At the movies – 31 (1930s)

Gary Cooper et Richard Cromwell dans The Lives of a Bengal Lancer (wikicommons)

Toni, Jean Renoir (France, 1935) – 4/5: des immigrés italiens arrivent dans un village de Provence pour travailler dans les champs ou dans la carrière. Toni s’installe chez Marie, qu’il épousera par la suite, alors qu’il est amoureux de Josépha, une belle Espagnole qui est forcée d’épouser Albert, un Français. C’est un film extrêmement réaliste, tourné dans la nature, en extérieurs, avec beaucoup d’acteurs non-professionnels. Il a été une influence pour le néoréalisme italien et on voit clairement la filiation. J’ai aimé ce côté brut, vrai, sans artifices. Et j’ai apprécié que la version dvd propose des sous-titres destinés aux malentendants mais bien utiles pour tout le monde avec les accents du sud et la qualité sonore parfois inférieure. A noter: le train au début et à la fin, le chaton noir.

The Lives of a Bengal Lancer, Henry Hathaway (1935) – 3/5: un classique film sur l’armée, similaire à un western mais se passant dans l’Inde coloniale, dans les zones frontalières et tribales du nord. Avec Cary Grant en personnage principal. Le film a entièrement été tourné en Californie avec des Indiens Paiute comme figurants indiens. Cela dégouline de patriotisme et c’est un ode à l’impérialisme anglais, c’est aussi un film d’hommes (la seule femme est une intrigante) mais malgré ça, je ne me suis pas trop ennuyée. C’est juste dommage qu’il y ait une heure dix avec beaucoup de dialogues et que l’action soit concentrée sur la dernière demi-heure. Le score est classique, avec des tendances orientalisantes, voire même exotica (les danses indiennes sont sur de la musique occidentale). Avec un train, un caméo du Taj Mahal (qui n’a rien à faire là), et un chaton.

Fantôme à vendre / The Ghost Goes West, René Clair (Royaume-Uni, 1935) – 2/5: une histoire de fantôme dans un château écossais, château qui sera acheté par des Américains et transplanté en Floride. Je ne sais pas trop quoi dire de ce film qui appartient à la période anglaise de René Clair, je me suis ennuyée et je n’ai pas été très attentive. Avec Robert Donat et Jean Parker. A noter: la maquette du paquebot dans un bassin d’eau (apparemment c’est une copie miniature du Normandie)

A Midsummer Night’s Dream, Max Reinhardt & William Dieterle (1935) – 2/5: une adaptation de la pièce de Shakespeare avec de beaux décors et une belle palette d’acteurs (de James Cagney à Olivia de Havilland), ainsi que du ballet et la musique de Mendelssohn retravaillée par Erich Wolfgang Korngold, et des passages comédie musicale. Cela fait un peu beaucoup, et le film dure plus de 2h20. J’ai abandonné à la moitié, après deux essais. Mais en fait c’est le personnage de Puck qui m’a fait le plus souffrir: c’est un jeune Mickey Rooney qui le joue, enfin qui le surjoue comme un gamin hyperactif qui tape sur les nerfs dès qu’il bouge et ouvre la bouche.

A Tale of Two Cities, Jack Conway (1935) – 2/5: une adaptation d’un roman de Charles Dickens et la Révolution Française ? ce film avait tout pour me plaire (non, donc). J’ai un peu souffert, je me suis beaucoup ennuyée, mais la dernière demi-heure devient intéressante. L’histoire: un aristocrate change de nom (il devient Charles Darnay) et fuit à Londres. Lors du voyage il rencontre Lucie dont il tombe amoureux. Mais un autre homme, Sydney, est également amoureux d’elle. Et puis il y a la Révolution Française et Charles est attiré en France pour sauver un ami. C’est là que l’histoire tourne mal. J’ai eu l’impression que certaines scènes étaient copiées-collées de The Scarlet Pimpernel mais je n’ai pas trouvé confirmation (je n’ai trouvé que des articles comparant les deux romans et je n’ai pas cherché plus loin).

