personnage de Justin, tout comme j’ai eu beaucoup de mal avec Christopher McCandless d’Into the Wild. J’ai eu l’impression que Justin était un homme des extrêmes et que rien ne pouvait le satisfaire, mais aussi qu’il jouait avec les réseaux sociaux (son compte Instagram était très suivi – et existe toujours), se créant une image particulière (comme beaucoup de monde). Il est parti pour une randonnée de plusieurs jours avec un sadhu avec qui il ne pouvait pas communiquer vu qu’ils ne parlaient pas la même langue, et dans une région où la récolte des plants de cannabis illégaux allait commencer (et donc parcourue par des gens prêts à tout pour protéger leur drogue), sur des chemins dangereux et à pic, le long d’une rivière de montagne. Il n’en est jamais revenu. Ma prudence et ma méfiance n’arrivent pas à comprendre cet homme. Mais comme je le disais plus haut, ce livre était intéressant à lire, touchant à divers sujets, de l’aventure à l’attirance de l’Inde.

Harley Rustad, Lost in the Valley of Death: A Story of Obsession and Danger in the Himalayas, Harper, 2022, 304p. (non traduit)

Short diary of the week (484)

Lundi: c’est parti pour une nouvelle semaine, du tri de cd, des conversations, je ne suis donc pas la seule à penser ça, la journée qui se passe, quelques courses infructueuses, avec en plus un « vous ne pouvez pas sortir là » alors que j’étais déjà sortie du supermarché (les mains vides – je n’ai pas trouvé le chocolat que j’aime et qui me manque), les restes d’hier, Dead End (William Wyler, 1937)

Mardi: cette pluie et ce vent, du tri, retrouver avec plaisir un ami-collègue qui ne travaille plus au même endroit les mêmes jours que moi, George Clarke’s Old House New HomeGarden Rescue

Mercredi: dieu que j’ai mal dormi, et je me sens donc crevée dès le matin, une réunion qui commence bien mais qui s’éloigne du sujet, et qui est un peu kidnappée par un petit groupe de personnes qui ne peuvent pas s’arrêter de parler, la suite du boulot, partir plus tôt pour faire des courses au Great Market et au supermarché indien… qui est fermé le mercredi, le pire c’est que ça m’est déjà arrivé une fois, une envie de comfort food, convaincue par un ami-collègue je regarde la suite de The Banshees of Inisherin (Martin McDonagh, 2022) – on ne peut pas dire que j’ai aimé

Jeudi: une première visio, de l’écriture, une seconde visio, sortir un moment pour profiter du soleil après le boulot, commencer un livre qui me scotche de suite, un plat improvisé assez réussi (mais je finis l’assiette alors qu’il y avait un peu trop – mais pas assez pour deux jours non plus), Shall We Dance (Mark Sandrich, 1937)

Vendredi: de l’écriture et des corrections, et des recherches, à nouveau les courses dans un autre supermarché, en profiter pour aller au Brico juste à côté pour acheter un pied de biche et des semences d’oseille, réussir à retirer les racines de bambou coincées dans ce pot depuis trois ans avec l’aide du pied de biche, ce livre que je n’arrive pas à lâcher et que je termine en soirée

Samedi: traîner dans le canapé, et puis cette crise de mal de tête subite et violente qui passe heureusement assez vite mais qui me vide de mon énergie pour le reste de la journée alors que j’aurais voulu nettoyer la terrasse et m’occuper d’autres choses dans le jardin mais même l’idée de descendre à la cave pour prendre un seau me fatigue, une sieste, de la lecture, A Star is Born (William A. Wellman, 1937)

Dimanche: une bonne nuit – en espérant que ça suffise pour que je me sente mieux aujourd’hui, ça faisait longtemps que je n’avais plus pris la voiture pour un si long trajet – enfin 30 minutes d’autoroute, acheter quelques plantes (un poirier nashi, une osmanthe, des pivoines, un ceanothus), encore un de ces jours où la météo prévoit de la pluie et où il ne pleut pas, de la lecture, de la cuisine – un curry srilankais, The Hurricane (John Ford, 1937)

sur suasaday, une nouvelle journée à Kuala Lumpur (avec beaucoup de frustrations en matinée)

At the movies – 40 (2020s)

