La bête 1 & 2

Zidrou & Frank Pé, La bête 1 & 2: (en relisant mon texte, je me rends compte que j’avais déjà écrit un billet pour le volume 1 et que je me répète un peu ici, mais tant pis). Dans les années 1950, une étrange bête ressemblant à un singe, avec une très longue queue, s’échappe d’un cargo amarré à Anvers. Il se retrouve à Bruxelles où il est découvert par François, un ket qui soigne et héberge tous les animaux perdus (et estropiés) qu’il rencontre. Sa mère accepte sans trop ronchonner, la vie n’est pas facile mais elle a un cœur en or et finalement cette ménagerie composée d’un cheval alcoolique, de loutres amoureuses, d’un marcassin, d’un chat, et de plein d’autres espèces la fait sourire. François n’a pas la vie facile à l’école – on se moque de lui parce que son père était un boche, mais il espère le rejoindre un jour en Allemagne. L’histoire connaît plein de péripéties impliquant ses camarades de classe et son instituteur, la police (dont un flic tout droit tiré de Quick & Flupke) et la fourrière, les scientifiques du Musée des Sciences Naturelles et même s’il y a pas mal de moments fort sombres, cela reste une bande-dessinée qui se veut positive.

Je lis peu de bandes-dessinées (je me répète, donc) mais j’ai toujours eu un faible pour le marsupilami (pas encore nommé comme ça ici). Et puis j’ai vu le graphisme qui m’a tout de suite attirée. Il est très précis et très atmosphérique en même temps, parfois sombre, parfois lumineux. Les planches montrant le centre de Bruxelles dans les années 1950 ressemblent à des cartes postales, j’aurais pu y croiser ma mère et mes grands-parents faisant leurs courses Rue Neuve dans l’ancien Innovation ou allant au cinéma, à l’Eldorado. Le Musée de la BD est représenté alors qu’il était encore un magasin de tissu; les abattoirs sont toujours là et on y vend toujours des moules comme la maman de François; les trams parcourent toujours la Rue Royale, seuls les numéros ont changé; la troupe d’iguanodons prenait déjà une place importante au Musée des Sciences Naturelles. L’histoire connaît plein de retournements de situation et est remplie d’humour, d’autant plus parce que je comprends toutes les expressions en bruxellois sans devoir consulter le lexique; à vrai dire j’en utilise certaines moi-même (« brol » fait partie de mon langage courant). J’ai ri, j’ai pleuré, j’ai savouré. Deux volumes, c’est trop court et en même temps, c’est juste bien, surtout que le second est fort épais.

L’avis de Je lis je blogue.

Zidrou & Frank Pé, La bête 1 & 2, Dupuis, 2020 & 2023, 155 & 207p.

Riverrun

Danton Remoto, Riverrun: Danilo Cruz grandit aux Philippines, il habite avec sa famille près d’une base militaire où travaille son père. Il raconte par petites vignettes la vie quotidienne, son enfance, son parcours à l’école, les déménagements successifs… et un sentiment qui l’habite, qu’il n’est pas comme les autres garçons. Dès l’enfance, il se sent attiré par eux, et toute la communauté l’a remarqué, ce qui engendre parfois des frictions qu’il ne comprend pas toujours. Au travers de ce parcours personnel transparait l’histoire des Philippines, la dictature de Ferdinand Marcos et le rôle de son épouse, mais aussi des événements mondiaux comme le premier pas sur la lune.

Danilo est quelque part l’alter ego de l’auteur, Danton Remoto (1963), qui est journaliste, essayiste, poète, traducteur et romancier, et défenseur de la communauté LGBTQIA+ aux Philippines. Il rédige ses livres et poèmes en anglais et philippin. Son écriture est belle, on sent qu’il est poète, mais cela reste un roman. Il décrit les détails de la vie aux Philippines, les logements, le système scolaire, la nature, les arbres… La chronologie des vignettes n’est pas entièrement respectée et cela engendre un agréable chaos qui ajoute une certaine saveur au roman. J’ai beaucoup accroché à ce récit de « coming of age » venant d’un pays que je ne connais pas du tout et j’ai découvert un auteur qui me plaît beaucoup.

J’ai découvert ce livre sur l’Asian Review of Books, et c’est donc un premier livre philippin (pour moi) pour l’activité sur les littératures d’Asie du Sud-Est.

