Hugo (1937-2020), mon papa

(voici le texte que j’avais écrit pour la cérémonie de funérailles de mon papa, en version longue)

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Pâques 1974, Tassili (Algérie), devant le Grand Dieu de Séfar

Il fait tellement chaud depuis une semaine. Cela n’aurait pas dérangé papa, il a toujours aimé la chaleur et n’a jamais craint la canicule. 

C’était à ces moments-là qu’il commençait souvent à repeindre la façade de la maison, en plein soleil, sous les regards horrifiés de maman.

Du blanc sur blanc.

Comme le peintre russe Malévitch. 

Il était passionné de peinture et allait d’une exposition à l’autre, d’un musée à l’autre. Il aimait l’art classique, les peintres paysagistes du 19e siècle mais aussi l’art moderne et contemporain. 

Il m’a initiée au pop art – nous adorions aller ensemble aux musées Ludwig de Cologne et d’Aix-la-Chapelle. 

Nous riions ensemble devant les idées farfelues des artistes, comme cette dame à bigoudis poussant son caddie de Duane Hanson ou les boîtes de soupe Campell’s d’Andy Warhol. 

Quand j’étais à la fin de l’adolescence, je lui ai parlé d’artistes contemporains, de Keith Haring, de Jean-Michel Basquiat dont nous avons été voir la première grande rétrospective au Whitney Museum de New York en 1992, emmenant par la même occasion tout une groupe de personnes qu’il guidait à ce moment-là.

Il adorait en effet voyager et avait trouvé un moyen pratique pour parcourir le monde: il guidait des voyages pendant les vacances scolaires. Il a commencé quelque part au début des années 1970, après avoir fait la connaissance de son beau-frère, Marc qui organisait des voyages culturels pour le « Stichting ». Chacun avait sa spécialité: si Marc se réservait plutôt l’Extrême-Orient, papa est vite devenu le spécialiste des pays de l’Est et de l’Afrique subsaharienne. 

Il est allé tellement souvent en Union Soviétique, encore communiste à l’époque, que je lui avais demandé récemment en riant s’il n’était pas un espion. Ce n’était pas le cas. Il se savait surveillé, comme tous les touristes de l’époque. Pourtant il n’a pas hésité à importer des roubles illégalement, les cachant dans ses chaussettes. Il a eu de la chance cette fois-là: on lui avait demandé d’enlever ses chaussures au contrôle douanier. 

Il a sillonné  ce grand pays d’un bout à l’autre, parfois seul avec un groupe, parfois avec moi et maman, et le groupe. Mon premier voyage en avion, c’était d’ailleurs à Moscou, Vladimir et Souzdal, je devais avoir 10 ans. Hugo et Geert, ses neveux, étaient là aussi. 

Je me souviens du départ, ça a été une sacrée aventure. Nous devions partir un 24 décembre mais il y avait du brouillard à Bruxelles et aucun avion ne pouvait décoller. On nous a conduit en bus au Luxembourg, où on nous a finalement dit qu’on allait à l’aéroport de Francfort – pour en fait mieux retourner à Bruxelles. Nous y sommes montés dans l’avion d’Aeroflot pour manger, mais il n’était toujours pas possible de partir. Nous avons finalement passé la nuit à l’hôtel à Zaventem, à quelques kilomètres de la maison.

J’ai donc vu Moscou sous la neige, en décembre, et puis, plus tard, Moscou au printemps, en avril. Ce n’était qu’une escale cette fois-là: nous sommes partis pour l’Ouzbékistan où nous avons visité les superbes mosquées de Samarcande, Boukhara et Khiva. C’était ma première incursion en Asie.

Papa a aussi voyagé en Géorgie, en Arménie, en Ukraine – il a vu les célèbres marches d’Odessa mais son souvenir le plus fort était ce long voyage à travers la Sibérie, sur les rives du lac Baïkal, et jusqu’à Khabarovsk – il était impossible d’aller à Vladivostok à cette époque, c’était une ville fermée, mais il aurait bien aimé. 

Il avait aussi cette passion pour l’Afrique. Son goût du voyage est sans douté né là. 

A la fin des années 1950, après des études pour devenir enseignant, il devait faire son service militaire. Quand il a appris qu’il pourrait l’effectuer au Congo Belge, il a sauté sur l’occasion. Il y a passé un peu plus d’un an, dans les remous menant à l’indépendance. Il a vécu un grande partie du temps sur l’Equateur, où il enseignait à la population locale. Il n’a quasi jamais tenu une arme en main; d’ailleurs quand c’était son tour de monter la garde de nuit, il partait avec son oreiller. A la toute fin de son service militaire, il se souvenait avec tristesse qu’il avait dû aider à embarquer dans l’avion des cercueils de militaires tués lors d’une échauffourée. 

