The House of Doors

Tan Twan Eng, The House of Doors: 1921 – Lesley Hamlyn vit avec son mari Robert, un vétéran de la guerre et avocat, à Penang (faisant partie à l’époque des Straits Settlements, ou Etablissements de détroits, administrés par les Britanniques). Ils occupent une maison en bord de mer nommée Cassowary House qui rappelle l’oiseau, le casoar (dont le nom vient du malais) mais aussi l’arbre, le casuarina, dont un exemplaire apporte de l’ombre au jardin. Un ami de longue date de Robert, Somerset Maugham (Willie), vient s’y installer pour un moment, avec son « secrétaire » Gerald. Les soirées sont l’occasion de discussions autour d’un verre et Lesley dévoile des secrets, tout en se rendant compte qu’ils serviront sans doute d’inspiration à l’auteur pour ses prochains écrits. On retourne alors au début des années 1910: Sun Yat Sen est en mission à Penang pour récolter de l’argent pour sa cause et Lesley le rencontre, ainsi que son groupe d’amis. A la même époque, la colonie est secouée par le procès d’une Anglaise accusée de meurtre; elle est une amie de Lesley et celle-ci fait tout ce qu’elle peut pour la soutenir.

L’auteur malais (qui écrit en anglais) Tan Twan Eng s’est inspiré d’événements réels: le séjour de Somerset Maugham à Penang (qui a inspiré son recueil de nouvelles The Casuarina Tree (Le sortilège malais)), celui de Sun Yat Sen en 1910 et le cas d’Ethel Proudlock qui a tué un homme en 1911 (je me suis rendue compte que c’est aussi le sujet du quatrième roman de la série autour d’Harriet Gordon d’A.M. Stuart, dont j’ai lu les deux premiers ainsi que du film The Letter avec Bette Davies que j’ai vu récemment, d’ailleurs adapté d’un roman de Maugham). L’auteur a joué avec les dates pour faire coïncider ces deux derniers événements en 1911.

Quand j’avais lu que ce livre parlait Maugham, j’avais été moins tentée par sa lecture et je l’avais repoussée. Je n’aurais pas dû. J’ai retrouvé avec un immense plaisir l’écriture de Tan Twan Eng, ses histoires très bien construites qui tiennent en haleine le lecteur, ses descriptions de la nature luxuriante de Penang et de la Malaisie, sa connaissance de la société coloniale mais aussi l’inclusion de beaucoup de notions typiquement malaises, des mots locaux, la cuisine, les ambiances… J’ai très vite accroché à cette histoire qui se déroule à plusieurs niveaux, la vie d’un auteur célèbre aujourd’hui alors qu’il est dans une passe difficile, son homosexualité dont il ne faut pas parler, ainsi que la vie de la communauté chinoise de Penang et pour pimenter le tout, une histoire de meurtre et de procès. C’est un roman qui parle de sujets contemporains comme la sexualité, le genre, les relations de couple, le racisme, le colonialisme mais en les remettant dans un contexte plus ancien. J’ai adoré !

Ce roman n’est pas encore traduit en français, mais je vous conseille chaudement la lecture de deux romans plus anciens, Le don de la pluie (The Gift of Rain – 2007) et Le jardin des brumes du soir (The Garden of Evening Mists – 2011). Ces trois livres s’insèrent dans l’activité sur les littératures d’Asie du Sud-Est.

Tan Twan Eng, The House of Doors, Bloomsbury Publishing, 2023, 320p. (pas de traduction en français, mais ça pourrait bien être prévu)

Sans lendemain

Jake Hinkson, Sans lendemain: Billie Dixon est une femme moderne pour les années 1940. Elle s’est installée à Los Angeles pour écrire des scénarios mais ne trouve pas de travail. Elle accepte un job qui lui demande de parcourir les routes des Etats-Unis pour vendre des films de série B dans les trous les plus perdus. Elle arrive dans un bled paumé de l’Arkansas où le patron de la salle de cinéma lui dit qu’il a dû fermer à cause du prédicateur local fanatique. Elle décide d’aller lui parler pour tenter de le convaincre; elle rencontre par la même occasion son épouse, Amberly, et est irrésistiblement attirée par elle. C’est là que ses ennuis commencent.

