At the movies – 39 (1930s)

Le fils unique, Yasujiro Ozu

The Great Ziegfeld, Robert Z. Leonard (1936) – 3/5: un biopic sur la vie de Florent Ziegfeld, le créateur des célèbres « Follies », avec William Powell qui joue le rôle (et Myrna Loy qui joue une de ses épouses). C’est interminablement long – trois heures – et un peu confus et au rythme chaotique mais certains des passages de music-hall sont impressionnants, comme celui filmé sur un escalier en spirale. Avec aussi Fannie Brice, danseuse de burlesque de l’époque qui ne montre qu’un morceau chanté et totalement habillée – dommage et une mention à Little Egypt qui a popularisé la danse du ventre aux Etats-Unis lors de l’expo universelle de Chicago en 1893 (le début du film s’y déroule).

Sabotage, Alfred Hitchcock (Royaume-Uni, 1936) – 3/5: un film d’Alfred Hitchcock, c’est toujours bien, mais celui-ci est un peu court et confus – on ne connaîtra jamais les raisons du sabotage. Le réalisateur a l’art de faire monter la tension avec des gros plans des personnages, même en montrant dès le début qui le coupable. C’est rythmé, ça montre le Londres de l’époque, et ça se passe en partie dans un cinéma, avec un extrait de Walt Disney. Il y a aussi des canaris, et un magasin entier d’oiseaux, ainsi qu’un chat. Avec Sylvia Sidney.

Le fils unique, Yasujiro Ozu (Japon, 1936) – 4/5: le premier film parlant d’Ozu raconte l’histoire d’une mère qui se sacrifie pour que son fils puisse étudier. Une fois adulte, celui-ci n’est devenu qu’un pauvre enseignant et n’a pas connu la fortune, ce dont se rend compte la mère quand elle vient le visiter à Tokyo. C’est un film sur la déception, et Ozu le raconte par petites touches, augmentant le côté tragique de l’histoire. Les plans sont superbes, comme celui où mère et fils sont assis dans un terrain vague avec un incinérateur en arrière plan. A noter: le canari, le train qui arrive en gare de Tokyo.

These Three, William Wyler (1936) – 4/5: deux amies, Karen (Miriam Hopkins) et Martha (Merle Oberon) rénovent la maison familiale de la seconde et ouvrent une école pour filles. Martha tombe amoureuse de Joseph (Joel McCrea), mais Karen est secrètement attirée par lui. Une des élèves, Mary (Bonita Granville), va provoquer un scandale en inventant toute une histoire à propos des trois adultes. A l’origine, l’histoire est inspirée par deux enseignantes écossaises qui en 1810 ont dû fermer leur école suite à de fausses accusations de relations lesbiennes. Toute mention à l’homosexualité étant bannie dans les années 1930, par la loi et par le code Hays, le scénario a été changé en triangle amoureux. Mais j’ai malgré tout ressenti une certaine attirance entre les deux femmes. J’ai aussi été étonnée par l’histoire qui n’est absolument pas gentillette: Mary, la gamine, est digne des meilleurs films d’horreur dans ses manigances et la tension est palpable, alors que les adultes sont manipulés. Une excellente surprise !

Ceci termine l’année 1936. J’avoue que j’ai eu un peu de mal – c’était assez interminable: il y avait 27 films sur ma liste, ce qui est beaucoup (en général, ça tourne autour de 20) et je les ai tous trouvés (le plus souvent, deux ou trois films sont introuvables). Pour 1935, j’en en ai vu 17. J’ai mieux géré les styles et j’ai terminé en beauté (un peu par hasard, je ne savais pas de quoi parlait These Three quand je l’ai commencé). J’ai aimé les comédies musicales de Fred Astaire et Ginger Rogers mais elles deviennent un peu cliché: un scénario bancal et quelques jolis passages dansés. J’ai subi beaucoup de films (américains) totalement dépassés dans leur propos, avec de bonnes doses de sexisme et racisme, ou des histoires sans intérêt. Les deux films de William Wyler sortent du lot: Dodsworth et These Three, ainsi que Fury de Fritz Lang, son premier film américain, et Libeled Lady, une malicieuse screwball comedy (dans l’épisode 33, 37 et ci-dessus). Enfin, impossible de ne pas citer les deux films japonais, Les soeurs de Gion de Kenji Mizoguchi et Le fils unique de Yasujiro Ozu qui sont tellement différents du reste du cinéma de l’époque et apportent un grand soin à la beauté des images.

