Air Force, Howard Hawks (1943) – 3/5: un escadron de bombardiers B-17 part des USA pour rejoindre Hawaï. Pendant le vol a lieu l’attaque de Pearl Harbor. L’équipage poursuit alors sa route vers les Philippines, les Japonais étant à leurs trousses. Un film très prenant, plein d’action et de camaraderie, ou comment Howard Hawks participe à l’effort de guerre. C’est intéressant de voir comment ces avions fonctionnent, et qu’ils peuvent être facilement réparés. Le film est par contre plein de langage raciste qui ne passe plus aujourd’hui et la fin célèbre la préparation du bombardement de Tokyo, considéré comme crime de guerre.
Le corbeau, Henri-Georges Clouzot (France, 1943) – 4/5: un village de province en France, des monsieurs et madames tout le monde qui ont une vie bien rangée, et puis des lettres anonymes dévoilant tous leurs secrets les plus sombres. Qui en est l’auteur ? Est-ce Marie, l’infirmière frustrée et désagréable ? Est-ce Denise, la femme à la recherche d’amour ? C’est un film sombre, malgré le soleil omniprésent, qui a été mal pris à l’époque, vu comme pronazi parce qu’il a été tourné par Continental Films qui était soutenu par les Allemands. C’est surtout un film sur le petit esprit provincial, où tout le monde se méfie de tout le monde et où les secrets restent cachés sous le couvert de la bienséance. J’ai été prise par l’histoire dès le début, oubliant même la diction toujours un peu théâtrale des acteurs français et j’ai beaucoup aimé certaines des images comme celles de la femme en noir qui fuit dans les rues (il y a deux scènes similaires).
I Walked with a Zombie , Jacques Tourneur (1943) – 4/5: une infirmière, Betsy (Frances Dee), arrive sur une île des Caraïbes pour s’occuper de l’épouse d’un planteur, Paul Holland (Tom Conway). Elle y découvre un monde différent, marqué par l’esclavage du passé, et où les traditions anciennes, africaines, sont toujours présentes. Elle soupçonne que l’épouse est en fait devenue une zombie. Teinté de mystère, ce film joue sur les noirs et les blancs, sur un certain exotisme mais en dénonçant le passé. Après Cat People, c’est une autre belle réussite de Jacques Tourneur.
Jour de colère (Vredens Dag / Day of Wrath), Carl Theodor Dreyer (Danemark, 1943) – 4/5: au début du 17e siècle, au Danemark, la chasse aux sorcières fait rage. Herlofs Marte, une vieille femme qui prépare des tisanes, est poursuivie et arrêtée. Elle avait demandé de l’aide à Anne, mais celle-ci ne peut/veut rien faire. Anne est l’épouse beaucoup plus jeune du pasteur Absalon et subit les remarques haineuses de sa belle-mère. Tout change quand le fils adulte d’Absalon revient de voyage et que les jeunes gens se sentent attirés l’un par l’autre. Mais dans une société aussi puritaine, il n’y a aucune place pour les écarts. C’est un film horriblement sombre, sur le pouvoir dictatorial de la religion (j’ai souffert, c’est un sujet qui me révolte) et sur le puritanisme extrême. Il n’y a aucune volonté personnelle, aucune liberté. Dreyer filme l’essentiel des scènes en huis-clos, dans une maison sombre et austère – les scènes dans la nature sont un moment de respiration. C’est un très beau film, mais très dur et mieux vaut être préparé.
Heaven Can Wait, Ernst Lubitsch (1943) – 3/5: Henry Van Cleve (Don Ameche) arrive aux portes de l’enfer et doit convaincre le diable qu’il peut y être admis. Il raconte alors sa vie d’enfant gâté puis de Casanova, sa relation compliquée avec son épouse Martha (Gene Tierney) qu’il a de nombreuses fois trompé. Une comédie à la Lubitsch, et une fois de plus, je n’ai pas plus accroché que ça. Les enfants acteurs sont horribles et la coiffure de Martha à la cinquantaine est, disons, spéciale.
Five Graves to Cairo, Billy Wilder (1943) – 4/5: quand Billy Wilder détourne un film de propagande en un film d’espionnage tout à fait passionnant. On est en Egypte en 1942, Rommel (Erich von Stroheim) avance inexorablement, balayant les troupes anglaises. Il s’installe dans un hôtel où s’est réfugié un militaire britannique (Franchot Tone) qui va découvrir ce que sont les cinq secrets du désert (le titre français). Von Stroheim est terrifiant et crève l’écran, Tone est moins convaincant, de même qu’Anne Baxter qui joue Mouche, la femme de chambre française. La photographie est superbe et on se croit vraiment dans le désert (ça a été tourné en Californie).
Ossessione, Luchino Visconti (Italie, 1943) – 4/5: basé sur le roman Le facteur sonne toujours deux fois de James M. Cain, ce film raconte l’amour obsessionnel entre un homme, Gino (Massimo Girotti), et une femme, Giovanna (Clara Calamai), au point où ils tuent le mari de Giovanna. C’est une histoire d’attraction et de répulsion, proche du film noir, mais aussi le premier exemple du néoréalisme italien. C’est cru, plein d’émotions, et très beau à regarder au niveau des images. Et Gino est filmé de près, mettant en avant son côté beau (mauvais) garçon, comme un James Dean avant la lettre. Tout comme le film noir, c’est très rafraîchissant de voir un film aussi novateur au milieu de biopics et d’adaptations statiques et très poussiéreuses de pièces de théâtre.