Women Talking de Sarah Polley

Three Thousand Years of Longing, George Miller (2022) – 4/5: un film sur la narration, avec des contes – Alithea (Tilda Swinton) est une narratologue britannique en voyage à Istanbul pour donner une conférence. Sans mari et sans enfants, elle se sent heureuse dans son célibat et son métier. Elle achète un petit flacon en verre et en l’ouvrant dans sa chambre d’hôtel, elle libère un djinn (Idris Elba) qui lui demande de faire trois voeux. Connaissant le système, elle ne se laisse pas avoir et demande d’abord au djinn de raconter son histoire – et là on se retrouve dans les mille et une nuits. J’ai beaucoup aimé le personnage d’Alithea (je lui ressemble un peu), j’ai sans doute moins accroché aux histoires du passé, mais j’ai adoré la fin qui a fait fondre mon coeur, tout en ressentant un certain regret lié à ma situation personnelle (si vous avez vu le film, vous comprendrez sans doute).

Babylon, Damien Chazelle (2022) – 1/5: Damien Chazelle tente de recréer le Hollywood des débuts, des années 1920 et du passage aux films sonores. J’ai détesté: c’est trop long (plus de 3h) et prétentieux, c’est trop Tomorrowland – trop de musique, trop de mouvement, trop de drogue, trop de pipi-caca-vomi. J’ai détesté Margot Robbie qui semble tout droit sortie des années 1980 avec son maquillage et ses vêtements pas du tout de l’époque (le personnage est inspiré par Clara Bow – il suffit de voir ses photos pour se rendre compte que ça ne cadre pas du tout). Brad Pitt m’a toujours laissée indifférente mais au moins il ressemble à un homme de l’époque et c’était drôle de repérer Flea. Alors oui, techniquement, c’est bien fait mais il faut plus que ça aujourd’hui.

Nope, Jordan Peele (2022) – 3/5: en Californie, un mystérieux ovni trouble la vie d’OJ et Em (Daniel Kaluuya et Keke Palmer) qui exploitent un ranch et élèvent des chevaux pour figurer dans des films (ce qui permet un clin d’oeil à l’histoire du cinéma). Ou un néo-western de science-fiction. J’ai eu beaucoup de mal à accrocher, je me suis même ennuyée pendant tout un temps, et je n’ai pas grand-chose à dire à propos de ce film.

Aftersun, Charlotte Wells (Royaume-Uni, 2022) – 4/5: Calum (Paul Mescal), jeune père séparé, passe comme chaque année des vacances en Turquie avec sa fille Sophie (Frankie Corio), 11 ans. La réalisatrice écossaise filme la vie de tous les jours, mais il y a une certaine ambiance, une certaine nostalgie, une certaine lourdeur aussi qui est particulièrement accentuée par une musique très sombre, entrecoupée de chansons pop des nineties. Quelques passages très courts montrent une Sophie adulte qui tente de se remémorer le passer. Ce film m’a laissée perplexe au départ, il ne s’y passe pas grand-chose, mais il fait son chemin dans tête et je l’aime de plus en plus. #52FilmsByWomen

Tár, Todd Field (2022) – 4/5: Cate Blanchett est fantastique dans le rôle de Lydia Tár, chef d’orchestre célèbre et aux grandes ambitions, mais au prix de son entourage. Comme lui dit sa compagne Sharon (Nina Hoss), seule leur fille n’a pas été utilisée par elle pour une transaction. Le dernier tiers m’a laissée un peu perplexe mais reste intéressant (et j’aime assez bien l’interprétation de cet article de Slate – à ne lire qu’après avoir vu le film). Avec plein de clins d’oeil au monde de la musique classique, et un score d’Hildur Guðnadóttir, d’ailleurs citée au début du film par Tár comme étant une des seules compositrices féminines. Et un beau rôle aussi pour Noémie Merlant comme l’assistante de Lydia.