Snow White and the Seven Dwarfs, Walt Disney (1937) – 4/5: un dessin animé que j’ai vu dès mon enfance mais en le revoyant aujourd’hui je me rends compte qu’il y a de nombreux passages vraiment angoissants, heureusement entrecoupés de scènes drôles et légères. J’ai beaucoup aimé l’animation de tous les animaux, bien plus que celle des nains ou de Blanche-Neige. A noter: la chanson yodelée des nains.

Make Way for Tomorrow, Leo McCarey (1937) – 4/5: Bark (Victor Moore) et Lucy Cooper (Beulah Bondi) sont un couple âgé, parents de cinq enfants mais ils ont perdu leur maison (il n’y avait pas encore de pension à l’époque). Aucun des enfants ne peut (veut) héberger les deux ensemble et ils sont alors séparés. Ils vivent dans la tristesse et le regret, tout en étant un poids pour leur progéniture. Bark va finalement être envoyé en Californie chez le cinquième enfant qu’on n’a jamais vu mais passe une dernière journée à New York avec son épouse, et cette journée est magnifique, tout en douceur et nostalgie, avec des inconnus qui font acte de bonté gratuite. La scène de danse à l’hôtel est particulièrement touchante: le chef d’orchestre entame un morceau rapide mais se ravise très vite en voyant le couple hésiter, et enchaîne de suite avec une valse. Ce film a inspiré Yasujiro Ozu (Tokyo Story, 1953). A noter: le couple boit des Old Fashioned (avec un clin d’oeil du barman) et Beulah Bondi n’avait que 48 ans alors qu’elle est censée avoir plus de 70 ans dans l’histoire.

Lost Horizon, Frank Capra (1937) – 3/5: futur secrétaire d’état britannique, Robert Conway (Ronald Colman) organise l’évacuation d’une ville chinoise en révolte et prend le dernier avion. Mais celui-ci est détourné à son insu et se perd dans les montagnes de l’Himalaya. Robert et ses acolytes sont sauvés par les habitants de la région et se retrouvent à Shangri-La, un genre de paradis sur terre où personne ne vieillit. Le film est assez long (mais heureusement pas les six heures du montage d’origine), et j’ai vu une version restaurée: à certains moments il ne reste que la bande-son et des photos remplacent les images perdues. C’est une critique de la société du moment, et surtout de la montée en pouvoir de régimes cherchant la guerre. A part ça, il est intéressant de voir que les bâtiments construits au milieu des montagnes sont en style art déco, plus précisément en style paquebot. Dommage que les femmes soient reléguées à des rôles (très) secondaires et cliché. A noter: l’avion du début est un DC-2, le score de Dmitri Tiomkin.

At the movies – 36 (1950s & 1970s)

La rivière noire de Masaki Kobayashi

Je suis toujours convaincue qu’écrire ces billets en classant les films par décennie est une bonne idée, mais je dois bien constater qu’à part les films récents ou des années 1930, je n’avance pas très vite et que ça met beaucoup trop de temps pour arriver aux sept films d’un billet, surtout depuis que je vois moins de films pour le travail (j’ai vu le premier de ces films en avril dernier). Je fais donc un peu de rattrapage ici, avec un mélange un peu incongru des films japonais des années 1950 et de westerns des années 1970. J’ai des listes pour les deux thèmes mais je n’ai pas trop l’envie de les continuer pour le moment, le Japon, sans vraie raison, le western parce que l’âge d’or est passé et que mon envie de regarder la suite également. Je ferai un billet similaire pour des films plus récents vu depuis juillet.

Au gré du courant, Mikio Naruse (Japon, 1956) – 3/5: un film qui raconte le déclin d’une maison de geishas à Tokyo, avec des actrices connues de l’époque (Kinuyo Tanaka, Isuzu Yamada, Hideko Takamine…). J’ai eu du mal à entrer dans l’histoire, et je n’ai jamais été passionnée par ce film, ce qui n’enlève rien à sa beauté et à l’extrême tristesse qu’il dégage. A noter: le chat qui intervient dans de très nombreuses scènes.