Danton Remoto, Riverrun, Penguin, 2020, 216p. (première publication en 2015, non traduit)

At the movies – 72 (1940s)

Phantom Lady de Robert Siodmak

Shadow of a Doubt, Alfred Hitchcock (1943) – 3/5: Charlotte « Charlie » (Teresa Wright) est une jeune fille qui s’ennuie; son humeur change complètement à l’annonce de l’arrivée de son oncle Charlie (elle porte son nom) (Joseph Cotten). Mais très vite, elle se rend compte qu’il n’est peut-être pas celui qu’on croit. Serait-il le meurtrier en série poursuivi par la police ? La mise en place est un peu longue, et la fin un peu vite expédiée – je n’ai pas trop accroché à ce film pourtant plein de suspense.

Ceci termine mon visionnage pour 1943. Ma liste, déjà relativement courte, s’est vue amputée de cinq films supplémentaires, un parce qu’il était impossible à trouver, quatre parce que je n’ai pas eu le courage de m’imposer ça, pour diverses raisons. Il y a cependant quelques très bons films dans le lot: The Ox-Bow Incident de William A. Wellman, Le Corbeau d’Henri-Georges Clouzot, I Walked with a Zombie de Jacques Tourneur, Jour de colère de Carl Theodor Dreyer, Five Graves to Cairo de Billy Wilder et Ossessione de Luchino Visconti. Ou trois films non-américains (et je ne compte pas Jacques Tourneur), avec le début du néoréalisme italien. Pour 1944, ma liste est de nouveau plus longue mais j’en ai déjà enlevé un, un biopic académique avec une mauvaise note sur letterboxd.

Hail the Conquering Hero, Preston Sturges (1944) – 2/5: Woodrow (Eddie Bracken) est réformé des marines pour cause de rhume des foins mais il n’ose pas l’annoncer à sa mère, dont le mari (et donc son père) était un héros de guerre. Dans un bar, il paie à boire à six militaires revenant de Guadalcanal. Ceux-ci décident de changer le cours de choses et préviennent la mère que son fils rentre avec les honneurs de la guerre du Pacifique. Toute la petite ville le porte aux nues, tandis que Woodrow ne sait plus où se mettre. Une comédie où les dialogues fusent dans tous les sens. Une comédie de plus dont j’ai complètement décroché, sans réussir à l’apprécier malgré les thèmes abordés.

Going My Way, Leo McCarey (1944) – 2/5: Chuck O’Malley (Bing Crosby) est nommé prêtre dans une petite paroisse pleine de dettes de New York. Il a du mal à se faire accepter par le vieux père qui y vit. Et il trouve une solution pour détourner l’attention des jeunes délinquants du quartier: il crée un choeur. Ce film est ennuyeux à mourir et complètement dépassé aujourd’hui (il aurait inspiré Sister Act). Il y a quelques chansons mais elles sont vite oubliées. Pourquoi est-ce que je me suis imposé ça jusqu’au bout ?

A Canterbury Tale, Emeric Pressburger & Michael Powell (1944) – 2,5/5: deux militaires et une jeune femme arrivent de nuit dans un village près de Canterbury. Le film les suit dans des aventures assez bizarres, rappelant en partie le livre du Moyen Age. Je n’ai pas tout compris, il y a de jolis passages, mais j’ai décroché complètement pour d’autres parties. Un film qui est apprécié par les spectateurs sur letterboxd (avec une note moyenne de 3,8/5) mais pas par moi.

Lifeboat, Alfred Hitchcock (1944) – 4/5: un navire de passagers a été torpillé par un sous-marin allemand. Les survivants se rassemblent dans un canot de sauvetage et doivent décider ensemble de la marche à suivre. Vont-ils accepter d’être menés par le seul survivant allemand qui a l’air de mieux s’y connaître que les autres en navigation ? Et puis il faut sauver le blessé, gérer les stocks de nourriture et d’eau… et les personnalités de chacun. Un huis-clos en plein air (qui donne parfois le mal de mer) filmé avec brio par Hitchcock, sur base d’un livre scénario de John Steinbeck. Avec Tallulah Bankhead qui crève l’écran et John Hodiak torse nu et avec tatouages.