Women Talking, Sarah Polley (2022) – 4/5: adapté d’un roman de Miriam Toews (que j’avais commencé mais sans le terminer), ce film est quasi un huis-clos entre femmes d’une secte mennonite qui doivent décider si elles quittent la communauté ou si elles restent en compagnie des hommes dont plusieurs / certains droguent et abusent des femmes pendant la nuit. J’ai aimé les discussions, les arguments allant dans un sens ou l’autre, les personnalités de ces femmes intelligentes même si elles n’ont jamais appris à lire et écrire. Elles sont jouées par Rooney Mara, Claire Foy, Jessie Buckley (et aussi Frances McDormand dans un petit rôle où son physique fait peur). Une réalisation de Sarah Polley, actrice de certains films culte d’Atom Egoyan, avec une excellente musique d’Hildur Guðnadóttir. J’ai aussi aimé l’étalonnage qui met en avant des couleurs très passées, très neutres, sans aucun éclat. #52FilmsByWomen

Alice, Darling, Mary Nighy (2022) – 3/5: Alice (Anna Kendrick) est en couple avec Simon (Charlie Carrick) mais celui-ci a une grande emprise sur elle, abusant d’elle psychologiquement. Elle est invitée par ses deux amies Tess (Kaniehtiio Horn) et Sophie (Wunmi Mosaku) à un séjour d’une semaine au bord d’un lac et elle ment à Simon, de peur de ne pouvoir y aller. Au début, elle est très fermée, jusqu’au moment où elle craque et ses amies se rendent compte du problème. Le sujet m’a touchée, et j’ai pas mal angoissé en regardant le film, mais je trouve son traitement un peu inégal et le retournement de situation est assez rapide, avec quelques bons gros clichés. Je me suis aussi demandée ce qui se passerait après, car c’est à ce moment-là que c’est souvent le plus difficile. J’attendais plus de ce film après avoir lu la critique de Funambuline mais c’est en effet important qu’il existe. #52FilmsByWomen

Le couple et l’argent

Titiou Lecoq, Le couple et l’argent. Pourquoi les hommes sont plus riches que les femmes: avec cet essai, Titiou Lecoq veut nous démontrer qu’à chaque moment de la vie, les femmes sont lésées dans la gestion de l’argent et en reçoivent moins. Elle prend pour exemple une fille puis femme fictive et l’emmène dans toutes les étapes de sa vie, expliquant tous les points où ça coince. Enfant déjà, elle reçoit en général moins d’argent de poche que les garçons. Elle dépense plus en produits de beauté « roses » (les rasoirs, les shampoings, les savons pour femmes, alors que la version pour homme est similaire et moins chère); c’est elle qui diminue son temps de travail pour s’occuper des enfants et cela a des conséquences sur toute sa carrière et sa pension. Et même dans les héritages, il arrive qu’elle soit lésée.

Tout cela est passionnant, mais à vrai dire je n’ai pas appris grand chose. Pourquoi ? Parce que ma mère s’est toujours occupée de questions d’argent et m’a expliqué une série de choses. C’est peut-être mon père qui gérait le compte commun mais ma mère voulait rester au courant. Et elle n’a jamais accepté d’avoir aidé à payer une maison qui était uniquement au nom de mon père (mais elle l’a fait). Comme je vis seule, j’ai aussi une bien plus grande maîtrise sur mon argent (que je gère clairement mieux que certains mâles qui vivent seuls), mais quand j’étais en couple, j’ai commis certaines des erreurs citées dans le livre, du genre payer une grande partie des factures parce que mon compagnon était au chômage. Je me souviens avoir ouvert de grands yeux quand lors d’un héritage, le notaire a dû expliquer à une cousine qu’elle devait ouvrir un compte à son nom pour la somme qu’elle allait recevoir, sinon, ce serait perdu dans les comptes communs et elle perdrait la somme en cas de divorce. Enfin c’est plutôt elle qui a ouvert de grands yeux, elle ne savait rien de tout ça.

J’ai encore un dernier bémol: ce livre est français, et parle donc de la législation française. Je n’ai pas eu le courage de chercher ce qu’il en était en Belgique, qui avait du retard dans les années 1960-70 dans le vote de lois en faveur de la femme, mais qui depuis, pour une série de questions de société (avortement, euthanasie) a pris bien de l’avance. Mais est-ce aussi le cas pour la question des femmes ? au niveau de la fiscalité par exemple, ou des héritages ? Quatre étoiles donc pour ce livre, parce qu’il doit être lu par le plus grand nombre, mais trois étoiles par rapport à mon propre cas.