Si au départ, j’ai beaucoup aimé le personnage de femme forte de Billie, j’ai très vite déchanté avec cette histoire qui m’a semblé tout à fait invraisemblable (une femme de pasteur qui tombe amoureuse d’une autre femme au premier coup d’oeil et qui la suit sans réfléchir – dans les années 1940 ?). Les péripéties s’accumulent, de même que les mensonges et je n’y ai pas cru un instant. Tout se passe très rapidement, trop même. L’idée n’était pas mauvaise, mais j’aurais aimé que les personnages soient moins superficiels, moins unidimensionnels. On se saura jamais ce qui a poussé Amberly dans ses actions, ni pourquoi Billie a agi comme ça. Ce livre se veut noir, mais il l’est à peine quand on le compare avec d’autres auteurs. C’est un roman court – c’est peut-être ça son problème ? – et je l’ai donc lu jusqu’à la fin, en quelques heures. Mais deux semaines plus tard, pour écrire ce billet, j’avais déjà en grande partie oublié l’intrigue (et je descends d’ailleurs ma note de 3 à 2). Dommage, parce que j’aurais vraiment aimé suivre les aventures d’une femme indépendante comme Billie dans les années 1940.

Kathel était plus enthousiaste que moi. Et quand je vois ses notes sur les autres romans de l’auteur, peut-être qu’il ne faut pas commencer par celui-ci.

Jake Hinkson, Sans lendemain, Gallmeister, 2019, 217p. (traduction par Sophie Aslanides, titre original: No Tomorrow, 2015)

Le bureau d’éclaircissement des destins

Gaëlle Nohant, Le bureau d’éclaircissement des destins: la Française Irène vit dans la Hesse en Allemagne; elle y avait épousé un homme du coin mais a divorcé peu après la naissance de son fils, aujourd’hui jeune adulte. Elle est restée là à cause de son travail qui la passionne: elle fait des recherches au sein de l’International Tracing Service, un centre de documentation sur les persécutions nazies et les camps de concentration. Une de ses missions est de retrouver les propriétaires (ou leurs descendants) d’objets retrouvés à la fermeture des camps, un Pierrot en tissu, un mouchoir brodé, un médaillon… Elle est méticuleuse et tenace, et entourée de personnes pleines de ressources. Ses enquêtes dévoilent le passé, maillon par maillon, et racontent l’histoire de personnes, un homme juif qui a participé à la révolte de Treblinka et qui a réussi à s’enfuir, continuant sa vie sur plusieurs continents, une femme polonaise arrêtée et emmenée dans un camp de travail, qui prend sous son aile un petit garçon, une autre femme, allemande, qui dévoile enfin ses secrets (avoir vu The Zone of Interest juste avant donne une certaine chair à cette femme, même si elles sont fort différentes au final)…

Le roman raconte des destins particuliers de femmes et d’hommes (destins inventés par l’autrice mais basés sur des faits réels), des destins tragiques mais aussi des histoires qui font chaud au cœur. Il entremêle ce passé au présent d’une femme qui se pose des questions sur elle-même, sur sa relation avec son fils et sur la vie d’une de ses collègues particulièrement importante, une femme juive qui a survécu et qu’elle ne connaît finalement pas si bien que ça. Il ne s’agit donc pas uniquement d’un roman sur les camps de concentration mais bien d’un récit actuel qui pose des questions très contemporaines, et c’est cela le point fort de ce livre. Gaëlle Nohant a un art tout particulier pour plonger le lecteur dans des histoires très prenantes, aux émotions très fortes mais savamment dosées. J’aime beaucoup cette autrice et j’avais déjà beaucoup apprécié La part des flammes, j’étais plus mitigée pour L’ancre des rêves, et j’ai de nouveau beaucoup aimé La femme révélée. Ce sont ces lectures, et les avis sur les blogs, qui m’ont poussée à lire ce nouveau roman, alors que j’évite en général le thème des camps de concentration et du génocide juif. J’ai bien fait de sortir de ma zone de confort.

Une lecture commune avec Livr’escapades, Keisha et Je lis je blogue qui ont des avis très contrastés.

Gaëlle Nohant, Le bureau d’éclaircissement des destins, Grasset, 2023, 416p.