Arsenic and Old Lace, Frank Capra (1944) – 3,5/5: Mortimer Brewster (Cary Grant), critique de théâtre et auteur d’un livre sur l’inutilité du mariage, tombe amoureux et se marie. Il veut prévenir ses deux tantes et découvre un cadavre dans le coffre du salon. Ce n’est pas leur premier meurtre. Il se trouve alors embarqué dans une situation où les quiproquos s’accumulent, avec une série d’autres personnages (son oncle qui se prend pour Theodore Roosevelt, son frère qui est aussi un meurtrier…). J’ai toujours du mal avec ces films à l’unique décor (ou presque) et au débit incessant mais je dois bien avouer que j’ai apprécié les deux tantes et Cary Grant qui passe de mimique en mimique à grande vitesse.

Phantom Lady, Robert Siodmak (1944) – 4/5: John « Jack » Marlow (Franchot Tone) rencontre une femme dans un bar. Son épouse lui a posé un lapin et il propose à cette inconnue d’aller au théâtre avec lui. Elle accepte à condition de ne pas devoir donner son nom. Quand Jack rentre chez lui, la police l’attend: sa femme a été assassinée et il est arrêté. La femme a disparu et aucun possible alibi ne tient la route. Sa secrétaire Carol « Kansas » (Ella Raines), secrètement amoureuse de lui, est persuadée de son innocence et mène l’enquête pendant qu’il attend la peine de mort. Un beau film noir, avec beaucoup de suspense, une psychologie assez travaillée et une belle dose de musique, du music-hall aux sonorités latines (c’est le premier film où j’entends ce genre de musique – même s’il y a sans doute d’autres avant) à une superbe scène de jazz, filmée sous un angle très rapproché et très teintée sexuellement (à l’insu du Code Hays). J’ai aussi beaucoup aimé les coiffures, costumes et chaussures.

Oiseaux de tempête

Einar Kárason, Oiseaux de tempête: février 1959 – au large de Terre-Neuve-et-Labrador, le chalutier islandais Mafur vient de terminer sa campagne de pêche. Les cales sont remplies à ras bord de sébaste et il est temps d’entamer le chemin du retour. C’est alors qu’éclate une tempête exceptionnellement forte. Les températures chutent brusquement, le vent souffle violemment, et l’eau projetée sur le bateau gèle immédiatement, ce qui alourdit encore plus le bateau déjà bien chargé. Des marins sont envoyés sur le pont pour casser la glace mais la tâche est rendue difficile par les rafales. Le chalutier se couche plusieurs fois quasi sur son côté; détacher et abandonner les deux grands canots de sauvetage apportent un peu de répit mais oblitèrent toute possibilité de survie en cas de naufrage. Aller vers le sud dans une région où les températures sont plus clémente n’est pas une option: le navire doit aller vers le nord pour prendre les vagues de face à cause de sa lourde cargaison. Les marins travaillent sans relâche, ne dormant quasiment plus.

En lisant ce livre, je suis totalement sortie de ma zone de confort: c’est mon premier auteur islandais et ce n’est pas un sujet de prédilection. J’ai été emmenée dans l’aventure grâce au Booktrip en mer de Fanja et l’activité sur le monde du travail d’Ingannmic – je me suis dit qu’un doublé serait pas mal. Je l’avais mis dans ma PAL suite au billet de Sacha et après avoir terminé ma lecture du roman de Gaëlle Nohant (une LC à venir), je me suis rendue compte que j’avais tout à fait le temps d’insérer ce court livre et de participer à la lecture commune du moment avec Fanja et Kathel.

Cela fait beaucoup de contexte, mais qu’en ai-je pensé ? Au début, j’ai été un peu déstabilisée par la forme du récit. C’est un texte suivi, sans dialogues (ou juste de petits bouts qui sont cités par moments), très descriptif, écrit à la manière d’un historien expliquant un événement du passé. Il met en avant le point de vue d’un jeune marin, mais c’est assez secondaire. L’auteur précise cependant qu’il s’agit d’une fiction même si les événements ont bien eu lieu. Et c’est là que j’ai été embarquée: il décrit la vie à bord, la tempête, le chalutier avec une telle minutie que le lecteur se sent sur place. Les détails sont impressionnants, la force de la tempête aussi. J’ai été tenue en haleine durant tout le récit, j’ai vécu avec les marins, j’ai eu très peur pour eux et j’ai apprécié que l’auteur prenne le temps de parler des courts moments de repos et des repas qui permettent de souffler un peu. Et je me suis sentie soulagée en tournant la dernière page. Cela a dû être une expérience vraiment effrayante.