Titiou Lecoq, Le couple et l’argent. Pourquoi les hommes sont plus riches que les femmes, L’Iconoclaste, 2022, 283p.

At the movies – 39 (1930s)

Le fils unique, Yasujiro Ozu

The Great Ziegfeld, Robert Z. Leonard (1936) – 3/5: un biopic sur la vie de Florent Ziegfeld, le créateur des célèbres « Follies », avec William Powell qui joue le rôle (et Myrna Loy qui joue une de ses épouses). C’est interminablement long – trois heures – et un peu confus et au rythme chaotique mais certains des passages de music-hall sont impressionnants, comme celui filmé sur un escalier en spirale. Avec aussi Fannie Brice, danseuse de burlesque de l’époque qui ne montre qu’un morceau chanté et totalement habillée – dommage et une mention à Little Egypt qui a popularisé la danse du ventre aux Etats-Unis lors de l’expo universelle de Chicago en 1893 (le début du film s’y déroule).

Sabotage, Alfred Hitchcock (Royaume-Uni, 1936) – 3/5: un film d’Alfred Hitchcock, c’est toujours bien, mais celui-ci est un peu court et confus – on ne connaîtra jamais les raisons du sabotage. Le réalisateur a l’art de faire monter la tension avec des gros plans des personnages, même en montrant dès le début qui le coupable. C’est rythmé, ça montre le Londres de l’époque, et ça se passe en partie dans un cinéma, avec un extrait de Walt Disney. Il y a aussi des canaris, et un magasin entier d’oiseaux, ainsi qu’un chat. Avec Sylvia Sidney.

Le fils unique, Yasujiro Ozu (Japon, 1936) – 4/5: le premier film parlant d’Ozu raconte l’histoire d’une mère qui se sacrifie pour que son fils puisse étudier. Une fois adulte, celui-ci n’est devenu qu’un pauvre enseignant et n’a pas connu la fortune, ce dont se rend compte la mère quand elle vient le visiter à Tokyo. C’est un film sur la déception, et Ozu le raconte par petites touches, augmentant le côté tragique de l’histoire. Les plans sont superbes, comme celui où mère et fils sont assis dans un terrain vague avec un incinérateur en arrière plan. A noter: le canari, le train qui arrive en gare de Tokyo.

These Three, William Wyler (1936) – 4/5: deux amies, Karen (Miriam Hopkins) et Martha (Merle Oberon) rénovent la maison familiale de la seconde et ouvrent une école pour filles. Martha tombe amoureuse de Joseph (Joel McCrea), mais Karen est secrètement attirée par lui. Une des élèves, Mary (Bonita Granville), va provoquer un scandale en inventant toute une histoire à propos des trois adultes. A l’origine, l’histoire est inspirée par deux enseignantes écossaises qui en 1810 ont dû fermer leur école suite à de fausses accusations de relations lesbiennes. Toute mention à l’homosexualité étant bannie dans les années 1930, par la loi et par le code Hays, le scénario a été changé en triangle amoureux. Mais j’ai malgré tout ressenti une certaine attirance entre les deux femmes. J’ai aussi été étonnée par l’histoire qui n’est absolument pas gentillette: Mary, la gamine, est digne des meilleurs films d’horreur dans ses manigances et la tension est palpable, alors que les adultes sont manipulés. Une excellente surprise !

Ceci termine l’année 1936. J’avoue que j’ai eu un peu de mal – c’était assez interminable: il y avait 27 films sur ma liste, ce qui est beaucoup (en général, ça tourne autour de 20) et je les ai tous trouvés (le plus souvent, deux ou trois films sont introuvables). Pour 1935, j’en en ai vu 17. J’ai mieux géré les styles et j’ai terminé en beauté (un peu par hasard, je ne savais pas de quoi parlait These Three quand je l’ai commencé). J’ai aimé les comédies musicales de Fred Astaire et Ginger Rogers mais elles deviennent un peu cliché: un scénario bancal et quelques jolis passages dansés. J’ai subi beaucoup de films (américains) totalement dépassés dans leur propos, avec de bonnes doses de sexisme et racisme, ou des histoires sans intérêt. Les deux films de William Wyler sortent du lot: Dodsworth et These Three, ainsi que Fury de Fritz Lang, son premier film américain, et Libeled Lady, une malicieuse screwball comedy (dans l’épisode 33, 37 et ci-dessus). Enfin, impossible de ne pas citer les deux films japonais, Les soeurs de Gion de Kenji Mizoguchi et Le fils unique de Yasujiro Ozu qui sont tellement différents du reste du cinéma de l’époque et apportent un grand soin à la beauté des images.