David Copperfield, George Cukor (1935) – 2/5: encore une adaptation de Dickens – au moins j’aurai fait du rattrapage. David est un enfant heureux, jusqu’à ce que sa mère meure après avoir épousé en secondes noces un homme horrible qui envoie le petit garçon travailler à Londres. Son nouveau patron a des soucis d’argent et le renvoie (mais il en est désolé) et l’enfant tente de rejoindre Douvres pour aller chez sa tante qui s’occupera de lui. Il grandit, et de nombreux malheurs lui arrivent encore, l’histoire passant d’une péripétie à une autre. Dans ces vieux films, le pathos est extrême, et cela m’ennuie, m’énerve même. Les gens bons sont très bons et les mauvais très mauvais, caricaturaux même. On m’a demandé pourquoi je m’imposais ça ? Je crois que j’ai vraiment envie de savoir comment étaient ces films, et comme je le disais au départ, je ne connaissais pas l’histoire de David Copperfield. Et je sais qu’il y a des perles cachées dans la forêt de films datés (et ce ne souvent pas ceux que j’imaginais).

Ici s’arrête ma liste de films de 1935, la fin a été un peu pénible avec des films qui ne m’ont pas vraiment plu. J’espérais voir encore un dernier, Naughty Marietta, mais je n’ai jamais réussi à l’obtenir. Un mois plus tard, je commence donc l’année 1936.

The Petrified Forest, Archie Mayo (1936) – 3/5: Leslie Howard et Bettie Davis sont les acteurs principaux de ce film qui se passe quelque part dans une station-service / restaurant perdu dans le désert d’Arizona. Ils sont attirés l’un par l’autre, et puis arrive un gangster, le jeune Humphrey Bogart qui les prend en otage, ainsi que d’autres personnes présentes. J’ai été assez prise par l’histoire mais j’ai regretté le côté statique – c’est en effet une adaptation d’une pièce de théâtre, ce qui m’empêche de mettre un 4. Et je me rends compte que j’aime vraiment bien Leslie Howard.

At the movies – VII (1930s)

Arrowsmith (via IMDB)

À nous la liberté, René Clair (France, 1931) – 3/5: au début du film j’ai été très sceptique et puis je me suis laissée entraîner – pas à cause de l’histoire, ni à cause du fait que c’est encore très muet, ce qui rend le film bien moins pétillant quel films américains de l’époque, mais à cause des décors modernistes / futuristes de Lazare Meerson, montrant une architecture aux lignes de fuite assez intéressantes. C’est à nouveau un film très musical, avec une composition de Georges Auric – là par contre, on est en avance par rapport aux Etats-Unis où les scores sont encore peu courants en 1931. Le film fait penser par son sujet à celui de Charlie Chaplin, Modern Times.

Arrowsmith, John Ford (1931) – 2/5: quand John Ford a tourné ce film, il en avait déjà réalisé une septantaine auparavant, mais les meilleurs restaient à venir (encore une septantaine). Celui-ci a gagné l’Oscar du meilleur film alors que franchement, c’est du grand n’importe quoi. L’acteur principal, Ronald Colman, était une star à l’époque et remplissait les salles, alors qu’il a complètement été oublié aujourd’hui. L’histoire, basée sur un livre, part dans tous les sens – en gros ça parle d’un médecin qui découvre un sérum pour soigner la peste (mais avant ça, il épouse une infirmière et commence une carrière comme médecin de campagne dans le Dakota du Sud). Plusieurs choses à noter: les superbes buildings art déco de New York et les décors dans le même esprit, le médecin antillais noir qui est considéré comme un égal (fait rare à cette époque où les Noirs étaient dénigrés et moqués), des images de plus en plus belles vers la fin, jouant avec les ombres. Et puis aussi, en complément à ce que je disais plus haut: Alfred Newman, le grand compositeur de musiques de film, est ici crédité mais il n’y a de la musique qu’au générique et lors d’une scène vers la fin.

Bad Girl, Frank Borzage (1931) – 2/5: une comédie dramatique vite oubliée mettant en scène une jeune femme et un jeune homme de milieu modeste, vivant à New York (les acteurs Sally Eilers et James Dunn étaient inconnus à l’époque – et sont tombés dans l’oubli depuis). Ils tombent amoureux à Coney Island (jolies scènes des montagnes russes – une des seules scènes en extérieur) et passent du temps ensemble, mais du coup sont forcés de se marier (on ne rentre pas à 4h du matin à cette époque sans qu’il se soit passé des choses – mais c’est hors écran). Leur manque de communication provoque une série de quiproquos malheureux mais tout s’arrange à la fin. A noter: un très courte scène avec une cage à oiseau que l’héroïne recouvre d’un tissu, une « bad » girl qui ne l’est pas vraiment.