Short diary of the week (538)

Lundi: contre toute attente j’ai assez bien dormi, écouter des disques, la semaine de travail qui va être chamboulée pour cause de présence obligatoire ce jeudi (mais j’aurai un jour de télétravail en plus la semaine prochaine), le premier entretien de fonctionnement avec mon chef (ça fait des années que je n’en ai plus eu), je suis donc un « pilier » de l’institution, n’empêche ça m’a bien épuisée et j’ai plein de courbatures, ne plus faire grand-chose en rentrant, je n’en peux plus d’avoir aussi mal aux seins (une crise de larmes a été nécessaire pour évacuer un peu tout ça), le début d’un film qui est censé être bien mais je ne suis pas sûre que ça correspond vraiment à mes goûts

Mardi: pas envie – une journée complète de réunion donc, c’était long… et épuisant, il fait chaud en fait, la suite du film qui m’ennuie tellement que j’arrête à 30 minutes de la fin: Meet Me in St. Louis (Vincente Minnelli, 1944)

Mercredi: congé !, de la couture, semer diverses variétés de basilics et autres aromatiques, me rendre compte que je n’ai quasi plus de semences d’ipomées et faire une commande express, lire sur la terrasse sous le parasol, et décider de faire de même en soirée jusqu’à la tombée du jour même si mon roman en cours n’est pas des plus prenants

Jeudi: au bureau donc, terminer ma partie dans ce document mode d’emploi très aride et très long, quand deux collègues ont amené leurs filles pour cause de vacances scolaire ça met de l’animation, la réunion d’équipe, plus aucune énergie, regarder de tout et n’importe quoi à la tv

Vendredi: toutes ces petites choses à terminer, et puis regarder un documentaire pour le boulot: Mr. Wong’s World (Christian Shidlowski, Allemagne, 2007), commencer à réfléchir à un texte, l’excitation pour un possible voyage cet été, de la lecture, commencer à préparer le voyage d’après aussi, le début d’un film mais après 30 minutes mes yeux se ferment – ce n’est pas ma semaine pour les films

Samedi: les matins paresseux du w-e, une météo maussade et pluvieuse et donc terminer deux livres dans l’après-midi – de la fiction et de la non-fiction, tenter une recette qui s’avère complètement décevante – je n’ai pas fini mon assiette, la fin du film: Murder, My Sweet (Edward Dmytryk, 1944)

Dimanche: des maux de ventre légers mais quand même bien présents, un payement pour un voyage en juillet – je suis excitée et intimidée à la fois, de la couture (et cette impression de ne pas avancer), du jardinage – j’ai presque fini d’enlever les mauvaises herbes, rajouter de la terre aux plants de tomates, de la lecture, de la cuisine, le début d’un film

sur suasaday, ma dernière journée à Hong Kong en compagnie de Karine

Walk the Vanished Earth

Erin Swan, Walk the Vanished Earth: 1873, 1975, 2027, 2073 – le roman se déroule à toutes ces époques, suivant Samson, un chasseur de bisons, Bea, une jeune fille errante et enceinte, recueillie dans une institution où elle reste mutique, Paul et sa fille, qui vivent dans une Nouvelle-Orléans inondée, et dont les bâtiments sont reliés par des passerelles aériennes, et enfin Moon, une jeune femme vivant sur Mars avec ses deux oncles, deux hommes bizarres pas tout à fait humains. Les chapitres consacrés à l’un ou l’autre s’entrecroisent et des liens se créent, il y a le rêve récurrent d’un géant, les paysages sont marqués par la sécheresse mais aussi par des inondations jamais vues qui mènent au cataclysme.

J’ai été attirée par ce roman parce qu’il était dans la liste des 50 romans de SF de Numérama mais aussi parce qu’il était édité par Gallmeister, toujours gage de qualité à mes yeux. Et aussi à cause des références à Emily St. John Mandel que j’aime beaucoup. Mais c’est là que le bât blesse: ce n’est pas aussi abouti. C’est le premier roman d’Erin Swan et ça se sent un peu. J’ai l’impression qu’elle a voulu trop raconter mais au final, c’est très déconstruit et ça manque de liant. La partie se déroulant à La Nouvelle-Orléans aurait pu constituer un roman à part entière. Il crée en effet un monde assez particulier qui montre une manière de survivre au changement climatique. La partie sur Mars est également intéressante mais m’a semblé pas assez développée. Quant aux autres épisodes du passé, ils sont fort courts. Il y a une certaine poésie et beaucoup de nostalgie, mais dans mon cas, ça ne passe pas, ça m’a semblé être du sous St. John Mandel. J’ai clairement eu un goût de trop peu avec ce roman.

