Royaume de l’artifice

Cela fait quelques semaines maintenant que j’ai terminé le livre de Céleste Olalquiaga, Royaume de l’artifice: l’émergence du kitsch au XIXe siècle. En le voyant en librairie, il m’a tenté par sa couverture et par son sujet mais aussi par la riche iconographie en couleurs. Après lecture par contre, je reste sur ma faim, j’espérais en apprendre beaucoup plus sur le sujet. Mais le livre a une qualité certaine, c’est le style d’écriture très poétique. L’auteur prend comme fil rouge sa propre expérience avec un bernard-l’ermite, Rodney, emprisonné dans sa boule en verre, et s’inspire largement (uniquement ?) des théories de Walter Benjamin sur l’aura et sa destruction suite à la reproduction en série, sur les passages parisiens et le début de la flânerie. Les sujets abordés sont divers mais tournent essentiellement autour de la mer, des fonds marins, de l’eau… Fantasme et réalité se mêlent.

Le point de départ de cette émergence du kitsch est l’industrialisation qui a permis la reproduction de masse des objets et crée une atmosphère quelque peu mélancolique par rapport au passé perdu. Ce qui m’a frappé, c’est qu’une fois de plus, le Crystal Palace de l’exposition universelle de Londres en 1851 est pris comme point de départ, comme point de tous les changements. Depuis quelques années déjà, je suis passionnée par ce sujet des expositions universelles qui ont été les endroits de tous les possibles, ayant une influence énorme sur la société, lançant modes diverses (je pense notamment à la diffusion de la musique hawaïenne dans le monde entier).

Mais revenons au livre. Je ne vais pas faire un résumé complet mais plutôt parler de certaines formes de kitsch qui m’ont marquées. La taxidermie par exemple (c’est pour moi l’occasion de faire un lien vers cet article), qui existait depuis le 16e siècle dans un but de préservation, mais qui au 19e siècle devient une mise en scène (Le thé des hermines), accompagnée également de « mobilier animal » où des pattes de rhinocéros deviennent des chaises et des bois de cervidés un porte-chapeau.

Ou encore cette mode des aquariums qui deviennent un monde en eux-mêmes où les poissons sont presque accessoires à côté des fausses ruines, grottes miniatures et autres décorations et dont les supports sont extrêmement compliqués, baroques. (En cherchant des images, je suis tombée sur cet article et celui-ci, mais ce n’est qu’une toute petite sélection, image venant d’ici.).

Les presse-papiers en forme de boule de verre sphérique ou boules de neiges furent en vogue à cette époque. Ils emprisonnaient fleurs ou animaux mais représentaient également des scènes diverses tels châteaux ou la tour Eiffel (en photo, collection du National Glass Center). Au cours du temps, l’intérieur de ces globes de verre se sont détériorés en partie comme celui représentant Marie-Antoinette devant le Petit Trianon que vous verrez dans le livre.

C’est également une époque de toutes les contradictions: la science remet en question une série de choses mais le public raffole des géants, des nains, des siamois, des licornes et autres monstruosités de foires. La société victorienne adore tout particulièrement les sirènes, toutes fausses évidemment mais reconstituées avec amour par des artisans quelque peu charlatans qui, avec le grand art du taxidermiste, mêlaient tronc de singe et queue de poisson. C’est à ce moment que Barnum commencera sa carrière d’homme de spectacle, rassemblant ce genre de curiosités dans son cirque itinérant. (La photo vient  d’ici).

Je pourrais également parler des cabinets de curiosités (avec un clin d’oeil à Mademoiselle M), des mondes engloutis et de la recherche de l’Atlantide, de la grotte de Vénus à Linderhof, des grottes du bois de Vincennes, des représentations des fonds marins et de l’intérêt pour les différents naufrages, du Nautilus de Jules Verne et de bien d’autres choses. Comme je le disais au début de l’article, une déception sur le fond et surtout une envie d’en savoir plus sur beaucoup de sujets tout juste abordés dans le livre mais une très belle iconographie.