Q – L’oeil de Carafa

Luther Blissett, Q – L’oeil de Carafa: en 1517, Martin Luther publie ses 95 thèses demandant une réforme de la religion catholique. Commence alors une période de remous, révoltes et guerres dans toute l’Europe. Un homme, le héros du livre, est mêlé à nombreux de ces épisodes. Il est au coeur de l’action, proche du prédicateur anabaptiste Thomas Müntzer, et participe à la guerre des paysans avec lui. Il survit et se trouve très vite proche d’un autre groupe de penseurs qui tentent le tout pour le tout, avec un sérieux grain de folie et d’idées de fin du monde. C’est un homme intelligent et il se rend compte qu’on tente de mettre un bâton dans les roues de ces nouveaux mouvements protestants. Le roman est d’ailleurs entrecoupé de lettres de cet autre anonyme, Q, qui écrit pour le compte de monseigneur Carafa, évêque catholique.

J’ai mis beaucoup de temps à entrer dans ce roman-pavé, je n’étais pas assez attentive. Dès que j’ai compris que les dates en tête de chapitre avaient une grande importance, je me suis laissée emmener, d’autant plus que l’écriture est soignée et rythmée entre phrases plus longues et plus courtes. C’est quelque part un roman de cape et d’épée dans la grande tradition mais aussi un livre sérieux sur les guerres de religion (sujet qui a priori ne m’intéresse que très peu). Il y a une grande érudition et de nombreux personnages de l’histoire font leur apparition. On sent aussi qu’il y a eu de nombreuses recherches sur la vie quotidienne à l’époque, des chemins boueux et dangereux à la vie dans les villes cernées de murailles, de Münster en Allemagne, à Anvers puis à Bâle et Venise. Les descriptions sont très vivantes et donnent l’impression d’avoir voyagé dans le temps.

Luther Blissett est le nom de plume d’un collectif subversif italien aujourd’hui disparu, mais les quatre auteurs ont continué d’écrire des romans sous le nom de Wu Ming (« sans nom » en chinois). J’ai tiqué dans la première moitié sur l’absence des femmes dans le livre, à part comme prostituées ou épouses effacées, mais l’ami qui m’a conseillé ce livre m’assure que c’est sans doute un hasard. D’autres romans du collectif sont clairement féministes. Et d’ailleurs dans la seconde moitié, une héroïne prend une place un peu plus importante et fait un discours très moderne pour l’époque.

J’ai adoré ce roman, et depuis, il m’est difficile de trouver des lectures aussi enivrantes. J’y ai retrouvé du Neil Stephenson dans The Baroque Cycle (que j’ai entamé deux fois sans jamais réussir à terminer le premier tome) et j’ai aimé le côté roman d’aventures et d’espionnage, mais avec un fond sérieux et une écriture finement ciselée. Il est certain que je rajoute Wu Ming à ces auteurs dont je veux lire toute la production.

Ceci est ma cinquième et dernière participation aux challenge des pavés de l’été de Sibylline (La petite liste) mais aussi des épais de Ta d loi du cine (Le blog de Dasola).

Luther Blissett, Q – L’oeil de Carafa, Seuil, 2001, 743p. (première publication en italien en 1999 sous le titre de Q, traduction par Nathalie Bauer)

4 réponses sur « Q – L’oeil de Carafa »

  1. ta d loi du cine dit :

    Bonjour Miss Sunalee
    Merci pour cette cinquième participation! Grâce à ce billet, j’ai appris plein de choses. d’abord l’existence du livre, que j’ignorais. Ensuite celle de ce collectif Luther Blisset, dont il semble que la rédaction d’un ou deux livre ne soit qu’une petite part de ses activités… sauf si la page wikipedia en français n’est elle-même qu’un canular, ce qui serait un comble…!
    Si tu es intéressée par la période des guerres de religion, je te recommande Fortune de France, de Robert Merle: une série en 13 ou 14 volumes, qui suit une famille dans son ascension sociale sur plusieurs générations, en gros depuis François Ier jusqu’à Louis XIV…
    (s) ta d loi du cine, « squatter » chez dasola

    1. Ce n’était en effet qu’une petite partie de leurs activités !

      Les guerres de religion ne sont pas mon sujet de prédilection. J’avais le choix entre deux romans du collectif et j’ai pris celui qui faisait plus de 600 pages pour participer aux épais / pavés de l’été 😉 Je ne pense donc pas me lancer dans une série de 13 ou 14 volumes.

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