Juste encore ceci: je me suis posé des questions sur l’histoire, j’ai beaucoup entendu parler des « Ijslandvaarders », les marins flamands qui allaient pêcher dans les eaux islandaises, et j’ai donc été étonnée de voir que les marins islandais allaient pêcher vers les côtes du Canada. J’ai aussi revu les images de l’émission Deadliest Catch sur les pêcheurs de crabes en Alaska.

Einar Kárason, Oiseaux de tempête, Grasset, 2021, 156p. (traduit de l’islandais par Eric Boury, titre original: Stormfuglar)

Short diary of the week (536)

Lundi: apprendre les subtilités de l’encodage des films (je suis devenue depuis longtemps la personne ressource pour la musique non-classique), ce qui m’occupe toute la journée, pas que je sois fort distraite: nous ne sommes que deux dans mon couloir cet après-midi, me retrouver en plein dans la pluie et la bourrasque pour rentrer, faire sécher mes chaussures, épuisée par ce trajet (et par la fatigue de la journée), la fin du film: Ferrari (Michael Mann, 2023)

Mardi: faire un rêve où je vais chez le médecin parce que je n’ai aucune énergie, me réveiller à ce moment-là, affronter la pluie glaciale, la réunion plénière toute la matinée, ne plus arriver à travailler beaucoup l’après-midi mais mes plantes du bureau ont reçu de la nouvelle terre (il y avait un atelier de rempotage auquel je n’ai pas participé, j’ai juste pris les restes), toute cette attention la matin et toutes les interactions sociales m’ont vidée pour la journée et je ne fais plus rien non plus en rentrant, ma voisine de l’autre côté a protégé mon colis de la pluie – colis posé devant ma porte par le livreur – merci à elle, Garden Rescue que je ne verrai qu’à moitié parce que je m’endors

Mercredi: il faudra que je tape sur ce radiateur qui ne s’allume plus dans ma chambre, mais pas à 7h du matin – ça réveillerait les voisins, ça fait quelques jours que je traîne des soucis digestifs et ce n’est pas encore la grande forme ce matin, du tri, et puis beaucoup de papillonnage pour régler une série de choses mais qui donnent l’impression de ne pas avancer dans le travail, rentrer bien fatiguée mais éviter de justesse le déluge, le début d’un film

Jeudi: une bonne nuit mais avoir l’impression de ne pas avoir assez dormi, ce froid ! (le souci, c’est que ce sera une constante pour les deux prochaines semaines, cela ne me réjouit pas du tout), relire et corriger ce que j’ai écrit la semaine passée, commencer un nouveau texte, cette fatigue n’est pas normale aujourd’hui, la réunion d’équipe en visio pour moi, de la lecture, ne pas avoir le courage de regarder quoi que ce soit, aller dormir tôt

Vendredi: bien avancer sur ce texte et finalement décider d’en écrire un de plus – c’est l’avantage d’être mon propre chef dans ce projet – avec juste une autre personne qui collabore et qui est sur la même ligne que moi, je vais donc devoir créer un compte spotify pour le boulot – et donc trouver un nouveau pseudo, terminer le roman en cours, hésiter pour le suivant et finalement choisir celui qui a peut-être des chances d’être lu par d’autres personnes dans mon activité sur l’Asie du Sud-Est (les autres titres de l’auteur sont traduits en français) plutôt que ce roman acheté à Bangkok dont je ne retrouve quasi pas de traces sur le net (à part en thaï), adapter une recette de Un peu Gay dans les Coings, la fin du film: Arsenic and Old Lace (Frank Capra, 1944)

Samedi: traîner dans le canapé et faire le tour des blogs, il faut absolument que je me mette à rédiger ce billet pour une LC insérée in extremis (c’est pour lundi, et donc je publie ce short diary dimanche soir pour une fois), découper le tissu pour la nouvelle robe, de la lecture tout l’après-midi (il fait vraiment trop froid dehors), des ramen, commencer Since You Went Away (John Cromwell, 1944) et abandonner de suite à cause du ton larmoyant et du patriotisme et de la longueur du film, commencer Feeling Minnesota (Steven Baigelman, 1996) et le regarder en accéléré parce que c’est vraiment mauvais, de la lecture