Snow White and the Seven Dwarfs, Walt Disney (1937) – 4/5: un dessin animé que j’ai vu dès mon enfance mais en le revoyant aujourd’hui je me rends compte qu’il y a de nombreux passages vraiment angoissants, heureusement entrecoupés de scènes drôles et légères. J’ai beaucoup aimé l’animation de tous les animaux, bien plus que celle des nains ou de Blanche-Neige. A noter: la chanson yodelée des nains.

Make Way for Tomorrow, Leo McCarey (1937) – 4/5: Bark (Victor Moore) et Lucy Cooper (Beulah Bondi) sont un couple âgé, parents de cinq enfants mais ils ont perdu leur maison (il n’y avait pas encore de pension à l’époque). Aucun des enfants ne peut (veut) héberger les deux ensemble et ils sont alors séparés. Ils vivent dans la tristesse et le regret, tout en étant un poids pour leur progéniture. Bark va finalement être envoyé en Californie chez le cinquième enfant qu’on n’a jamais vu mais passe une dernière journée à New York avec son épouse, et cette journée est magnifique, tout en douceur et nostalgie, avec des inconnus qui font acte de bonté gratuite. La scène de danse à l’hôtel est particulièrement touchante: le chef d’orchestre entame un morceau rapide mais se ravise très vite en voyant le couple hésiter, et enchaîne de suite avec une valse. Ce film a inspiré Yasujiro Ozu (Tokyo Story, 1953). A noter: le couple boit des Old Fashioned (avec un clin d’oeil du barman) et Beulah Bondi n’avait que 48 ans alors qu’elle est censée avoir plus de 70 ans dans l’histoire.

Lost Horizon, Frank Capra (1937) – 3/5: futur secrétaire d’état britannique, Robert Conway (Ronald Colman) organise l’évacuation d’une ville chinoise en révolte et prend le dernier avion. Mais celui-ci est détourné à son insu et se perd dans les montagnes de l’Himalaya. Robert et ses acolytes sont sauvés par les habitants de la région et se retrouvent à Shangri-La, un genre de paradis sur terre où personne ne vieillit. Le film est assez long (mais heureusement pas les six heures du montage d’origine), et j’ai vu une version restaurée: à certains moments il ne reste que la bande-son et des photos remplacent les images perdues. C’est une critique de la société du moment, et surtout de la montée en pouvoir de régimes cherchant la guerre. A part ça, il est intéressant de voir que les bâtiments construits au milieu des montagnes sont en style art déco, plus précisément en style paquebot. Dommage que les femmes soient reléguées à des rôles (très) secondaires et cliché. A noter: l’avion du début est un DC-2, le score de Dmitri Tiomkin.

Short diary of the week (483)

Lundi: le retour de tous les gamins dans le métro et le tram qui sont bondés, de l’encodage de dvd, du tri de cd, une conversation avec la nouvelle responsable des ressources humaines, le retour dans le froid, Women Talking (Sarah Polley, 2022)

Mardi: cette météo est déprimante – difficile de voir les premiers signes du printemps, une réunion pour décider des achats, du tri, je sais pourquoi je ne veux pas être chef – il faut pouvoir frayer avec plein de types de personnalités différentes – j’en suis incapable (j’ai failli m’énerver), le gros coup de pompe après mon retour à la maison, George Clarke’s Old House New Home, Garden Rescue

Mercredi: et donc il a neigé, ressortir les bottes du fond de mon armoire (je ne les avais plus utilisées depuis avant le confinement), et donc les conductrices de métro sont en grève – ce qui provoque de longs temps d’attente – et pour une fois la STIB n’a pas prévenu sur son FB que j’avais pourtant consulté (le message a été publié au moment où je suis partie), du tri de cd, une journée ininterrompue par des réunions – quel bonheur, du poulet sauté et du riz, You Only Live Once (Fritz Lang, 1937)

