At the movies – 46 (1930s)

Betty Davies dans Jezebel de William Wyler

La bête humaine (Jean Renoir, France, 1938) – 3/5: une adaptation du roman d’Emile Zola mais déplacé aux années 1930, avec comme personnages principaux, les trains à vapeur, dans tout leur gigantisme, sur la ligne Paris Saint-Lazare – Le Havre. Avec Jean Gabin en conducteur du train atteint d’une folie homicidaire dès qu’il est amoureux d’une femme et Simone Simon dont le personnage a été violentée dans le passé. L’histoire est très sombre et brutale, et j’ai eu du mal avec la violence gratuite envers les femmes mais on retrouve ce côté film noir de Quai des Brumes.

Holiday (George Cukor, 1938) – 3/5: le retour du duo Cary Grant – Katharine Hepburn, avec des moments très drôles dans le comportement des deux personnages. Johnny (Grant) est tombé amoureux de Julia Seton (Doris Nolan) pendant les vacances et découvre que celle-ci vient d’une des plus riches familles de New York. Il rencontre par la même occasion sa soeur Linda (Hepburn). Johnny est épris de liberté mais Julia ne l’entend pas de cette manière, alors que Linda comprend bien mieux la situation. C’est un film plaisant mais à la longue, je n’en peux plus de ces adaptations de Broadway qui restent parquées dans les mêmes décors, à l’intérieur (et en général chez des gens très riches).

Three Comrades (Frank Borzage, 1938) – 3/5: adapté d’un roman d’Erich Maria Remarque, et au scénario écrit par F. Scott Fitzgerald et Edward E. Paramore Jr., ce film conte l’histoire d’amitié entre trois hommes (Robert Taylor, Franchot Tone et Robert Young) qui ont combattu ensemble lors de la Première Guerre mondiale et l’amour d’un d’entre eux pour Patricia (Margaret Sullavan), atteinte de tuberculose, le tout sur le fond d’une Allemagne troublée par des émeutes. J’ai beaucoup aimé la sensibilité des dialogues et le fait que le film soit ancré dans l’histoire du moment.

La femme du boulanger (Marcel Pagnol, France, 1938) – 2/5: tout le monde considère ceci comme un bon film, pas moi. Dans un village de Provence arrive un nouveau boulanger (Raimu) et sa jeune et jolie femme, Aurélie (Ginette Leclerc). Celle-ci s’enfuit avec un berger et son mari se voile d’abord la face, puis accepte l’aide de tout le village pour la retrouver (aide un peu hypocrite parce que les habitants veulent juste pouvoir manger du bon pain, ce que le boulanger ne veut plus produire tant qu’il n’a pas retrouvé sa femme). Les rôles des femmes sont quasi inexistants, ou alors tellement cliché entre l’épouse adultère qui ne dit rien et les puritaines du villages. Les hommes représentent aussi des personnages assez typés: l’aristocrate, le curé, le maître d’école. Le temps m’a semblé long, ça cabotine énormément, et une des dernières scènes est particulièrement misogyne. Je suis du côté de l’épouse: j’aurais aussi quitté ce mari un peu idiot et simplet, je me demande d’ailleurs pourquoi elle l’a épousé en premier lieu, mais tout ça n’est pas raconté vu que seul le point de vue de l’homme compte dans ce film.

A Slight Case of Murder (Lloyd Bacon, 1938) – 3/5: une comédie avec des gangsters. Remy Marko (Edward G. Robinson) est devenu riche en vendant de l’alcool durant la Prohibition, mais depuis la fin de celle-ci, ses affaires ont périclité. Au bord de la faillite, il part avec son épouse et sa fille, et un gamin de l’orphelinat ainsi que sa clique d’acolytes, dans sa maison de vacances… où se trouvent les cadavres de quatre gangsters, et un cinquième qui tente de récupérer un butin. Tout tourne au quiproquo, évidemment, et le rythme est assez insoutenable, surtout dans la dernière demi-heure où on se demande s’il reste assez de temps pour éclaircir l’affaire. D’ailleurs la fin est très abrupte. C’était plaisant comme film.