C’est malgré tout une première participation littéraire au challenge marsien organisé par ta d loi du cine sur le blog de dasola. J’espère que trouverai un roman plus passionnant dans le futur.

L’avis plus positif de Keisha.

Erin Swan, Walk the Vanished Earth, Penguin Books, 2023, 384p. (première édition: 2022, traduit en français: Parcourir la terre disparue)

Bilan culturel – avril 2024

Romans

  • Erin Swan, Walk the Vanished Earth – 3/5
  • Gaëlle Nohant, Le bureau d’éclaircissement des destins – LC
  • Jake Hinson, Sans lendemain – 3/5
  • Einar Kárason, Oiseaux de tempête – 4/5
  • Han Kang, Impossibles adieux – LC
  • Tan Twan Eng, The House of Doors – 5/5

Séries tv

  • Sambre (Jean-Xavier de Lestrade, France-Belgique, 2023) – 4/5

Films

  • Going My Way (Leo McCarey, 1944) – 2/5
  • Are You Lonesome Tonight ? (Wen Shipei, Chine, 2021) – 4/5
  • A Canterbury Tale (Emeric Pressburger & Michael Powell, 1944) – 2,5/5
  • Fallen Leaves (Aki Kaurismäki, Finlande, 2023) – 4/5
  • Lifeboat (Alfred Hitchcock, 1944) – 4/5
  • Ferrari (Michael Mann, 2023) – 2/5
  • Arsenic and Old Lace (Frank Capra, 1944) – 3,5/5
  • Feeling Minnesota (Steven Baigelman, 1996) – 1/5
  • Phantom Lady (Robert Siodmak, 1944) – 4/5
  • The Woman in the Window (Fritz Lang, 1944) – 3/5
  • Meet Me in St. Louis (Vincente Minnelli, 1944) – 2/5

Documentaires

  • Les pionniers de la musique de film (Florian Caspar Richter, Allemagne, 2023) – 3/5
  • Tuer l’Indien dans le cœur de l’enfant (Gwenlaouen Le Gouil, France, 2021) – 4/5
  • Reel Injun (Hollywood et les Indiens) (Neil Diamond, Catherine Bainbridge & Jeremiah Hayes, Canada, 2009) – 4/5

Short diary of the week (537)

Lundi: pas bien dormi, de l’encodage, faire le prêt du midi pour aider les collègues et discuter avec ceux qui sont présents, commencer ce long descriptif et mode d’emploi des points de notre système de gestion de médias (il y a beaucoup de points obsolètes), bien avancer comme toujours au début d’un projet, aller à la boutique de mon fournisseur d’accès tv et internet pour obtenir une nouvelle box tv – et me laisser convaincre de prendre le téléphone mobile chez eux aussi (j’avais toujours gardé un compte séparé), je n’aime pas installer ce genre de box et je pensais repousser ça à jeudi mais le changement d’abonnement a supprimé quasi toutes les chaînes, et donc pester sur l’installation du machin avec les câbles qui s’emmêlent derrière le meuble tv (dont un qui ne rentre nulle part – j’ai trouvé une solution alternative qui a l’air de fonctionner), et me rendre compte qu’il manque une chose importante à cette box: l’affichage de l’heure !, fatiguée de tout ça je ne fais plus rien de ma soirée, me sentir très nerveuse – je suis sûre que je ne vais pas m’endormir, céder vers minuit et prendre de l’anxiolytique (ça faisait bien quatre mois que je n’en avais plus pris)

Mardi: une nuit bien trop courte donc, ah mon téléphone est enfin passé chez le nouvel opérateur, mais est-ce que mon compte a bien été résilié ?, m’atteler à ce mode d’emploi, en avoir marre après deux heures de travail intensif, une diversion: une mini formation sur la gestion du nouveau site, une autre diversion: trier des vinyles avec un collègue, rentrer chez moi épuisée et incapable de faire quoi que ce soit, le premier épisode de Sambre

Mercredi: le réveil qui sonne au milieu d’un rêve, la suite du mode d’emploi, des problèmes qu’on n’ose pas signaler, écrire un court texte, c’est la fin de la semaine au bureau – il faut donc penser à laver ma tasse et arroser les plantes, commander une horloge pour mettre à côté de la tv, la suite de Sambre