Au moins de juin, je devais écrire des textes sur la chanson « Indépendance cha-cha » et sur Lumumba. Papa m’a alors évoqué qu’il avait croisé ce dernier en rue à Mbandaka où il était stationné. Il m’a aussi raconté qu’il était pour l’indépendance du Congo, ce qui traduit bien ses idées toujours progressistes. 

Quand il est rentré en 1960, sa future épouse, Jacqueline, l’attendait. Ils se sont mariés un an après. Je ne sais que très peu de ce mariage; papa n’en parlait jamais. Je pense qu’il a beaucoup souffert de son décès en 1969.

Un an après, il épousait ma maman, Angèle. Il l’avait rencontrée au cours du soir – il donnait en effet des leçons de français à des étrangers. Il garait toujours sa voiture derrière celle de maman, une Triumph, et espérait la voir. C’était l’époque des mini-jupes et mon papa était charmé. Comme elle était plus âgée que lui, il lui avait expressément demandé si elle pouvait encore avoir des enfants. Impossible de répondre à cette question évidemment, mais je suis née un peu plus tard en 1972. 

Il m’a dit que ces années-là ont été les plus heureuses de sa vie, jusqu’au premier cancer de ma maman, en 1978.

C’est aussi à cette époque qu’il a fait ses plus beaux voyages, qu’il a découvert le désert du Sahara qui l’aura marqué toute sa vie. Il disait à l’époque qu’il souhaitait que ces cendres soient dispersées dans le désert du Ténéré mais par la suite, il m’a dit qu’il voulait être enterré près de maman. 

Il était fasciné par les peintures rupestres du Tassili et par les « hommes bleus », les Touaregs. Plus tard, il a parcouru le Mali et le Burkina Faso, toutes des destinations qui sont difficiles à visiter aujourd’hui. 

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Pâques 1974, Tassili (Algérie)

Il a aussi traversé deux fois une contrée bien plus nordique mais tout aussi désertique et aride, l’Islande. Il aimait les volcans, et quand je me suis trouvée devant le Sakurajima au sud du Japon, il y a deux ans, j’ai très fort pensé à lui, et je lui ai envoyé une carte, ce que je ne faisais plus jamais d’habitude. 

Son rêve, c’était d’aller à New York, mais il ne parlait pas anglais. Malgré tous ses efforts, ça ne rentrait pas. Il était pourtant trilingue: il passait sans effort du néerlandais au français, qu’il avait appris en prenant des cours à Lille, et au dialecte, le west-flamand. A la maison, dans les conversations avec maman, il alternait, commençant parfois une phrase dans une langue et la terminant dans l’autre, comparant aussi souvent les variantes de leur dialecte. 

Quand j’étais petite, nous parlions néerlandais et français ensemble. Une fois que j’ai été à l’école primaire en français, je ne lui ai plus jamais parlé en néerlandais, j’ai eu un blocage, j’avais peur de faire des fautes. Mais il ne me l’a jamais reproché, il savait que j’étais bilingue.

Mais revenons à New York – entretemps, j’avais appris l’anglais et j’avais promis de l’aider. Il a donc organisé deux fois un voyage musées et opéra, avec un programme très dense. C’était même un peu son défaut: il ne voulait rater aucune minute de la journée quand il était à l’étranger, il ne laissait pas les gens souffler. Ma maman et moi, nous avons d’ailleurs pris une après-midi pour aller faire du shopping. Ce n’était pas prévu par papa !

Quand il souhaitait aller voir une exposition dans un des pays voisins, il organisait un citytrip d’une journée en car. Il avait toujours cette envie de partager ses connaissances avec des amis. Il s’était construit un public de fidèles qui l’accompagnaient souvent et qui écoutaient avec plaisir ses longues descriptions de courants artistiques et ses énumérations sans fin. Moi, je l’avoue, je m’endormais souvent à ces moments-là.  

Nous faisions aussi de nombreuses excursions en voiture en Belgique et dans les pays limitrophes, dans une des trois Volvo successives. Nous avons été aux Pays-Bas, en Normandie, en Ile-de-France mais aussi en Allemagne, visiter les musées d’art moderne de la région de la Ruhr. Dès que j’ai eu l’âge, je prenais la carte routière et je le guidais. Nous avons également profité maintes fois du Thalys pour aller à Paris pour la journée. 