Jeudi: encoder des articles à publier, de l’écriture, Chelsea on the Rocks (Abel Ferrara, 2008), le rendez-vous chez le gynéco – le nouveau donc – qui est bien plus délicat et ne fait aucun commentaire indélicat, et donc tout va bien – je ne dois même pas faire de prise de sang par rapport à la ménopause qui a l’air d’être encore bien loin finalement, orechiette con brocoli, Stage Door (Gregory La Cava, 1937), terminer le roman en cours

Vendredi: de l’écriture – j’ai quatre textes à écrire aujourd’hui – de quoi m’occuper donc, mon supermarché habituel est en grève et donc affronter un autre où je fais des courses assez minimalistes pour ne pas perdre trop de temps dans des rayons que je ne connais pas, et grand drame: il n’y a pas mon chocolat préféré et j’ai vidé tous mes stocks, la pluie – toute la journée, Un carnet de bal (Julien Duvivier, 1937)

Samedi: le retour du soleil – pour un jour, traîner dans le canapé, aller au marché à la recherche d’un pomelo – que je n’ai pas trouvé, du jardinage: couper les fougères mortes dans l’entrée et m’attaquer un peu à ce bambou qui veut tout envahir, de la lecture, un plat de Yotam Ottolenghi combinant choux de Bruxelles et pamplemousse (à la place du pomelo), Alice, Darling (Mary Nighy, 2022)

Dimanche: 18 ans déjà – qu’est-ce que je ne ferais pas pour avoir de temps en temps encore une maman, commencer un nouveau projet couture, préparer un gâteau, de la lecture, de la cuisine, le début de The Banshees of Inisherin – que j’abandonne après 17 minutes parce que je n’accroche pas du tout, le documentaire de la BBC Storyville: Sex on Screen qui est passionnant

Sur suasaday, le premier jour complet à Kuala Lumpur (où je découvre qu’un immense bâtiment fait du photobombing)

Fingers Crossed

Miki Berenyi, Fingers Crossed. How Music Saved me from Success: Miki Berenyi est la chanteuse de Lush, ce groupe de shoegaze populaire au début des années 1990, et un groupe que j’aimais beaucoup. Sa vie valait bien une autobiographie, elle n’est pas de tout repos. Née d’un père hongrois et d’une mère japonaise, qui se sont rencontrés à l’époque des jeux olympiques de Tokyo alors que lui était journaliste là-bas, Miki est enfant unique. Ses parents se séparent assez vite, son père étant un coureur de jupons invétéré. Elle vit à Londres alternativement chez l’un et chez l’autre, puis uniquement chez son père alors que sa mère est partie habiter à Los Angeles avec son nouvel ami. Ce n’est pas simple: elle doit supporter sa grand-mère hongroise qui est une femme aigrie et problématique. A l’adolescence, elle sort beaucoup et rencontre quelques musiciens. Avec une des meilleures amies, Emma, elle crée un groupe, accompagnée par deux garçons. C’est le début de Lush, et d’une autre histoire qui occupe la seconde partie du livre. Miki raconte la vie de pop star, les enregistrements des albums, les concerts, et en particulier Lollapalooza.

Son ton est résolument féministe à une époque où être un groupe de filles était mal vu. Certaines stars de l’époque en prennent pour leur grade, et elle est assez critique de la scène indie pop britannique du milieu des années 1990. C’est un livre sur la musique, mais surtout un livre d’une femme qui grandit dans un environnement compliqué, avec un père trop occupé par ses conquêtes et une mère à l’autre bout du monde. Miki fait un portrait très intime d’elle-même; elle explique ses sentiments, parle de ses problèmes, raconte comment elle a souvent été collante auprès des ses amies parce qu’elle avait peur d’être abandonnée. C’est très touchant. Et très certainement une des meilleures autobiographies d’artiste pop du moment (je n’ai pas encore lu celle de Dave Grohl qui est probablement fort différente).