Jeudi: vivement ce w-e que les températures remontent un peu, on voit les effets du coup de gel de mardi matin au jardin – la moitié des feuilles du figuier (notamment) ont gelé (mais bizarrement pas l’autre moitié) et j’espère que mes bébés poires nashi n’ont pas souffert, les mails qui disent que cette fois-ci les problèmes étaient bien une urgence et qu’on aurait dû les signaler de suite – ça devient compliqué tout ça, continuer un texte en cours, encore des problèmes, avec tout ça mon texte n’avance pas, mais cette fois-ci c’est réglé, ramener l’ancienne box tv à la boutique du fournisseur et signaler qu’elle a l’air bien plus cheap que le précédente, de la lecture, la suite de Sambre – il reste trop à regarder pour terminer ce soir mais ce n’est pas l’envie qui manque

Vendredi: mais quelle horrible nuit – sans raison, à moins que ce ne soit la progestérone dans le THS ?, sauf qu’apparemment la progestérone fait mieux dormir d’après dr google, des maux de tête qui commencent, continuer tant bien que mal les textes en cours, de la lecture, terminer Sambre (Jean-Xavier de Lestrade, France-Belgique, 2023)

Samedi: un sommeil agité et des insomnies – encore, traîner dans le canapé, c’est un peu dur ce matin – je n’ai envie de rien, de la couture, une mini sieste, me forcer à aller au jardin pour continuer le nettoyage de la plate-bande – ce qui me fait du bien et change mon humeur morose en quelque chose de plus positif, de la lecture – je suis bien lente dans mes lectures de non-fiction depuis le début de l’année, tenter trois films et les abandonner après quelques minutes: pas envie de voir un film un peu poussiéreux et bien trop long avec une héroïne détestable (Mr. Skeffington, Vincent Sherman, 1944), ni un film sur un cheval et des enfants (National Velvet, Clarence Brown, 1944), puis commencer Jane Eyre (Robert Stevenson, 1943 – j’avais mal noté l’année sur ma liste) mais me dire qu’une adaptation aussi ancienne n’est pas une bonne manière d’apprécier le roman (et je n’ai pas supporté la manière dont les mauvais traitements envers les enfants sont filmés) – bref une soirée ratée au point de vue cinéma mais qui aura sans doute éliminé la plupart des films pénibles de ma liste pour 1944, de la lecture

Dimanche: encore un réveil intempestif au milieu de la nuit mais au moins je suis plus ou moins reposée le matin, des brouillons de billets, de la couture, sortir les dernières plantes qui étaient à l’intérieur, du jardinage, enfin arriver à cette zone oubliée où se trouve un yuzu mort depuis l’hiver de l’année passée, continuer le désherbage donc – ça devrait être terminé la semaine prochaine, quelques gouttes de pluie me poussent à rentrer, de la lecture, The Woman in the Window (Fritz Lang, 1944)

sur suasaday, mon escapade dans le sud de l’île de Hong Kong

La bête 1 & 2

Zidrou & Frank Pé, La bête 1 & 2: (en relisant mon texte, je me rends compte que j’avais déjà écrit un billet pour le volume 1 et que je me répète un peu ici, mais tant pis). Dans les années 1950, une étrange bête ressemblant à un singe, avec une très longue queue, s’échappe d’un cargo amarré à Anvers. Il se retrouve à Bruxelles où il est découvert par François, un ket qui soigne et héberge tous les animaux perdus (et estropiés) qu’il rencontre. Sa mère accepte sans trop ronchonner, la vie n’est pas facile mais elle a un cœur en or et finalement cette ménagerie composée d’un cheval alcoolique, de loutres amoureuses, d’un marcassin, d’un chat, et de plein d’autres espèces la fait sourire. François n’a pas la vie facile à l’école – on se moque de lui parce que son père était un boche, mais il espère le rejoindre un jour en Allemagne. L’histoire connaît plein de péripéties impliquant ses camarades de classe et son instituteur, la police (dont un flic tout droit tiré de Quick & Flupke) et la fourrière, les scientifiques du Musée des Sciences Naturelles et même s’il y a pas mal de moments fort sombres, cela reste une bande-dessinée qui se veut positive.