Il adorait les cathédrales et les vieilles églises, mais n’était pas très religieux. Il avait été dégoûté par une certaine forme de catholicisme très strict et peu ouvert après après avoir passé quelques années au pensionnat, un endroit qu’il surnommait « la prison ». Il en a cependant toujours gardé les valeurs et souhaitait malgré tout une cérémonie à l’église pour ses funérailles. Et de préférence dans une vieille église, comme celle où nous trouvons aujourd’hui. 

Pendant ces dernières années, la conversation était parfois un peu difficile, et donc nous revenions toujours sur le sujet des voyages, les siens mais aussi les miens. Il me demandait chaque fois où je voulais aller et était très heureux quand je partais à la découverte du monde. Début mars, je lui racontais que je voulais aller en Géorgie en mai et il me disait que c’était un si beau pays. Ce voyage est maintenant reporté mais je sais que quand je pourrai y aller, je penserai beaucoup à lui. 

Il s’est impliqué dans diverses associations culturelles, à Drogenbos et à Tervuren. Il était membre des Vrienden van de School van Tervuren, est devenu président de la Fondation Roger Somville, son ami et était très proche également du peintre Edmond Dubrunfaut. Il a même écrit quelques livres. 

Il a enseigné toute sa vie l’histoire, l’histoire de l’art et la géographie au Sint-Jozefscollege à Woluwe-Saint-Pierre, à des centaines de garçons et à deux ou trois filles lors de sa dernière année. Il y organisait chaque année une exposition dans le cadre de la « Lentefeest ». Les périodes d’examens étaient toujours un peu tendues à la maison: il y avait tant de copies à corriger ! En juin, souvent, il regardait le foot en même temps, déclarant qu’il faisait ainsi deux choses inutiles à la fois !

Ses anciens élèves, que je rencontre encore parfois – le pharmacien, le dentiste… – ont gardé de bons souvenirs de lui. C’était un enseignant sévère mais qui connaissait tant de choses et qui s’inquiétait vraiment de ses élèves. 

C’était aussi un papa sévère par moments: il avait prévu que je devais obtenir trois choses dans la vie: un diplôme universitaire, l’agrégation et… le permis de conduire. C’était une pression certaine mais je les ai eu tous les trois en trois mois. ça avait pourtant mal commencé, cette histoire: en rhéto, je m’étais lassée de l’école et mes points avaient chuté. Je suis rentrée des examens de Noël avec un 9/20 en français. Sa colère a été cataclysmique. Après une engueulade mémorable où il m’a dit «  tu ne vaux rien, tu deviendras caissière au Delhaize », il ne m’a plus parlée pendant les deux semaines de vacances. 

Il voulait juste le meilleur pour moi, il m’aimait tant. 

Quand j’étais petite, c’est lui qui me racontait des histoires avant de m’endormir. Si j’ai demandé que soit lue celle de l’Arche de Noé lors de cette cérémonie, c’est parce que c’était notre favorite. Il en avait évidemment changé certains passages, et Noé était devenu un grand amateur de vin. 

Ces dernières années, sa santé a décliné tout doucement. Il s’est déplacé de moins en moins, regardant les courses cyclistes de l’avant-saison à la télévision (il adorait ça), lisant de nombreux livres et romans, souvent conseillés par sa compagne Francine qui venait passer les week-ends avec lui, entouré par toutes les oeuvres d’art qu’il avait acheté au cours de sa vie. Et en buvant un verre de vin rouge, ou plusieurs. Et un picon vin blanc, évidemment, son apéritif préféré qu’il avait découvert lors de son apprentissage du français à Lille. 

Un jour avant Noël, il y a deux ans, il s’est rendu compte qu’il avait peur de rester seul à la maison et a demandé d’aller en maison de repos. Son ami polonais Stacek l’aidait beaucoup mais ce n’était plus suffisant. Je sais qu’il n’était pas tout à fait heureux de cette situation mais il m’a toujours menti sur le sujet. 

Là encore, il était entouré de ses tableaux préférés, et il pouvait observer les écureuils par sa fenêtre. 

Sa vue a baissé, et les journées étaient longues. Mais sa radio était toujours allumée, branchée sur Musiq3.

Il l’écoutait encore mercredi. 

This was 2019

S’il y a bien quelque chose qui a marqué mon année, ce sont les péripéties à mon travail. En début d’année, j’espérais une année calme et sereine après tous les déboires autour de la vente de la maison de mon papa. Et en effet, les premiers mois ont été calmes, jusqu’au moment où la direction a pris une décision sans appel quant au futur de l’institution, décision qui me forcerait à changer de fonction. Syndicat et comité des usagers ont lutté de longs mois – et même si je soutenais complètement cette lutte, je me suis sentie très mal à l’aise lors des assemblées générales et autres rassemblements de groupe. Je détestais déjà ça et c’est encore pire aujourd’hui.