Dimanche: de la couture et du repassage, les restes de ramen, planter les bulbes reçus cette semaine et les mettre au chaud à l’intérieur, de la lecture, de la cuisine, Phantom Lady (Robert Siodmak, 1944)

sur suasaday, la suite de mon exploration de l’île de Hong Kong

Une saison pour les ombres

R.J. Ellory, Une saison pour les ombres: Jack Deveraux, enquêteur pour une compagnie d’assurances à Montréal, reçoit un appel du Grand Nord: son frère Calvis a été arrêté pour tentative de meurtre. Jack retourne alors à contrecoeur à Jasperville, une ville construite autour d’un mine, au nord du Québec, dans un endroit très inhospitalier où il gèle à pierre fendre et où l’été ne dure que quelques semaines, avec des températures atteignant au maximum 10° (ce n’est clairement pas un endroit pour moi). Pendant le trajet, il repense aux événements du passé, et l’auteur les raconte en alternant les chapitres avec le présent. Jack est arrivé là enfant, avec ses parents, sa grande soeur et son petit frère. Au cours des années 1970, une jeune fille disparaît; on la retrouve morte, son corps lacéré. D’autres femmes suivent. Est-ce qu’il y aurait une bête sauvage à l’oeuvre dans la région, ou un wendigo, selon la mythologie indienne ? Ou est-ce qu’il s’agit d’un humain ? Les shérifs locaux, nommés pour deux ans, ne font jamais vraiment d’enquête. Ils sont seuls sur place, la civilisation est loin.

Au fil des pages, on découvre la vie quotidienne dans une ville minière du nord, le genre d’endroit où on ne vit que parce qu’il y a du travail et où tout le monde se connaît. On apprend aussi à connaître Jack, un homme qui a voulu tourner la page sur le passé mais qui ne rend pas compte qu’il a été traumatisé. Le roman est une lente prise de conscience de sa situation qu’il n’accepte pas vraiment. Il faudra du temps. Il se rend compte qu’il doit faire l’enquête pour tenter d’expliquer l’acte de son jeune frère. Le récit est lent et c’est très bien. Il se précipite un peu vers la fin, et quelque part, l’histoire devient moins intéressante mais offre quand même une conclusion, comme tout bon livre parlant de morts non élucidées. Ce n’est pas un polar classique, c’est plus un roman psychologique analysant le poids du passé. Un peu comme Seul le silence que j’ai lu en 2013 mais dont j’avais eu un avis un peu mitigé. Ici, ce n’est pas le cas: j’ai vraiment beaucoup aimé le côté sombre et glauque du récit et les descriptions du Grand Nord au froid omniprésent. Ce roman me réconcilie avec R.J. Ellory, ce qui n’est pas plus mal vu que j’ai encore un autre sur ma PAL, Le chant de l’assassin.

Une lecture commune avec Ingannmic et Je lis je blogue.

R.J. Ellory, Une saison pour les ombres, Sonatine, 2023, 408p. (traduction par Etienne Gomez, première édition en anglais en 2022 sous le titre The Darkest Season)

La transparence selon Irina

Benjamin Fogel, La transparence selon Irina: 2058 – tout le monde sait tout sur tout le monde, chacun est relié au réseau et il est devenu impossible de s’authentifier sur internet avec un pseudo. C’est dans la vie réelle que certaines personnes cachent alors leur identité. Camille, parisienne de 30 ans, est une de ces personnes. Elle se fait appeler Dyna Rogne et ses amis réels sont des personnages quelque peu troubles, un activiste s’opposant au monde nouveau et un flic qui les traque. Sur le réseau, elle s’est liée d’amitié avec Irina – enfin elle est plutôt sous la coupe de celle-ci sans qu’elle ne s’en rende vraiment compte.