Miki Berenyi, Fingers Crossed. How Music Saved me from Success, Nine Eight Books, 2022, 367p. (par le plus grand des hasards, mon exemplaire est dédicacé)

Van wafel to koek

Regula Ysewijn, Van wafel to koek. Gebak uit het hart van de Lage Landen voor alle feesten van het jaar (2023): Regula Ysewijn, connue pour ses livres sur la pâtisserie britannique et sur les cafés traditionnels belges, s’attaque ici aux pâtisseries des Pays-Bas, dans l’ancien sens du terme et recouvrant donc la Hollande et la Belgique francophone et flamande. Elle a fait de nombreuses recherches dans les livres de cuisine du passé et dans les peintures de l’époque qui illustrent la vie quotidienne. C’est passionnant, et très précis, c’est une autre manière de revoir l’histoire d’une région. Les chapitres suivent le calendrier: le sucre était une denrée rare et luxueuse et on ne mangeait que des pâtisseries lors des grandes fêtes (religieuses) de l’année: Noël, mardi gras, Pâques, kermesses, Saint-Nicolas. Caractéristiques de ces contrées sont les gaufres (il y a 14 recettes !), mais aussi les pains de style cramique, les tartes (aux fruits) et les couques plus ou moins dures à base de miel et d’épices (de la couque de Dinant au spéculoos). Certaines recettes sont faciles à préparer, d’autres demandent un peu plus d’attention, certaines sont encore très gourmandes aujourd’hui, d’autres semblent peu attirantes (comme les couques trop dures, justement). En Belgique, chaque ménage possède un gaufrier (j’exagère sans doute): ma grand-mère en avait un, ma mère aussi, de la marque Nova; elles avaient aussi les gaufriers en fonte à utiliser sur le gaz / le poêle. J’en ai racheté un il y a quelques années (de la marque Fritel, avec les plaques interchangeables) et j’ai toujours quelques plaques en fonte que je n’utilise plus. La première recette que j’ai préparée, ce sont les gaufres de Regula. J’en ai noté d’autres, des tartes surtout. C’est un livre indispensable pour moi, à cause de mes origines, mais aussi à cause des recherches historiques aussi poussées.

  • photos: ***** (toutes les recettes sont illustrées avec de magnifiques photos de Regula, inspirées par les tableaux des maîtres de l’époque, aussi représentés dans le livre)
  • texte: ***** (recherches historiques et présentation de toutes les recettes, ainsi qu’une marche à suivre très détaillée)
  • originalité des recettes: *****
  • authenticité des recettes: *****
  • faisabilité des recettes: ****
  • mesures: unités de mesures métriques
  • recettes favorites: « Regula’s wafels » – d’autres viendront très certainement s’ajouter
  • indispensabilité du livre: *****

Regula Ysewijn, Van wafel to koek. Gebak uit het hart van de Lage Landen voor alle feesten van het jaar, Carrera, 2023, 272p. (existe aussi en anglais: Dark Rye and Honey Cake mais pas en français – on ne peut qu’espérer).

Jentayu #4 & 5

Jentayu #4 – Cartes et Territoires & #5 Woks et marmites: ces deux numéros de la revue Jentayu traînaient sur ma PAL depuis des années et je les ai retrouvés physiquement quand j’ai mis de l’ordre. L’idée de Jérôme Bouchaud, le directeur de publication, était de partager des textes littéraires ou de non-fiction inédits, ainsi que de la poésie, d’auteurs asiatiques, sur un thème précis pour chaque numéro. Il y a eu 10 volumes et des hors-séries, j’avais acheté les deux titres cités ci-dessus. Si je rassemble les deux volumes en un commentaire, c’est parce que je suis un peu déçue: les textes viennent d’auteurs très variés, de pays aussi divers que l’Ouzbékistan ou Singapour (en passant évidemment par la Chine, l’Inde et le Japon) mais j’ai eu beaucoup de mal à m’y intéresser. Je pensais que le sujet de la cuisine m’intéresserait plus que celui de la géographie mais je me suis ennuyée, n’accrochant pas au style des auteurs pourtant très divers. Il y a trop de textes imprégnés de mythologie ou de philosophie, des textes qui me semblent un peu académiques. Et je n’ai jamais eu faim alors que c’est quand même le but d’un écrit sur la cuisine, non ? Je mets quand même trois étoiles parce que l’effort est plus que louable, et que cela peut plaire à d’autres personnes.

Le site de Jentayu, avec de nombreux compléments aux revues papier.