Quatre propositions de nouvelles fonctions ont été faites et je savais clairement que je souhaitais devenir rédactrice. Cela a mis quelques mois mais finalement en septembre, j’ai commencé à écrire. Ce n’est qu’en novembre que j’ai officiellement changé de chef et cela a été un soulagement indescriptible – cela faisait des années que je vivais très mal la relation avec l’ancien.

Et puis, l’avant-veille de mon départ en vacances, coup de théâtre: la ministre oblige la direction à faire marche arrière. Ce qui est une excellente nouvelle mais qui pose problème par rapport à mes fonctions actuelles et anciennes. Fin décembre, j’ai donc repris mon ancien travail, tout en restant rédactrice, mais je me rends compte que cela me pèse. J’aimais cette liberté de ne pas devoir gérer cette coulée continue et de pouvoir me concentrer sur un sujet avant de passer au suivant, sans être constamment interrompue par des questions plus administratives. Il faudra voir comment tout ceci évolue en 2020 et il est clair qu’il y aura encore beaucoup de questions à résoudre.

Au niveau personnel, j’ai beaucoup pensé à ma solitude de célibataire et nullipare et cela a pesé. Je n’arrive pas à me dire que tout ira bien si jamais je suis gravement malade ou que j’ai un accident (qui ira faire mes courses, qui me tiendra la main si j’ai mal, qui sera là tout simplement). Alors, il y a des chances que je ne tombe pas malade, et beaucoup de choses sont organisables, mais ce n’est pas la même chose que quelqu’un de proche. Et même après une dure journée au boulot (il y en a eu beaucoup), j’aurais bien aimé juste pouvoir en parler à quelqu’un le soir. Mon papa n’écoute plus vraiment depuis un certain temps et nos relations n’ont pas toujours été simples – mais avec lui, c’est par périodes et je sais que je dois profiter des moments où il est de bonne humeur et qu’il va bien. En même temps, j’aime vivre seule la plupart du temps, prenant les décisions que je souhaite quand je les souhaite; je voyage, j’ai des amis (même si tout n’a pas été rose de ce côté là) et des chouettes collègues et voisins.

J’ai voyagé trois fois cette année, commençant par une semaine à Madère, où je me suis reposée et où j’ai profité de températures clémentes en plein hiver. Début juillet, j’ai passé quelques jours à La Haye, une agréable ville où j’ai très bien mangé. J’avais à ce moment-là déjà réservé un voyage à Hong Kong, juste avant que les protestations suivies d’émeutes ne commencent. J’ai espéré tout l’été mais cinq semaines avant mon départ, j’ai préféré tout annuler et réserver un autre voyage au Japon. Vu que c’était en dernière minute, ce séjour a été moins bien organisé mais j’ai malgré tout passé trois excellentes semaines sur place. Et je réfléchis déjà à mes projets pour 2020.

L’été et le début de l’automne ont été occupés par les travaux de ma cuisine et de mon salon. J’ai tout vidé à mon aise, rangeant un peu par la même occasion la cave, puis j’ai tout remis (ou presque) en une semaine de congé après la fin des travaux. Je suis vraiment contente de ma cuisine (même si j’ai mis un peu de temps à m’adapter) et du nouveau coin tv qui est beaucoup moins en désordre qu’avant sans les étagères à cd qui sont restées en haut et grâce au nouveau meuble tv. Quant au bleu foncé sur le mur, il est juste parfait.

Si j’en crois l’astrologie chinoise, 2019 marque la fin d’un cycle de 12 ans. En janvier nous entrons dans l’année du rat, qui est aussi mon signe. Et c’est aussi la fin d’une décennie. Elle avait mal commencé mais je n’étais pas encore consciente à ce moment-là que les premières années seraient aussi difficiles. J’ai eu un peu de répit et puis les soucis avec mon papa ont commencé, et puis ceux au travail. Tout cela m’a évidemment changée, mais en mieux, j’en suis persuadée.

Je vous souhaite à tous une très belle nouvelle année !

