Les Princes de Sambalpur

Abir Mukherjee, Les Princes de Sambalpur: Calcutta, 1920. Le Capitaine Wyndham et le Sergent Banerjee sont les témoins directs de l’assassinat du prince Adhir, héritier du maharadjah de Sambalpur. Sous le prétexte de rendre hommage au défunt, ils se rendent aux funérailles dans le royaume, loin de leur juridiction, mais ils y mènent malgré tout l’enquête. Ils y découvrent un monde bien différent de celui de la ville: un palais, les nombreuses épouses et concubines y vivant en semi-réclusion, les chasses aux tigres, les festivals religieux assez particuliers. Mais qui a bien pu tuer le prince héritier ? Tant de personnes pourraient être coupables.

J’avais beaucoup aimé L’attaque du Calcutta-Darjeeling, j’ai moins accroché à ce second volume. J’ai trouvé la première moitié bien lente, sans réelles avancées dans l’enquête, et quelques passages me semblaient un peu cliché, comme la chasse aux tigres. On en apprend moins sur le passé du Capitaine, et très peu sur celui du Sergent, mais c’est malgré tout une fine description de la rencontre de la société coloniale anglaise avec celle, millénaire, des princes indiens. Il est aussi possible que mon appréciation ait été influencée par la mauvaise passe de lecture dans laquelle j’étais. Je venais d’abandonner deux romans à mi-chemin (non sans avoir beaucoup insisté) et rien ou presque n’arrivait à me passionner (à part la description de l’architecture post-soviétique par Owen Hatherley – chronique à venir). Je pensais qu’une enquête policière m’aiderait à retrouver le goût des romans, mais cela n’a été que moyennement le cas. Je lirai la suite pour me faire un avis plus définitif sur cette série.

Abir Mukherjee, Les Princes de Sambalpur, Folio, 2021, 416p. (traduction par Fanchita Gonzalez-Batlle, titre original: A Necessary Evil, 2017)

The Satapur moonstone

Sujata Massey, The Satapur moonstone: ce deuxième volume des aventures de Perveen Mistry, avocate parsi (« solicitor » en fait) emmène notre héroïne dans les montagnes de Sahyadri où se trouve l’état princier de Satapur. Le maharadja est décédé, et l’état est maintenant gouverné par un agent britannique (on est en 1920) en attendant que son successeur, un jeune garçon, ait atteint l’âge adéquat. Sa mère et sa grand-mère se disputent quant à son éducation, la première voulant l’éloigner à tout prix du royaume en l’envoyant dans une école britannique, la seconde refusant tout cela en bloc. Et pourtant, l’avenir du garçon a l’air menacé sur place, suite à plusieurs décès inexpliqués. Perveen Mistry est envoyée au palais pour écouter les deux femmes qui vivent selon le modèle du purdah, la ségrégation entre hommes et femmes, mais aussi les enfants et d’autres membres de la famille. Elle se rend très vite compte qu’elle est tombée dans un fameux guêpier.

Cet automne, je me suis attaquée aux livres les plus anciens sur ma PAL (ceux de 2019, donc) et il en faisait partie. J’avais bien aimé le premier tome et je souhaitais lire la suite des aventure de l’intrépide avocate. En fait, j’aime beaucoup les ambiances, plus que l’histoire en elle-même. La première partie se passe dans la maison de l’agent britannique qui s’occupe de Satapur et j’ai pu me plonger dans un certain passé colonial, la suite se passe dans le palais et présente une autre facette des choses, la vie des maharadjas et de leurs familles. Même si le sujet m’intéresse, j’avoue que j’ai trouvé le temps long, surtout pendant la première centaine de pages; par la suite, l’envie de connaître le dénouement de l’histoire m’a poussée à avancer plus vite. Mais il est clair que le roman manque de suspense, et ressemble quelque part au premier tome, avec cette enquête auprès de femmes en purdah. Je pense que je vais en rester là avec cette série.