Printemps précoce, Yasujiro Ozu (Japon, 1956) – 3/5: Ozu propose ici un film un peu plus « moderne »: les acteurs sont jeunes et il n’y a pas de figure patriarcale. C’est l’histoire d’un salaryman et de son épouse – elle soupçonne très vite que son mari la trompe. Vu de 2022, certaines scènes sont choquantes – la femme étant vraiment considérée comme la bonne qui doit préparer le repas à la bonne heure ou qui ramasse les vêtements que le mari jette par terre (quoique, c’est toujours souvent le cas aujourd’hui). Le déroulement de l’histoire change un peu la donne mais la fin reste très classique pour l’époque. Le film est très long, plus de deux heures, et il y a quelques récits parallèles. A noter: les superbes scènes de train, ainsi que plein d’autres très belles images – Ozu est vraiment un maître de la composition.

The Ballad of Cable Hogue, Sam Peckinpah (1970) – 2/5: après The Wild Bunch, Sam Peckinpah a produit un western tout à fait à l’opposé, sans violence aucune, quasi sans coups de feu, avec plein d’éléments comiques / burlesques. Je me suis ennuyée. Déjà parce qu’il y a ce burlesque (j’ai vraiment une aversion profonde et inexplicable), et puis parce que j’ai trouvé ça très mou. Il y a les obligatoires scènes érotico-soft, même si on ne voit pas grand-chose et les coiffures des Hildy qui sont typiques des choucroutes années 1970 (un peu à la Dolly Parton).

La rivière noire, Masaki Kobayashi (Japon, 1957) – 4/5: un triangle amoureux entre un jeune étudiant (Fumio Watanabe), un yakuza (Tatsuya Nakadai) et une jeune fille (Ineko Arima), dans un quartier qui ressemble plus à un bidonville près d’une base américaine. C’est extrêmement sombre et dur, avec plusieurs scènes de violence envers la jeune fille. En même temps, les images sont superbes, dans un noir et blanc très contrasté (surtout la dernière scène sur la route). J’ai été surprise par la modernité de ce film en comparaison avec du Ozu par exemple.

Chisum, Andrew V. McLaglen (1970) – 4/5: John Chisum (John Wayne) est un grand propriétaire terrien et éleveur au Nouveau-Mexique mais Lawrence Murphy, un financier véreux qui a déjà fait main-basse sur la petite ville, veut s’approprier ses biens par tous les moyens possible. S’ensuit une lutte entre les deux camps, avec poursuites, coups de feu et stampede d’un troupeau de vaches. L’histoire est un peu confuse au début mais ça devient très haletant, surtout quand on voit apparaître les personnages de Billy the Kid et Pat Garrett. Une classique histoire de bien contre le mal.

Crépuscule à Tokyo, Yasujiro Ozu (Japon, 1957) – 4/5: un long film de Yasujiro Ozu, pour lequel j’ai eu un peu de mal à me concentrer (je l’ai vu en trois fois). J’ai trouvé qu’il y avait un peu trop d’ellipses dans l’histoire. Mais la beauté des plans et la présence de Setsuko Hara compense tout ça. A noter: les vues du Tokyo des années 1950, encore peu reconstruit, les trains.

Le château de l’araignée, Akira Kurosawa (Japon, 1957) – 3/5: une histoire inspirée par Macbeth mais transposée dans le Japon féodal. Les décors sont intéressants: le château au pied du Mont Fuji dans la lave volcanique, la forêt avec la pluie et les éclairs, le brouillard. Mais je n’ai pas accroché au côté extrême du jeu des acteurs masculins – la seule femme étant tout en retenue.

Rio Lobo, Howard Hawks (1970) – 2/5: Howard Hawks retrouve John Wayne dans ce western, le dernier film du réalisateur. L’histoire est celle d’une vengeance, suite à une trahison lors de la guerre de Sécession (il y a une introduction qui prend un tiers du film). A vrai dire, seule la scène de fusillade à la fin est plus ou moins passionnante (et elle aurait été tournée par la deuxième équipe). On sent l’essoufflement de Hawks et son souci de céder à des demandes « modernes »: il y a plusieurs jeunes femmes, cheveux au vent et peu vêtues pour l’époque (c’est bien de donner des rôles plus importants aux femmes mais là, ça frise l’exploitation – c’est très seventies tout ça), et aussi un homme habillé d’une couverture comme chez Sergio Leone. Finalement la seule chose que je retiendrai, c’est la musique de Jerry Goldsmith, quelque peu morriconienne mais quand même originale.