Short diary of the week (317)

Lundi: des courbatures dès le matin, commencer l’écriture d’un texte mais être interrompue par des collègues pour discuter de questions importantes, trier des disques, un long trajet vers un quartier que je ne connais pas, une très agréable soirée entre amis où j’ai pu parler tout ce que me pesait, le long trajet du retour, prévenir la crise de froid au lit (je connais maintenant la cause – une question d’intestins qui détruisent toute une série de mauvaises choses) en prenant une douche chaude et une bouillotte

Mardi: pas la meilleure nuit mais franchement pas la pire non plus, le hasard fait que je retournerai une seconde fois à Anderlecht cette semaine – mais pour d’autres raisons, préparer tout ça, moi et mon cœur d’artichaut (oui, j’ai pleuré au bureau en regardant un très beau documentaire sur les migrations), je ne l’ai pas encore écrit ici mais je suis vraiment contente de mon nouveau poste de rédactrice qui me fait découvrir de nouvelles choses tous les jours, contente d’être à la maison ce soir, commencer la série Modern Love (et pleurer comme une madeleine – c’est le jour), Why women kill

Mercredi: quelle horreur j’ai oublié mon livre !, une heure au boulot puis repartir, une interview de deux artistes, de retour au boulot, passer à autre chose pour l’après-midi, hésiter longtemps pour le repas du soir et sortir du couscous du surgélateur, terminer Why women kill

Jeudi: du mal à me réveiller, retranscrire l’interview – ce qui prend du temps, le dernier jour de certains collègues – c’est toujours une ambiance un peu bizarre, cuisiner un bon repas, Angel, m’endormir dans le fauteuil

Vendredi: réveillée tôt, cette légère gêne dans ma gorge, une matinée paresseuse, découper le tissu pour une jupe, préparer un gâteau tout simple, commencer le montage de la jupe, de la lecture, jouer un moment tout en buvant une infusion au thym, Angel, Modern love

Samedi: me réveiller en sursaut en ayant très mal à la gorge, ne pas réussir à me rendormir, une nuit très agitée donc, et même pas de grasse matinée pour rattraper, cette pluie…, envie de rester sous la couette toute la journée mais ce ne sera pas possible, fêter l’anniversaire de mon papa avec du champagne, retrouver Missev Pistols pour un premier atelier de photo décomplexée – d’abord un peu de théorie (comprendre enfin que mon objectif grand angle est un bijou et comment je peux l’utiliser) puis de la pratique en rue, frigorifiées nous arrêtons un peu avant l’heure prévue – surtout que mon rhume est toujours bien là, de retour au chaud, m’endormir devant un film

Dimanche: le moment critique du rhume: vais-je passer à la toux ou au nez bouché ?, écrire quelques brouillons de billets sur les livres et être enfin à jour (publication dans les semaines qui viennent), terminer la couture d’une jupe, je suis complètement bloquée dans le jeu et donc j’ai cette forte envie de trouver une issue (ce qui veut dire que j’ai joué quasi tout l’après-midi), la fin du film d’hier: L’épée Bijomaru de Kenji Mizoguchi (1945), le troisième épisode de Modern Love – ma nouvelle série préférée du moment

Short diary of the week (305)

Lundi: cette lassitude du lundi matin, m’attaquer au boulot, cette lassitude d’entendre toujours les mêmes commentaires et donc une montée de ton, une après-midi qui se passe, prête à appeler mon papa pour m’excuser mais je me fais devancer par lui, il s’excuse en disant qu’il s’est rendu compte qu’il a été difficile ces derniers jours, mais comment cette écharde de verre est-elle arrivée dans ma chaussure ?, et puis dans mon pied évidemment, Harlots, Buffy

Mardi: me réveiller à cause des démangeaisons de la piqûre sur mon ventre (avec allergie bien sûr), des corrections et de la planification, d’humeur un peu molle en rentrant, le chat bizarre appartient donc à une race bizarre, Angel, Buffy

Mercredi: parfois la langue française n’a pas de règle précise et il faut prendre une décision, plein de disques, préparation d’une sauce bolognaise en vue de surgélation, deux épisodes d’Angel

Jeudi: un voyage aux îles Marshall, de retour en Ecosse, quelques infos sur Hong Kong, des cocktails entres amis au Sofitel de la Place Jourdan, un repas japonais au Kokuban, de jolis cadeaux d’anniversaire

Vendredi: une nuit agitée, des conversations, de l’Irlande, un délicieux cocktail à l’ananas, Buffy, de la lecture

Samedi: des angoisses par rapport aux travaux, aller chez mon papa et avoir une agréable conversation, les courses, tondre la pelouse, recevoir les instructions pour nourrir le chat des voisins, commencer à vider systématiquement coin par coin le salon et la cuisine, laisser juste le nécessaire pour vivre et cuisiner jusqu’à demain soir, ce sont tous ces petits brols qui prennent le plus de temps, ce vent, jouer un moment, boire l’apéro chez les voisins d’en face, Always be my maybe (Nahnatchka Khan, 2019) – une comédie romantique avec plein de bouts de cuisine