Jezebel (William Wyler, 1938) – 3/5: La Nouvelle-Orléans, 1852. Julie (Betty Davies) est fiancée à Preston (Henry Fonda), un banquier. Mais Julie a un caractère bien trempé et joue la provocation, ce qui fait fuir Preston. Un an plus tard, celui-ci est marié à une nordiste quand il revient pour une visite dans le sud. A ce moment éclate une épidémie de fièvre jaune et Preston sera atteint. La fin du film n’est absolument pas crédible avec Julie qui décide de se sacrifier pour soigner Preston. A part ça, le film est pas mal; c’est surtout Betty Davies qui crève l’écran (alors que j’ai détesté Henry Fonda). A noter: les plantations, la musique de Max Steiner, la similitude avec Gone with the Wind qui sortira un an plus tard (mais sans la guerre de Sécession).

The Lady Vanishes (Alfred Hitchcock, Royaume-Uni, 1938) – 3/5: une avalanche a bloqué un train, dans un pays imaginaire d’Europe Centrale, et les passagers se retrouvent dans un hôtel local qui a du mal a loger tout le monde. C’est là qu’on rencontre ces deux Anglais fans de cricket – Charters et Caldicott – qui vont partager un minuscule lit dans une chambre de bonne. Mais ce ne sont pas eux les héros du film: il s’agit d’Iris (Margaret Lockwood), jeune femme qui doit retourner à Londres pour épouser son amoureux, de Miss Froy, (Dame May Whitty) d’âge moyen et habillée en tweed, de Gilbert (Michael Redgrave) qui étudie les traditions musicales locales (et qui est assez détestable au début du film), ainsi que d’autres personnages hauts en couleur. Hitchcock prend son temps pour présenter les personnages – plus d’une demi-heure – avant que l’histoire ne commence vraiment dans le train. Miss Froy disparaît et Iris a du mal à convaincre les autres passagers qui la prennent pour une folle. Mais Gilbert vient à la rescousse et mène l’enquête. Ce film qui avait commencé pépère se termine en une sacrée histoire de disparition et d’espionnage, le tout dans un train en mouvement, et avec pas mal d’éléments comiques (surtout au début).

Ceci termine ma liste de films de 1938, avec comme favoris Alexandre Nevski pour la composition des images et Quai des brumes pour les ambiances. Beaucoup de films sont bien, mais sans plus et je commence à me lasser de ces films américains tournés à l’intérieur dans juste trois décors différents. La liste pour 1939 est plutôt longue, avec une série de films que j’ai déjà vus dans le passé mais que j’ai envie de revoir et quelques trous dans ma culture comme The Wizard of Oz.

At the movies – 42 (1930s)

Constance Bennett, Roland Young et Cary Grant dans Topper

Topper, Norman Z. McLeod (1937) – 3/5: Marion (Constance Bennett) et George Kerby (Cary Grant) vivent dans le luxe et s’amusent nuit et jour, jusqu’à ce qu’ils décèdent dans un accident de voiture. Leur banquier, Topper (Roland Young) quant à lui est contrôlé minute par minute par son épouse (Billie Burke). Marion et George sont devenus des fantômes et décident de faire une bonne action: montrer le côté joyeux de la vie à Topper. C’est une comédie virevoltante et assez plaisante à regarder, mais sans plus. A noter: Hoagy Carmichael au piano et un groupe hawaiien non crédité (dans la scène du nightclub), l’architecture art déco.

One Hundred Men and a Girl, Henry Koster (1937) – 2/5: John Cardwell (Adolphe Menjou), tromboniste, cherche désespérément du travail dans un orchestre à New York. Sa fille, l’adolescente Patricia (Deanna Durbin), va œuvrer pour arranger ça. La gamine est énervante au possible (on la traite de « brat » à un moment et c’est vraiment ça), l’histoire ne tient qu’à un fil. Je me demande pourquoi et comment se film a rejoint ma liste du meilleur du cinéma (il a apparemment eu beaucoup de succès à l’époque). A noter: c’est le vrai chef d’orchestre Leopold Stokowski qui joue son rôle.

The Awful Truth, Leo McCarey (1937) – 4/5: Jerry (Cary Grant) et Lucy (Irene Dunne) divorcent suite aux mensonges de l’un et l’autre quant à leurs possibles rencontres extraconjugales. Mais la séparation n’est pas si simple: l’un et l’autre met son grain de sel dans les nouvelles rencontres amoureuses, ce qui crée plein de scènes très drôles. Comique encore accentué par le petit chien du couple (le fox-terrier déjà vu dans The Thin Man). C’est frais, c’est rythmé, c’est plein de quiproquos – une typique screwball comedy de l’époque.