Tous ces éléments mettent du temps à s’installer et j’ai très vite détesté Camille qui, pour moi, est la Parisienne typique et cliché, une personne (on pourrait dire iel, cultivant une certaine ambiguïté – il suffit de voir son pseudo qui est un anagramme) hautaine et désinvolte, qui a des relations sexuelles libres et sans amour, qui n’est ni aimable ni aimante. J’ai failli abandonner à la moitié, ne voyant pas trop d’intérêt à lire la suite. Mais j’ai continué, ayant la flemme de choisir un autre livre dans le métro. Il commence à y avoir un semblant d’histoire, le meurtre du flic, et finalement tout s’explique par quelques coups de baguette magique (ou presque). Je voulais vraiment aimer ce roman d’anticipation, je n’ai pas du tout accroché. Il faisait partie de la liste de Numérama avec les 50 romans de SF contemporaine à lire et j’ai quelques fois échangé avec l’auteur dans le passé, par blogs interposés (à cette époque lointaine où il y avait pas mal de blogs musique que je lisais). Je lui avais mis un 3, mais deux semaines plus tard, il ne me reste que le sentiment d’ennui et la description d’un monde glaçant et impersonnel (ce qui a ravi certains lecteurs et critiques, de même que des libraires qui lui ont donné un prix), et je descends ma note à 2. C’est rare que je mette une note aussi basse, mais d’habitude j’abandonne les livres que je n’aime pas et je ne les note pas.

L’avis de Sandrine.

Benjamin Fogel, La transparence selon Irina, Rivages, 2019, 280p. (édité en poche en 2021)

Short diary of the week (535)

Lundi: et c’est reparti pour une semaine, voir la fin du Pays Basque (discographiquement parlant), partir plus tôt, il fait chaud !, acheter du calico pour coudre des toiles et du papier pour tracer des patrons, transpirer pas mal sur le trajet – j’aurais aussi pu enlever mon gilet, préparer quelques photos pour les en-tête du blog de voyage, la fin du film: Are You Lonesome Tonight ? (Wen Shipei, Chine, 2021), angoisser pour les orages qui arrivent

Mardi: les orages ont évité Bruxelles et je ne me suis pas réveillée, pas que j’aie super bien dormi n’empêche, discuter ménopause avec une collègue – ça fait du bien de partager nos expériences, des questions pour organiser un encodage plus spécial, de la prospection, ne plus faire grand-chose en rentrant, le début d’un film

Mercredi: plein de petites choses à faire qui mangent la journée complètement et donnent l’impression de n’avoir rien fait, cet encodage notamment qui n’a pas avancé, un détour par le centre commercial pour acheter des culottes de règles (je me dis que ça vaut la peine, j’imagine que tout ça va encore durer au moins quelques mois, voire plus), règles qui n’en finissent pas d’ailleurs, la fin du film: A Canterbury Tale (Emeric Pressburger & Michael Powell, 1944)

Jeudi: est-ce que je dors à nouveau un peu mieux ? on dirait !, commencer un nouveau texte, la courte réunion en visio de l’après-midi, du jardinage express – planter des bulbes de lys et les laisser au chaud à l’intérieur, Fallen Leaves (Aki Kaurismäki, Finlande, 2023)

Vendredi: travailler à ce texte – ou la possibilité de se concentrer sur un seul sujet quand on télétravaille, de la lecture au jardin, Lifeboat (Alfred Hitchcock, 1944), commencer un roman et l’abandonner de suite – parfois ça ne passe pas dès les premières pages

Samedi: plein de choses à faire aujourd’hui !, hésiter entre de la couture ou déjà du jardinage, la couture l’emporte, le découpage d’une nouvelle toile pour cette robe Cambie – ce calico est plus épais que l’ancien, et puis le jardinage, le dernier gros boulot de la saison: scarifier la pelouse, ajouter de la terre aux tomates, et puis de la lecture au jardin – il fait tellement bon, un test de recette mais je ne suis pas douée pour les rösti, rester dehors jusqu’à la tombée de la nuit mais être quelque peu dérangée par cet invité des voisins qui parle fort et sait tout de tout (ce n’est pas la première fois), c’était malgré tout la parfaite journée d’été (au printemps)

Dimanche: j’ai pris du retard dans l’écriture de mes billets lecture, de la couture – on va dire que la toile convient et que je peux couper le tissu la semaine prochaine, du jardinage – enlever les mauvaises herbes des parterres prend du temps et j’ai vite mal au dos, la fin d’un roman, le début d’un nouveau, avec tout ça je ne lis que peu de non-fiction pour le moment, de la cuisine, le début d’un film, terminer le roman du jour

sur suasaday, de HKU à Central

Japanese Home Cooking

Sonoko Sakai, Japanese Home Cooking: Simple Meals, Authentic Flavors (2019): Sonoko Sakai est japonaise, elle est née à New York et a vécu entre le Japon et les Etats-Unis (et le Mexique). Elle habite aujourd’hui en Californie et y a approfondi ses connaissances dans la cuisine traditionnelle japonaise. Pour trouver certains ingrédients, elle s’est tournée vers des producteurs locaux, notamment pour les algues et le riz. Elle a écrit ce livre pour partager ses recettes.