Dimanche: un mauvaise nuit à cause de l’apéro d’hier, un moment de calme avant la tempête (ou le reste du vidage), de l’aide bienvenue pour les grosses pièces, un canapé qui passe dans l’escalier avec un centimètre de jeu et surtout beaucoup d’efforts, un cocktail et une agréable conversation, les derniers brols sont les plus longs et je dois déconnecter mon cerveau pour ne pas pleurer, terminer enfin vers 21h, tenter de reprendre un rythme plus calme

Short diary of the week (304)

Lundi: une journée qui se passe, des discussions sur les jeux, des envies de console, quelques courses en rentrant, cuisiner une quiche pour la semaine, descendre cinq fois à la cave avec de la vaisselle, m’installer au jardin avec un livre mais rentrer très vite à cause de la fraîcheur, Angel, Buffy

Mardi: des rêves bizarres et un peu angoissants, une journée qui se passe, apprendre que les travaux ne commenceront pas la semaine prochaine mais la suivante, arrêter le déménagement – ce qui fait du bien, Angel, Buffy

Mercredi, de nouveau des rêves bizarres, une journée qui se passe, une nouvelle rassurante, ce moment trop court pour commencer quelque chose d’intéressant et donc ne rien faire de bien, Angel, Buffy

Jeudi: des corrections, des accordéonistes irlandais, une journée qui se passe, mettre à jour des programmes sur mon mac et ajouter des livres sur la liseuse tout en triant des disques (à la maison pour une fois), trop manger par gourmandise, Buffy, Angel (oui l’ordre change parfois à cause d’une liste qui propose un ordre de visionnement)

Vendredi: des rêves bizarres, une journée qui se passe, un impatience grandissante, yes ! je vais pouvoir jouer à nouveau à Heroes of Might & Magic, après il faut le temps que ça s’installe, Angel, et le début du jeu – adieu vie sociale ! (bon en fait ce sera surtout la lecture qui va en pâtir)

Samedi: des rêves bizarres, une nouvelle dispute avec mon papa: il voulait que je le plaigne parce qu’il ne peut plus boire autant sur ordre du médecin, je ne l’ai pas fait, le ton est monté et je suis partie, j’ai heureusement pu parler un peu à l’infirmière tout en pleurant – évidemment, le fond de l’histoire est que je suis triste pour lui mais en même temps face à un mur, les courses avec une chouette conversation avec le conseiller vin qui est presque devenu un ami, une après-midi passée à jouer pour oublier la chute brutale d’énergie et les maux de tête, Buffy

Dimanche: du yoga pour retrouver de l’énergie, de la couture, encore quelques caisses, lire au jardin et commencer à préparer mon voyage à Hong Kong, un barbecue avec quelques gouttes de pluie qui n’étaient pas prévues, Angel

Short diary of the week (276)

Lundi: commencer la journée avec nausées courbatures et maux de tête – on voit bien que je n’ai pas envie d’aller travailler, une réunion avec une demi-heure de flou (et donc bien trop longue), beaucoup de frotte-manche très mielleux, si je prends cette décision c’est pour moi, faire un mailing personnalisé, partir plus tôt pour un rendez-vous à la banque, des restes, pester sur le mini mac qui devient vieux et qui rame beaucoup, une mauvaise nouvelle: la mauvaise vue de mon papa est définitive (mais je n’ai pas plus d’explications: il n’a pas écouté le médecin), True Detective – début de la saison 3, Crazy ex-girlfriend

Mardi: « les gens » !, me faire éclabousser par un connard en grosse voiture, un métro bondé, me faire presque écraser sur le passage pour piétons par une seconde voiture qui veut dépasser la première qui s’était gentiment arrêtée pour moi (et non les deux voitures n’étaient pas des BMW ou apparentés – la seconde était petite), finalement au bureau c’est calme en comparaison, réussir à caser ce dernier jour de congé à prendre (ça valait la peine d’aller voir le chef du personnel), enfin pouvoir à nouveau travailler sur le projet de base, et bien avancer, et puis rien de spécial, Call the midwife, Crazy ex-girlfriend – ça y est je suis à jour

Mercredi: d’humeur maussade, me poser des questions sur mon implication, travailler dans mon coin, oh mais cette chouette proposition à laquelle je ne croyais pas pourrait se faire tout frais payés par le partenaire, ah ben en fait non: refus net de ma direction, une déception de plus, encore moins motivée, partir plus tôt pour du shopping, acheter des basiques soldés, un coup de pompe gigantesque: j’ai envie de pleurer tellement je suis fatiguée au milieu du centre commercial, reprendre The little drummer girl, tester la série dont tout le monde parle: Tidying up with Marie Kondo et être trop paresseuse pour me lever et arrêter avant la fin (en un mot: c’est mauvais)