Kameradschaft, Georg Wilhelm Pabst (France-Allemagne, 1931) – 4/5: quand j’ai vu que ce film parlait de mineurs, je me suis dit « oh non, ça risque d’être ennuyeux » (des mauvais souvenirs de Germinal, je crois). Et puis en fait, c’est passionnant. C’est un film catastrophe, et l’explosion dans la mine est très bien reconstituée (ça a été fait en studio), mais c’est surtout un film sur l’amitié profonde qui existe entre mineurs, peu importe si la frontière de deux pays les sépare (la fin est amère par contre). Le film est tourné en extérieur (sauf les scènes sous terre) et ça fait du bien d’avoir un horizon, de l’air… Si les films américains de l’époque sont intéressants pour les histoires qu’ils racontent, ils restent enfermés dans les studios et les scènes d’extérieur me manquent beaucoup. A noter qu’il n’y a pas de musique dans le film (à part la scène du bal musette), juste les nombreux bruitages dans la mine mais aussi à l’extérieur. Il y a aussi de belles scènes avec un train.

Le million, René Clair (France, 1931) – 2/5: à vrai dire, ce film précède À nous la liberté (je ferai plus attention à ça dans le futur). Dans cette comédie musicale, les héros partent à la poursuite d’une vieille veste dans laquelle se trouve un billet de loterie gagnant. Il y a donc pas mal de quiproquos et de burlesque, et c’est très virevoltant. Si le film a ses qualités, je n’accroche pas du tout à ce type d’histoire et j’ai même accéléré un peu pendant certains chants d’opéra un peu longs et qui n’apportent pas grand-chose à l’histoire.

The Front Page, Lewis Milestone (1931) – 2/5: mais quel film bavard ! ça se passe dans la salle de presse d’un tribunal, les différents correspondants des journaux attendent des nouvelles du prisonnier qui sera exécuté le lendemain. Parmi ceux-ci, il y a Hildy Johnson qui compte quitter son job le soir même pour rejoindre sa fiancée, mais de nouveaux événements l’en empêchent à chaque fois, comme l’évasion du prisonnier. On ne quitte donc quasi jamais la salle de presse, ce qui rend le film étouffant. On tend vers les « screwball comedies » des années qui viennent, mais sans trop insister sur l’élément féminin dans ce cas-ci. Il y a quelques plans intéressants, mais en gros, je me suis ennuyée.

The Champ (King Vidor, 1931) – 3/5: Dink, un gamin, vit avec son père, The Champ, ancien champion de boxe à Tijuana au Mexique. Champ est tombé dans l’alcoolisme et le jeu, et c’est le jeune garçon qui s’occupe de lui quand il est saoul. Il y a évidement plein de hauts et de bas, et ça se termine tragiquement. Si certains éléments de ce film m’ont dérangée, comme le jeu forcé de l’enfant (un problème récurrent) et le drame un peu trop exacerbé, d’autres m’ont agréablement surprise, comme le fait qu’une grande partie du film a été tourné en extérieur. A noter: un train, vu de l’extérieur et de l’intérieur, l’architecture de style espagnol de Tijuana.

Ceci termine ma liste de films de 1931. J’en ai abandonné deux, Monkey Business, de Norman McLeod avec les Marx Brothers (le burlesque ne passe vraiment pas chez moi), et Tabu, de Robert J. Flaherty et F.W Murnau (parce que c’est muet et j’ai un vague souvenir de l’avoir déjà vu). Il y a en trois de ma liste que je n’ai pas trouvé: Strangers May Kiss de George Fitzmaurice, The Sin of Madelon Claudet d’Edgar Selwyn et The Smiling Lieutenant d’Ernst Lubitsch.

At the movies – IV (1930s)

Shanghai Express (Paramount Pictures, domaine public)

Sous les toits de Paris, René Clair (FR, 1930) – 2/5: à mi-chemin entre un film muet et un film parlant, vu que René Clair n’était pas trop tenté par le son. L’histoire met beaucoup de temps à se dérouler, certaines scènes sont très longues, et l’ennui pointe très vite (j’ai failli abandonner). On voit que c’est tourné en studio, mais les plans en travelling du début et de la fin sont impressionnants. Une histoire de femme libre (la très belle Pola Illéry) qui passe d’un homme à l’autre, et les jalousies entre ces hommes (dont l’un est un gangster).