Je lis peu de bandes-dessinées (je me répète, donc) mais j’ai toujours eu un faible pour le marsupilami (pas encore nommé comme ça ici). Et puis j’ai vu le graphisme qui m’a tout de suite attirée. Il est très précis et très atmosphérique en même temps, parfois sombre, parfois lumineux. Les planches montrant le centre de Bruxelles dans les années 1950 ressemblent à des cartes postales, j’aurais pu y croiser ma mère et mes grands-parents faisant leurs courses Rue Neuve dans l’ancien Innovation ou allant au cinéma, à l’Eldorado. Le Musée de la BD est représenté alors qu’il était encore un magasin de tissu; les abattoirs sont toujours là et on y vend toujours des moules comme la maman de François; les trams parcourent toujours la Rue Royale, seuls les numéros ont changé; la troupe d’iguanodons prenait déjà une place importante au Musée des Sciences Naturelles. L’histoire connaît plein de retournements de situation et est remplie d’humour, d’autant plus parce que je comprends toutes les expressions en bruxellois sans devoir consulter le lexique; à vrai dire j’en utilise certaines moi-même (« brol » fait partie de mon langage courant). J’ai ri, j’ai pleuré, j’ai savouré. Deux volumes, c’est trop court et en même temps, c’est juste bien, surtout que le second est fort épais.

L’avis de Je lis je blogue.

Zidrou & Frank Pé, La bête 1 & 2, Dupuis, 2020 & 2023, 155 & 207p.

Riverrun

Danton Remoto, Riverrun: Danilo Cruz grandit aux Philippines, il habite avec sa famille près d’une base militaire où travaille son père. Il raconte par petites vignettes la vie quotidienne, son enfance, son parcours à l’école, les déménagements successifs… et un sentiment qui l’habite, qu’il n’est pas comme les autres garçons. Dès l’enfance, il se sent attiré par eux, et toute la communauté l’a remarqué, ce qui engendre parfois des frictions qu’il ne comprend pas toujours. Au travers de ce parcours personnel transparait l’histoire des Philippines, la dictature de Ferdinand Marcos et le rôle de son épouse, mais aussi des événements mondiaux comme le premier pas sur la lune.

Danilo est quelque part l’alter ego de l’auteur, Danton Remoto (1963), qui est journaliste, essayiste, poète, traducteur et romancier, et défenseur de la communauté LGBTQIA+ aux Philippines. Il rédige ses livres et poèmes en anglais et philippin. Son écriture est belle, on sent qu’il est poète, mais cela reste un roman. Il décrit les détails de la vie aux Philippines, les logements, le système scolaire, la nature, les arbres… La chronologie des vignettes n’est pas entièrement respectée et cela engendre un agréable chaos qui ajoute une certaine saveur au roman. J’ai beaucoup accroché à ce récit de « coming of age » venant d’un pays que je ne connais pas du tout et j’ai découvert un auteur qui me plaît beaucoup.

J’ai découvert ce livre sur l’Asian Review of Books, et c’est donc un premier livre philippin (pour moi) pour l’activité sur les littératures d’Asie du Sud-Est.

Danton Remoto, Riverrun, Penguin, 2020, 216p. (première publication en 2015, non traduit)

At the movies – 72 (1940s)

Phantom Lady de Robert Siodmak

Shadow of a Doubt, Alfred Hitchcock (1943) – 3/5: Charlotte « Charlie » (Teresa Wright) est une jeune fille qui s’ennuie; son humeur change complètement à l’annonce de l’arrivée de son oncle Charlie (elle porte son nom) (Joseph Cotten). Mais très vite, elle se rend compte qu’il n’est peut-être pas celui qu’on croit. Serait-il le meurtrier en série poursuivi par la police ? La mise en place est un peu longue, et la fin un peu vite expédiée – je n’ai pas trop accroché à ce film pourtant plein de suspense.

Ceci termine mon visionnage pour 1943. Ma liste, déjà relativement courte, s’est vue amputée de cinq films supplémentaires, un parce qu’il était impossible à trouver, quatre parce que je n’ai pas eu le courage de m’imposer ça, pour diverses raisons. Il y a cependant quelques très bons films dans le lot: The Ox-Bow Incident de William A. Wellman, Le Corbeau d’Henri-Georges Clouzot, I Walked with a Zombie de Jacques Tourneur, Jour de colère de Carl Theodor Dreyer, Five Graves to Cairo de Billy Wilder et Ossessione de Luchino Visconti. Ou trois films non-américains (et je ne compte pas Jacques Tourneur), avec le début du néoréalisme italien. Pour 1944, ma liste est de nouveau plus longue mais j’en ai déjà enlevé un, un biopic académique avec une mauvaise note sur letterboxd.