Jeudi: une grosse fatigue et un début de mal de gorge, me faire tremper par la pluie, passer de Bolivie en Syrie, me faire tremper par la pluie-neige, La France est notre patrie (Rithy Panh, 2015) – un documentaire avec uniquement des images d’archives d’Indochine (essentiellement) – un peu ennuyeux à la longue

Vendredi: une mauvaise nuit à cause du mal de gorge, hésiter à aller travailler et puis y aller, des couloirs vides, les trucs du vendredi, et d’autres trucs à terminer, oups ma jupe remonte sous mon manteau, The little drummer girl, me mettre tôt sous la couette pour lire

Samedi: me réveiller en milieu de nuit pour cause de mal de gorge, juste frigorifiée même sous deux couvertures, fatiguée du rhume, de la couture, aller chez mon papa, fatiguée de ses problèmes (j’ai eu une conversation avec l’infirmière en chef et c’était pénible d’entendre tout ça), des courses, m’affaler dans le canapé et ne plus faire grand chose, terminer quand même mon roman, un début de film mais m’endormir devant, aller dormir tôt

Dimanche: le nez bouché et des maux de tête, super fatiguée, c’est nul d’être malade le w-e, un peu de couture, traîner beaucoup, des frissons, de la température, cuisiner le plat qui était prévu même si je n’arrive pas à le goûter convenablement – d’ailleurs je n’ai pas d’appétit, The left handed gun (Arthur Penn, 1958) – on sent que ce film est précurseur d’un mouvement mais je ne suis pas sûre d’aimer ce jeu d’acteur trop maniériste, Crazy ex-girlfriend, batailler contre mon nez qui se bouche

This was 2018

A vrai dire, je me rends compte que je n’ai pas trop envie d’écrire ce billet, je n’ai pas trop envie de revenir sur cette année éprouvante. Et pourtant, ce n’est pas plus mal de faire le bilan. Une fois de plus, j’ai réalisé que les années telles que je les vis ne correspondent pas vraiment au calendrier, il s’agit plus de cycles commençant en novembre ou décembre et se terminant en octobre ou novembre.

Décembre 2017 avait été secoué par les problèmes de mon papa et son déménagement en maison de repos. Je savais donc très bien ce qui m’attendait pour 2018 – vider sa maison et la vendre. Je me suis fixée comme but le mois de juin – un délai qui a été respecté pour la partie vidage. J’ai passé presque tous mes weekends de l’hiver à trier et à faire des caisses, me mettant en mode pilote automatique. Je souhaitais que ce soit terminé rapidement, ne voulant pas que cela me pèse trop longtemps. Cela a été difficile, mais j’ai suivi mon programme, et j’ai eu de l’aide d’amis, d’abord pour vider le grenier sous le toit, puis plus tard pour ranger la maison et déplacer des meubles pour faire joli sur les photos de l’agent immobilier. Et puis aussi un grand soutien moral de ma cousine qui faisait exactement la même chose quelques maisons plus loin.

J’ai ramené une quinzaine de grandes caisses chez moi et je les ai entreposées à la cave (pour la vaisselle) et au grenier – qui est aussi ma pièce de couture. Quand je les ai vues amassées là, j’ai eu un sentiment de découragement: j’ai eu l’impression d’être envahie, d’avoir perdu la légèreté qu’émanait cette pièce assez vide. Mais je n’avais plus l’envie ni l’énergie de trier; il me fallait du temps (je commence à m’en occuper neuf mois plus tard).

Février m’a heureusement apporté une distraction: j’ai été un weekend à Metz où j’ai été accueillie chaleureusement par Laurie. J’ai vu une belle expo d’art contemporain japonais et j’ai flâné dans les rues de la jolie ville. Ces deux jours ont été marqués par la lumière du ciel d’hiver. J’en ai profité pour faire un arrêt au Luxembourg pour acheter du rhum et du bourbon. Et j’ai dépassé une de mes angoisses: j’ai fait le trajet en voiture ! C’était la première fois que je roulais aussi loin (et que je sortais la voiture de Belgique).