Nothing Sacred, William A. Wellman (1937) – 4/5: encore une screwball comedy et je me rends compte que j’aime ça ! ça ne pose pas trop de questions et c’est drôle. Ici se retrouvent face à face Carole Lombard en jeune femme présumée mourante et Fredric March en journaliste exploitant l’affaire. De quiproquo en quiproquo, le film (en couleurs) passe vite avec ses 75 minutes. A noter: les superbes plans de New York, vue d’en haut, et même un plan de nuit avec plein de néons.

The Good Earth, Sidney Franklin (1937) – 1/5: quand Paul Muni et Luise Rainer jouent des Chinois, dans un film adapté d’un roman de Pearl Buck, ça ne passe pas du tout. Abandonné pour cause de whitewashing et parce qu’on n’a pas donné sa chance à Anna May Wong (qui a un petit rôle dans le film) pour des raisons racistes (le métissage était interdit par le code Hays).

La grande illusion, Jean Renoir (France, 1937) – 4/5: la vie de prisonniers de guerre français dans des camps allemands lors de la Première guerre mondiale, avec tentatives d’évasion et analyse des différentes strates de la société (l’aristocrate Boëldieu joué par Pierre Fresnay, le titi parisien joué par Jean Gabin, Erich Von Stroheim en commandant allemand). Ce film est considéré comme un chef-d’oeuvre depuis plus de 60 ans; je l’ai trouvé intéressant mais je n’ai pas accroché plus que ça, sans doute parce qu’il s’agit d’une histoire d’hommes pendant la guerre.

The Life of Emile Zola, William Dieterle (1937) – 1/5: rien de plus pénible qu’un biopic de l’époque, je trouve. Suite au succès du film à propos de Louis Pasteur, voici un film à propos d’Emile Zola. J’ai été assez décontenancée: toute sa vie est évacuée en moins de 30 minutes et un autre film commence, traitant de de l’affaire Dreyfus. J’ai arrêté là, je n’ai jamais réussi à me passionner pour cette affaire (même si en lisant la page la wikipédia, j’ai appris pas mal de choses). Je me rends compte que je n’aime pas beaucoup Paul Muni (qui joue Zola) non plus, ça n’aide pas. Le film a une certaine importance dans l’histoire d’Hollywood: le nazisme montant en Allemagne, il n’était pas de mise de parler des Juifs ni de l’antisémitisme – le film ne dit d’ailleurs pas que Dreyfus était Juif, on le voit juste furtivement à un moment écrit sur un document.

At the movies – X (1930s)

Gloria Stuart et Boris Karloff dans The Old Dark House 

I Am a Fugitive from a Chain Gang, Mervyn LeRoy (1932) – 3/5: quelle histoire sombre ! Quand James Allen (Paul Muni) revient de la Première Guerre mondiale, il souhaite devenir ingénieur, mais sa famille s’y oppose et préfère qu’il prenne un job répétitif à l’usine. Il part sur les routes mais se retrouve mêlé à un hold-up. Il est alors envoyé en colonie pénitentiaire, dans un « chain gang ». Il réussit à s’enfuir et mène enfin une vie respectable sauf que le passé le rattrape. En 1932, la Grande Dépression commence clairement à laisser des traces aux Etats-Unis et ça se ressent dans ce film (même s’il se passe avant). A priori, l’histoire ne me tentait pas mais j’ai voulu connaître la suite et il y a un certain rythme dans le film. Avec Paul Muni, donc, qui surjoue pas mal, de belles scènes de train (et de hobo marchant sur les rails), des prisonniers en uniformes rayés qui chantent des gospels et beaucoup de scènes d’extérieur.

The Old Dark House, James Whale (1932) – 3/5: le classique film d’horreur avec la maison mystérieuse qui recèle des secrets. James Whale continue son travail inspiré de l’expressionnisme allemand mais à sa sauce: au jeu des ombres, il ajoute éclairs et jeux de lumière (comme ce couloir sombre où la lumière éclaire le rideau blanc). Avec Boris Karloff, mais aussi Gloria Stuart qu’on retrouvera en 1997 comme Rose dans Titanic, un de ses derniers rôles. Ici, elle est superbe dans sa robe de satin blanc moulante (le prétexte pour la mettre est un peu léger: son autre robe est trempée). Et une première version chantée de « Singin’ in the rain », par Melvyn Douglas (le morceau a été écrit à la fin des années 1920).