L’ouvrage a deux grandes parties: les ingrédients qui sont décrits en détail, avec les recettes de base (dashi, miso, pickles…) et les recettes en elles-même, classées selon l’ingrédient principal. Ce livre aurait pu être bien, la première partie est très détaillée, expliquant beaucoup de choses à propos des ingrédients. Mais il a plusieurs défauts: il est trop américain – Sakai cite des produits particuliers, des produits biologiques de régions spécifiques des USA (comme si tout le monde avait accès à ces produits) et ne recommande que du bio pour ses plats (elle insiste un peu trop). Et je ne voix aucun côté « simple » quand on préconise de fabriquer son propre miso. Chaque recette est en fait une combinaison de recettes (l’autrice propose gentiment de cuisiner en plusieurs jours, mais préparer un composant le premier jour ne met pas un repas complet sur la table ce premier jour). C’est tout à fait louable, mais peu de personnes ont autant de temps à consacrer à la cuisine. J’ai tenté une recette un peu fusion et le plat n’était pas très réussi. J’ai mis un post-it pour une recette de pickles que je trouverai aussi ailleurs. Ce livre n’est pas pour moi, j’ai peiné à le lire, je n’ai d’ailleurs pas tout lu, ça fera (un tout petit peu) de place dans ma bibliothèque) (si quelqu’un est intéressé, je le donne).

  • photos: **** (beaucoup de recettes sont illustrées)
  • texte: **** (chaque recette est présentée, et il y a une longue introduction)
  • originalité des recettes: ****
  • authenticité des recettes: *** (certaines recettes sont authentiques, d’autres sont de la fusion)
  • faisabilité des recettes: *
  • mesures: unités de mesures métriques
  • recettes favorites: la seule essayée, et qui n’était pas une réussite: « Grilled lamb chops with spicy miso »
  • indispensabilité du livre: *

Sonoko Sakai, Japanese Home Cooking: Simple Meals, Authentic Flavors, Roost Books, 2019, 296p. (pas de traduction)

The Goodbye Cat

Hiro Arikawa, The Goodbye Cat: Hiro Arikawa reprend le thème de Les mémoires d’un chat avec sept nouvelles mettant en scène des chats, donc. Contrairement au roman, les histoires ne sont pas toutes racontées du point de vue du félin; elles décrivent surtout comment un animal s’intègre dans une vie de famille, avec ses bonheurs et tristesses, comment les humains s’attachent parfois malgré eux à cette présence, au fil des saisons. L’histoire des « mémoires » est racontée une nouvelle fois en plus court, avec d’autres éléments, et j’ai eu une autre impression de déjà-vu dans un autre récit. J’ai aimé comment l’adoption d’un chat arrive à rendre un père complètement déconnecté de la réalité responsable de son nouveau-né, ou cette histoire se passant à Taketomijima (une des îles au sud du Japon), avec ses ambiances tropicales. On retrouve aussi l’ingéniosité d’un chat qui souhaite devenir un esprit dans une vie future. En terminant le recueil, j’ai été envahie d’un sentiment de chaleur et de bienveillance, c’est un livre qui est bon pour le moral, mais en écrivant ce billet deux semaines plus tard, je suis un peu moins enthousiaste. J’avais donné un 4 étoiles à ce livre, mais descendre à 3 ne serait pas cohérent non plus avec mon expérience. J’ai aimé ces petites histoires, mais j’ai préféré le roman complet. J’ai l’impression qu’elles ont été écrites parce que le filon des histoires de chats est très rentable (je lisais justement un article en néerlandais qui parlait de ça: un chat sur la couverture, et le livre se vend bien plus !).

J’ai lu ce livre en compagnie de Keisha et Fanja.

Hiro Arikawa, The Goodbye Cat, Random House, 2023, 198 p. (traduction du japonais vers l’anglais par Philip Gabriel – publié en français chez Actes Sud: Au revoir les chats !)