Un déluge de feu

Amitav Ghosh, Un déluge de feu (Trilogie de l’Ibis 3): 1839 – la tension est à son comble entre l’Empire Britannique et la Chine qui a interdit le commerce de l’opium et renvoyé les étrangers de Canton. Une guerre est en vue. C’est à ce moment-là que commence le troisième volume de la Trilogie de l’Ibis et on retrouve une série de personnages présentés dans les tomes précédents: Zachary Reid, le marin en quête de fortune; Shireen Modi, l’épouse de Barham Modi qui est mort laissant son commerce d’opium sans héritier; Paulette qui s’est installée à Hong Kong et est devenue botaniste; Neel, maintenant au service des Chinois… Il y a aussi quelques nouvelles têtes, mais qui ont des liens avec des personnages du passé, comme Kesri Singh, le soldat (sepoy) dans l’armée britannique qui débarque en Chine avec son bataillon.

Amitav Ghosh reprend le rythme du premier volume, s’intéressant à des personnages variés et racontant leurs histoires. C’est bien plus animé que dans le second volume, qui était assez ennuyeux, sous forme de quasi huis-clos à Canton, avec de longs passages épistolaires. C’est le souci des trilogies, et encore plus si ces volumes sont des pavés. Il y a des moments creux, parfois très longs, mais malgré tout on a envie de connaître la fin de l’histoire. Et c’est là que dans l’épilogue, l’auteur explique qu’il n’a raconté qu’un petit bout de ce qu’il avait prévu; il s’est en effet basé sur de nombreuses sources historiques, et a tissé toute une toile autour de celles-ci. Cela se ressent un peu trop, surtout dans le second volume, et c’est dommage. C’est apparemment une habitude chez l’auteur, c’était aussi le cas dans The glass palace, mais c’était malgré tout plus équilibré.

Ce roman aborde des thèmes importants, liés à la colonisation, au pouvoir des Britanniques et à leur expansion en Asie. Il aborde parallèlement la vie des différentes communautés locales indiennes et chinoises. C’est extrêmement riche en informations et je ne suis pas mécontente d’en avoir appris plus sur les guerres de l’opium et toute cette période, mais un pavé de moins m’aurait tout aussi bien convenu. Une lecture contrastée donc, avec des notes très diverses allant de 2 à 4 selon les tomes.

Un livre lu dans le cadre du challenge « Pavé de l’été 2021 » organisé par Sur mes brizées. J’ai donc lu l’édition de poche chez 10/18, comptant 829 pages.

The sleeping dictionary

Sujata Massey, The sleeping dictionary: l’histoire commence en 1930 dans un petit village de la côte du Bengale. Un tsunami détruit tout, et une fillette perd sa famille. Elle est recueillie et soignée dans un hôpital anglais, puis part travailler comme servante dans un pensionnat pour filles de colons et de bonnes familles indiennes. Elle y apprend l’anglais et découvre la littérature, grâce une enseignante qui repère ses qualités. Mais elle est de basse caste et ne pourra pas rester. Elle devra toujours cacher qui elle est vraiment, jouer des rôles liés aux différents prénoms qu’elle prendra au cours de sa vie, Pom, Sarah, Pamela, Kamala… Son histoire est difficile, souvent triste, mais pleine d’espoir aussi.

Sujata Massey décrit avec minutie la société indienne depuis les années 1930 jusqu’à l’indépendance en 1947, vue par les yeux d’une fillette naïve au début, mais qui apprendra énormément sur la vie en quelques années. Elle trace le portrait des pensionnats dirigés par les Anglais, elle raconte comment les castes définissent la place des Indiens dans la société et parle des Anglo-Indiens dont le statut est celui d’un entre-deux pas toujours bien défini et apprécié. L’histoire de la fillette suit en même temps la grande histoire, et le roman détaille divers épisodes de la lutte qui a mené à l’indépendance. J’ai beaucoup aimé l’immersion dans la vie coloniale, vue par l’oeil d’une jeune Indienne; il y a beaucoup de rebondissements et j’ai souvent eu peur pour l’héroïne, espérant au fil des pages le meilleur pour elle. C’est un roman prenant et en même temps très détaillé qui devrait passionner les lecteurs intéressés par l’Inde et son histoire mais aussi ceux qui aiment des récits dans lesquels une femme pleine de resources est le personnage principal.