The Sign of the Cross, Cecil B. DeMille (1932) – 3/5: une superproduction complètement over-the-top. Dans la Rome antique, sous le règne de Néron (Charles Laughton), le préfet Marcus (Fredric March avec trop d’eyeliner) tombe amoureux d’une belle chrétienne alors qu’il est censé poursuivre et tuer les adeptes de la nouvelle religion. Orgies et décadence – Poppée (Claudette Colbert), l’épouse de Néron, prend un bain, nue, dans du lait d’ânesse (le tournage a mis plusieurs jours et ça sentait le rance à la fin), et le tout se termine dans l’arène avec des femmes quasi nues laissées en pâture aux crocodiles ou aux lions, une armée de pygmées (ou tous les acteurs nains d’Hollywood recouverts de teinture brune) combattant des femmes et puis les Chrétiens envoyés vers une mort certaine. Quant aux costumes, du moment qu’ils pouvaient montrer de grands bouts de peau nue… sauf pour la belle chrétienne évidemment. Du grand n’importe quoi qui a dû bien énerver les garants de la morale de l’époque. En tous cas, je me suis bien amusée !

One Hour With You, George Cukor, Ernst Lubitsch (1932) – 2/5: un film musical très dispensable, avec Maurice Chevalier, Jeannette MacDonald et Geneviève Tobin en triangle amoureux. A voir pour les superbes décors de maisons art deco, les voitures de l’époque et les magnifiques robes – c’est intéressant de noter d’ailleurs que les génériques d’époque sont minimalistes (une dizaine de noms) mais que le créateur des robes est mis en avant: Travis Banton.

A Farewell to Arms, Frank Borzage (1932) – 3/5: une adaptation du roman d’Ernest Hemingway avec Gary Cooper et Helen Hayes. Une histoire d’amour entre un militaire et une infirmière lors de la Première Guerre mondiale, en Italie. Un mélodrame très bien filmé, avec de beaux jeux de lumière, et une certaine tension sexuelle (et donc même du sexe avant mariage, filmé hors champ), mais je n’ai pas accroché.

Grand Hotel, Edmund Goulding (1932) – 2/5: encore un film entièrement tourné à l’intérieur, basé sur une pièce de théâtre, elle-même basée sur un roman de Vicky Baum. L’histoire mêle séduction, amour, rivalité et ambition. Greta Garbo et Joan Crawford, toutes deux dans la vingtaine (et ne partageant aucune scène), jouent face à des hommes dans la cinquantaine (John et Lionel Barrymore, et Wallace Beery – il n’a que 47 ans mais il n’est pas très attirant) – on dirait qu’à l’époque, seuls le public masculin pouvait baver sur les actrices, et non les femmes sur de beaux et jeunes mâles. A noter: les décors art déco, les robes d’Adrian (cité au générique), le central téléphonique qui rythme le film.

Scarface, Howard Hawks (1932) – 2/5: un film de gangsters inspiré par la vie d’Al Capone. Il y a beaucoup à dire sur ce film (il suffit d’aller voir la page en anglais sur wikipedia) mais je n’ai pas trop accroché. Les scènes de fusillades sont pas mal, très réalistes, mais je me rends compte que je n’aime pas l’acteur principal, Paul Muni. A noter: un perroquet en cage (et Boris Karloff qui ne joue pas de rôle de monstre ici).

Oorlog en terpentijn

Stefan Hertmans, Oorlog en terpentijn (Guerre et térébenthine): comme dans Le coeur converti, Stefan Hertmans part de son histoire personnelle et d’un document qu’il a trouvé. Dans le cadre de ce récit, il s’agit des carnets dans lesquels sont grand-père a écrit ses mémoires. Hertmans nous plonge dans la vie quotidienne des gens au tournant du siècle, à Gand. Son grand-père, Urbain, vient d’une famille très modeste, pauvre même. Il est en admiration devant le travail de son père qui restaure des vieilles fresques religieuses. C’est de là que lui viendra son goût de la peinture. En 1914, il doit combattre en première ligne et passera quatre ans dans les tranchées, survivant à plusieurs blessures. Hertmans décrit cette vie avec minutie, dressant en même temps le portrait d’une société très régulée par la religion, ne laissant aucune place au plaisir.

J’ai beaucoup aimé ce portrait d’une époque, d’autant plus que mon grand-mère a suivi en partie le même parcours (il est originaire de la région de Gand et a passé quatre ans dans les tranchées). C’était donc une manière pour moi de renouer avec une histoire de famille dont je ne connaîtrai jamais les détails (mon grand-père n’a rien écrit, juste raconté un peu). Par contre, j’ai parfois trouvé le temps un peu long dans les parties décrivant l’amour de l’art et de la peinture, ce qui fait baisser mon appréciation du livre.