Hail the Conquering Hero, Preston Sturges (1944) – 2/5: Woodrow (Eddie Bracken) est réformé des marines pour cause de rhume des foins mais il n’ose pas l’annoncer à sa mère, dont le mari (et donc son père) était un héros de guerre. Dans un bar, il paie à boire à six militaires revenant de Guadalcanal. Ceux-ci décident de changer le cours de choses et préviennent la mère que son fils rentre avec les honneurs de la guerre du Pacifique. Toute la petite ville le porte aux nues, tandis que Woodrow ne sait plus où se mettre. Une comédie où les dialogues fusent dans tous les sens. Une comédie de plus dont j’ai complètement décroché, sans réussir à l’apprécier malgré les thèmes abordés.

Going My Way, Leo McCarey (1944) – 2/5: Chuck O’Malley (Bing Crosby) est nommé prêtre dans une petite paroisse pleine de dettes de New York. Il a du mal à se faire accepter par le vieux père qui y vit. Et il trouve une solution pour détourner l’attention des jeunes délinquants du quartier: il crée un choeur. Ce film est ennuyeux à mourir et complètement dépassé aujourd’hui (il aurait inspiré Sister Act). Il y a quelques chansons mais elles sont vite oubliées. Pourquoi est-ce que je me suis imposé ça jusqu’au bout ?

A Canterbury Tale, Emeric Pressburger & Michael Powell (1944) – 2,5/5: deux militaires et une jeune femme arrivent de nuit dans un village près de Canterbury. Le film les suit dans des aventures assez bizarres, rappelant en partie le livre du Moyen Age. Je n’ai pas tout compris, il y a de jolis passages, mais j’ai décroché complètement pour d’autres parties. Un film qui est apprécié par les spectateurs sur letterboxd (avec une note moyenne de 3,8/5) mais pas par moi.

Lifeboat, Alfred Hitchcock (1944) – 4/5: un navire de passagers a été torpillé par un sous-marin allemand. Les survivants se rassemblent dans un canot de sauvetage et doivent décider ensemble de la marche à suivre. Vont-ils accepter d’être menés par le seul survivant allemand qui a l’air de mieux s’y connaître que les autres en navigation ? Et puis il faut sauver le blessé, gérer les stocks de nourriture et d’eau… et les personnalités de chacun. Un huis-clos en plein air (qui donne parfois le mal de mer) filmé avec brio par Hitchcock, sur base d’un livre scénario de John Steinbeck. Avec Tallulah Bankhead qui crève l’écran et John Hodiak torse nu et avec tatouages.

Arsenic and Old Lace, Frank Capra (1944) – 3,5/5: Mortimer Brewster (Cary Grant), critique de théâtre et auteur d’un livre sur l’inutilité du mariage, tombe amoureux et se marie. Il veut prévenir ses deux tantes et découvre un cadavre dans le coffre du salon. Ce n’est pas leur premier meurtre. Il se trouve alors embarqué dans une situation où les quiproquos s’accumulent, avec une série d’autres personnages (son oncle qui se prend pour Theodore Roosevelt, son frère qui est aussi un meurtrier…). J’ai toujours du mal avec ces films à l’unique décor (ou presque) et au débit incessant mais je dois bien avouer que j’ai apprécié les deux tantes et Cary Grant qui passe de mimique en mimique à grande vitesse.

Phantom Lady, Robert Siodmak (1944) – 4/5: John « Jack » Marlow (Franchot Tone) rencontre une femme dans un bar. Son épouse lui a posé un lapin et il propose à cette inconnue d’aller au théâtre avec lui. Elle accepte à condition de ne pas devoir donner son nom. Quand Jack rentre chez lui, la police l’attend: sa femme a été assassinée et il est arrêté. La femme a disparu et aucun possible alibi ne tient la route. Sa secrétaire Carol « Kansas » (Ella Raines), secrètement amoureuse de lui, est persuadée de son innocence et mène l’enquête pendant qu’il attend la peine de mort. Un beau film noir, avec beaucoup de suspense, une psychologie assez travaillée et une belle dose de musique, du music-hall aux sonorités latines (c’est le premier film où j’entends ce genre de musique – même s’il y a sans doute d’autres avant) à une superbe scène de jazz, filmée sous un angle très rapproché et très teintée sexuellement (à l’insu du Code Hays). J’ai aussi beaucoup aimé les coiffures, costumes et chaussures.