Curtain of Rain

Tew Bunnag, Curtain of Rain: Claire, éditrice britannique, sent qu’elle commence à perdre la mémoire et désire retourner une dernière fois à Bangkok pour y rencontrer Tarrin Wandee, un écrivain qu’elle édite mais qui a ses propres soucis. Se mêlent à ce fil principal de nombreuses autres histoires qui au début du roman semblent n’avoir ni queue ni tête, comme si c’étaient des nouvelles écrites par Tew Bennag ou par Tarrin Wandee. Elles racontent le futur, mais surtout le passé, et il faudra attendre les dernières pages du roman pour comprendre les liens. C’est assez déroutant au début, et j’ai eu un peu de mal à entrer dans l’histoire même si les « nouvelles » sont intéressantes en elles-mêmes. Elles font le portrait d’une ville, Bangkok, et d’un pays, racontant comment l’armée américaine stationnée là lors de la guerre du Vietnam a modifié les moeurs et a incité une migration interne de la population depuis les zones plus reculées et pauvres comme l’Isaan.

J’avais noté l’auteur en lisant un recueil de nouvelles sur Bangkok; son style me plaisait et j’étais curieuse de lire un roman (écrit en anglais, même si l’auteur est thaï). J’ai eu un l’impression que ça manquait un peu de cohésion et qu’il est plus à l’aise dans le format de la nouvelle mais son écriture me plaît toujours.

La ville de Bangkok est souvent mise en avant et décrite à diverses périodes, et j’ai retrouvé des ambiances particulières qui m’ont rappelé mes visites sur place. Un extrait:

« Bangkok under a white haze: in all directions, a jagged skyline of irregular glass peaks that pierce the bleached canopy; unfinished buildings exposing naked concrete, rusting rebar, cranes perching on top like idle crows waiting for the next dubious downpour of construction cash. »

Un livre qui convient donc très bien au challenge « Sous les pavés, les pages » organisé par Athalie et Ingannmic, et qui donne envie de retourner à Bangkok (d’autres idées de livres qui parlent de la ville avec le tag « Bangkok« ).

Tew Bunnag, Curtain of Rain, River Books, 2014, 224p.

Bangkok noir

Bangkok noir: édité en 2011 par Christopher G. Moore, ce recueil rassemble des nouvelles d’auteurs anglophones, des expats vivant en Thaïlande pour la plupart, et d’auteurs thaïs écrivant en anglais. Je l’ai ressorti du fin fond de ma wishlist amazon – il y avait abouti après ma lecture de Phnom Penh noir en 2015. Bangkok est au centre des récits (sauf un qui se passe à Chiang Mai), une ville marquée par la corruption, le sexe et les esprits maléfiques, les « phii ».

John Burdett, connu pour ses romans policiers (dont je recommande chaudement la lecture), raconte une sombre histoire de tatouages, de fantômes et de chamanisme dans « Gone East », un récit dans lequel on ne sait plus trop qui est vivant ou mort. La nouvelle suivante, « Inspector Zhang and the dead thai gangster » de Stephen Leather est un pastiche d’Agatha Christie, avec un inspecteur singapourien qui doit résoudre un crime dans un avion, à la manière d’Hercule Poirot. Je n’ai pas trouvé ça très réussi !

Plusieurs histoires tournent autour de la prostitution, « Thousand and one nights » de Pico Iyer ou encore « The mistress wants her freedom » de Tew Bunnag. Il y a aussi un homme paumé, un vétéran de la guerre du Vietnam qui tente de retrouver son amour d’antan, dans « Hansum man » de Timothy Hallinan. Les « phii » sont assez terrifiants dans l’histoire de Samart, ce faux-devin engagé par la police, qui a affaire avec le fantôme d’une femme coupée en deux (« Halfheaded). Ils reviennent d’une manière plus contenue dans « Daylight », une nouvelle d’Alex Kerr dont j’avais beaucoup aimé son récit du Japon en voie de disparition (il a écrit un livre du même genre pour la Thaïlande mais il est indisponible). C’est d’ailleurs un des meilleurs textes du recueil, à mon avis.

Je n’ai pas compris grand-chose à l’histoire de Christopher G. Moore – est-ce qu’on était dans un jeu vidéo ? Dean Barrett raconte des histoires de tueurs à gages, tandis qu’Eric Stone se penche sur la condition d’une marchande ambulante de nourriture qui se fait racketter par un restaurant. C’est une nouvelle qui a des moments des drôles, avec un bras de fer assez inédit entre riches et pauvres.

Je regrette que ce recueil ne rassemble que des auteurs masculins et ne donne que ce point de vue. Il y a quelques femmes mais les rôles importants sont tous tenus par des hommes, souvent des expats. J’ai malgré tout passé un bon moment à me replonger dans le côté sombre de Bangkok, une ville que j’aime beaucoup et que j’ai visitée plusieurs fois. Ce sera ma dernière contribution pour « Mai en nouvelles », organisé par Electra et Marie-Claude, et je reprendrai avec plaisir le fil l’année prochaine (même si ça ne m’empêchera pas de lire des recueils de Joyce Carol Oates que j’avais également sélectionné pour cette année mais que je n’ai pas eu envie de lire immédiatement après Les mystères de Wintherturn).

Les nouvelles:

  • John Burdett, Gone East
  • Stephen Leather, Inspector Zhang and the dead thai gangster
  • Pico Iyer, Thousand and one nights
  • Colin Cotterill, Halfheaded
  • Christopher G. Moore, Dolphins Inc.
  • Tew Bunnag, The mistress wants her freedom
  • Timothy Hallinan, Hansum man
  • Alex Kerr, Daylight
  • Dean Barrett, Death of a legend
  • Vasit Dejkunjorn, The sword
  • Eric Stone, The lunch that got away
  • Colin Piprell, Hot enough to kill