De Sujata Massey, j’avais déjà lu The widows of Malabar Hill, un roman policier situé dans le Bombay des années 1920. Elle est également l’auteur d’une série de romans noirs qui se passent au Japon et qui rejoindront sans doute très prochainement ma PAL.

The anarchy

William Darymple, The anarchy: the relentless rise of the East India Company: 1600 – la reine Elisabeth I signe une charte royale octroyant le monopole du commerce dans l’Océan Indien à la Compagnie des Indes Orientales. C’est le début d’une aventure qui va mener à la colonisation du sous-continent indien. Entreprise commerciale à la base, la Compagnie a été autorisée dès le début à mener la guerre, et c’est ce qu’elle va faire, occupant au cours des 17e et 18e siècles de plus en plus de territoires et soumettant l’empereur et les rajas locaux. William Darymple détaille cette histoire dans son nouveau livre, montrant comment certaines actions étaient bien réfléchies tandis que d’autres étaient juste des coups de chance. C’est très fouillé, et le lecteur se perd souvent dans les personnages, mais surtout dans les nombreuses batailles, ponctuées de pillages et de tortures des perdants (aucun détail n’est épargné). Darymple a l’art de garder le suspense mais parfois l’histoire elle-même devient un peu ennuyeuse. Je n’ai jamais été passionnée par l’histoire politique et militaire, et ce livre ne parle que de ça; je pensais en fait retrouver une description de la société de l’époque et ce n’est pas le cas. Mais au final, je ne suis pas mécontente de ma lecture, parce qu’elle met le doigt sur des événements importants dans l’histoire et montre comme un empire a été créé par une petite entreprise commerciale avide d’argent, et sans respect aucun pour la culture locale. Je ne conseille pas ce livre à tout le monde mais je ne peux qu’admirer les recherches de l’auteur.

J’ai commencé ce livre bien avant que je n’aie connaissance du challenge non-fiction d’Electra mais je l’ai terminé pendant le mois de novembre, pendant la période de publication de ce challenge.

The fishing fleet

51kn1wapkpl-_sx320_bo1204203200__zpsbskypz74Anne De Courcy, The fishing fleet. Husband-hunting in the Raj: je suis tombée sur ce livre par hasard, au détour de mes recherches sur les femmes voyageuses et l’Inde coloniale. Phénomène apparement très connu des Britanniques (mes compagnons de voyage au Sri Lanka étaient au courant), la Fishing Fleet était un mystère pour moi. Sous le Raj, sous la domination britannique en Inde donc, de nombreuses jeunes filles étaient envoyées dans la colonie pour épouser l’un des nombreux hommes célibataires qui y travaillaient, que ce soit dans le service civil ou dans l’armée. Il était en effet très mal vu, voire même interdit, d’épouser une Indienne car on ne mélangeait pas les races à cette époque. Anne De Courcy s’est basée sur de nombreux journaux intimes de l’époque ainsi que sur d’autres documents historiques pour décrire la vie de ces femmes, de leur départ en bateau jusqu’à leur arrivée et leur vie sur place. Elle parle des rencontres, des bals, des promenades et chasses au tigre, des mariages mais aussi de la vie parfois difficile après l’union – dans des contrées isolées sans le moindre médecin à proximité alors que ces lieux grouillaient de bêtes sauvages et de maladies tropicales. Je ne dirais pas que cela se lit comme un roman – j’ai mis plusieurs mois à terminer le livre – mais ce qui est décrit est passionnant, c’est une tranche de vie des colonies, sous les tropiques. Ce qui me fait penser que je devrais chercher un équivalent pour l’Indochine – si ça existe.

Book_RATING-40