Der blaue Engel, Josef von Sternberg (DE, 1930) – 3/5: ce film est donc considéré comme un chef d’oeuvre. Sauf que je me demande parfois s’il ne faudrait pas changer de critères. Alors, oui, Marlene Dietrich est pas mal dans son rôle de chanteuse de cabaret, mais sans être exceptionnelle. Par contre, Emil Jannings, apparemment la superstar allemande du moment, en fait bien trop. Et puis, il y a cette histoire qui met beaucoup trop de temps démarrer et qui n’est pas très crédible. Mais il est clair que Josef von Sternberg a du talent; j’ai cependant bien plus apprécié son film suivant, Morocco, moins brouillon, plus clair et défini dans l’image.

L’âge d’or, Luis Buñuel (FR, 1930): difficile de mettre une cote à ce film surréaliste. Je ne peux pas dire que j’ai accroché (surtout avec les scènes du début montrant des scorpions), même si je comprends l’importance de ce film pour l’histoire du cinéma. Je pense que ce sera un problème récurrent: j’ai beaucoup de mal avec le surréalisme et le grotesque.

The Dawn Patrol, Howard Hawks (1930) – 3/5: un autre film sur les aviateurs pendant la Première Guerre mondiale, dont la post-production a été accélérée pour qu’il sorte avant Hell’s Angels produit par Howard Hugues. Ce dernier avait poursuivi le studio pour plagiat mais perdra le procès. L’histoire est bien plus centrée sur les aviateurs, tout particulièrement Courtney joué par Richard Barthelmess et Scott jouée par Douglas Fairbanks Jr., et montre le côté sombre de la guerre. En effet, jour après jour, de jeunes pilotes non expérimentés sont envoyés vers leur mort. Howard Hawks avait lui-même été instructeur pendant la guerre et joue dans le film un pilote allemand (non crédité).

Shanghai Express, Josef von Sternberg (1932) – 5/5: mais pourquoi est-ce que j’ai attendu si longtemps pour voir ce film ? J’avais pourtant déjà lu un roman et un récit du scénariste, Harry Hervey et les ambiances « exotiques » ont tout pour me plaire. Mais en plus, la lumière et la photographie sont superbes et c’est un film très féministe: ce sont les deux femmes qui font avancer l’histoire dans le bon sens, alors que tout le monde les méprise à cause de leur statut de courtisane. Marlene Dietrich et Anna May Wong sont juste magnifiques.

Little Caesar, Mervyn LeRoy (1931) – 3/5: avec ce film, je passe à 1931 (Shanghai Express était un détour lié à une playlist pour le boulot). C’est un des premiers films de gangsters et il a contribué à la création des codes de ce genre (apparemment, j’aurais aussi dû regarder The Doorway to Hell d’Archie Mayo, datant de 1930, avec James Cagney). C’est donc un film très masculin, avec fusillades et poursuites en voiture. Mais il y a autre chose: Rico, joué par Edward G. Robinson (qui n’est pas le plus beau des acteurs et qui a une voix qui irrite un peu), est mené par l’amitié qu’il a pour son ancien acolyte, Joe (Douglas Fairbanks, Jr) qui a quitté le gang pour devenir danseur. Mick LaSalle (dans Dangerous men. Pre-Code Hollywood and the birth of the modern man) y voit une des premières relations homosexuelles montrées à l’écran. Si c’est le cas, c’est extrêmement subtil, mais sans doute que c’était nécessaire à l’époque.

The Public Enemy, William A. Wellman (1931) – 3/5: second film de gangsters de 1931, qui a été en compétition avec Little Caesar à l’époque pour attirer le public. Premier grand rôle de James Cagney, et très mauvais rôle de Jean Harlow. Le film est connu pour sa célèbre scène du pamplemousse (Cagney, excédé, écrase un demi-pamplemousse sur le visage de Mae Clarke au petit-déjeuner). J’ai aussi noté ce tailleur ouvertement homosexuel et un chat noir qui traverse la rue. Réalisation dynamique qui fait qu’on ne s’ennuie pas un moment.

(J’ai quelque part décidé que ces articles seraient composés de sept notices, on verra si je continue à ce rythme-là. Je me suis aussi demandée si je ne devrais pas plutôt mélanger les décennies, ce qui permettrait de publier certaines notices plus vite).