J’ai dû prendre beaucoup d’initiatives, être présente pour de nombreux rendez-vous, d’abord pour des voisins intéressés par l’achat de la maison – aucun ne se décidera – puis pour l’agent immobilier. J’ai voulu aller vite, je n’en ai rencontré qu’un seul et c’était sans doute une erreur. Mais il a trouvé un candidat acheteur dès les premiers jours de visite. Et c’est là que tout a dégénéré: après avoir signé le compromis d’achat, cette personne est devenue très agressive suite à un problème d’infraction à l’urbanisme datant de 1980, que j’ai réglé très vite (j’aurais dû m’en occuper plus tôt, j’en conviens). Son agressivité s’est traduite en lettres d’avocats, un second se succédant à un premier qui avait très vite lâché l’affaire. Et cela a évidemment provoqué des grandes angoisses. J’ai passé un très mauvais été, ne profitant que peu du beau temps. Mais j’ai tenu bon et défendu les intérêts de mon père.

Pendant ce temps, j’avais organisé la vente de livres et de certaines oeuvres d’art de mon papa, grâce à un ami qui m’a donné beaucoup d’adresses. Début juillet, un vide-maison a fait table rase, emmenant tout ce qui restait. Je n’ai presque pas visité la maison vide et je me sens toujours un peu triste. J’ai souvent des pensées qui me traversent l’esprit, me rappelant tel ou tel objet, me demandant si je n’ai pas laissé de chose importante.

J’aurais aimé faire un citytrip en été mais j’avais chaque fois des choses à régler, ou peur de ne pas être là pour la prochaine lettre d’avocat. Par contre, dès la mi-mai, j’ai organisé mon voyage au Japon à l’automne. Cette perspective m’a beaucoup soutenue.

Mi-septembre, l’acte a enfin été signé, un mois après la date prévue à l’origine. J’en suis ressortie blessée et épuisée, l’acheteur ayant encore proféré de nombreuses menaces et m’ayant traité de personne fausse et mauvaise. Ce qui fait mal, parce qu’il ne m’a jamais laissé de moment pour lui prouver le contraire. Et je n’ai pas vraiment eu de conclusion de ce dossier à cause de ses menaces de poursuites dans le futur.

Pendant ce temps là, la santé de mon père a décliné. Il se déplace de plus en plus difficilement, il se répète constamment et a des moments où il devient difficile et exigeant. J’ai eu du mal à accepter qu’il me délègue tout le travail avec autant de légèreté et il m’a quelquefois vexée. Je crois qu’il ne s’est jamais rendu compte de l’ampleur de la tâche et de la quantité de choses inutiles qu’il avait gardées (je n’oublierai jamais ces cinq percolateurs cassés). Notre relation est toujours aussi compliquée et je n’ai eu que peu de moments de complicité – ceux-ci impliquent en général des conversations sur les voyages (ce qui me pousserait presque à voyager plus souvent !).

Au travail, heureusement les choses se sont bien passées. J’ai été responsable d’un projet de janvier à juillet. Cela a pris beaucoup de temps mais j’ai beaucoup aimé m’en occuper. D’une certaine manière, cela a sans doute augmenté un peu ma crédibilité auprès de mon supérieur. Ce qui n’est pas plus mal.

Fin octobre, je suis partie pour trois semaines au Japon. Ce voyage a permis de clôturer mon année difficile. J’ai pu oublier mes soucis et ne penser qu’à moi. J’ai eu une chance incroyable, tout particulièrement avec la météo. Et puis il y a eu ce moment précis où j’ai fondu en larmes au milieu de la randonnée à Yakushima. J’ai senti un poids s’envoler, entourée par les arbres millénaires et les esprits de la forêt. Quand je suis rentrée, j’étais sur mon nuage. Les plaintes de mon papa suite à une nouvelle chute m’ont malheureusement fait retomber sur terre mais cela s’est estompé depuis. Les kodama (esprits) de Yakushima sont toujours près de moi.

Ce billet est déjà tout un roman mais je voudrais encore dire quelques mots à propos de mon état d’esprit. Cette année a été très éprouvante, j’ai verrouillé beaucoup de mes sentiments, je ne leur ai pas ou peu laissé de place pour s’exprimer. C’est sans doute pour cela qu’écrire ce bilan est compliqué parce que je souhaite oublier et passer à des choses plus positives. On pourra me dire que ce n’est pas une bonne idée et que tout cela reviendra me hanter. Peut-être.

Je me rends compte que face à l’agressivité primaire, je perds mes moyens; je suis quelqu’un qui préfère discuter en utilisant tous mes talents de diplomatie et si cela ne fonctionne pas, je préfère me taire (et fuir). J’aimerais trouver des outils pour mieux faire face à ce genre de situations (en espérant évidemment qu’elles ne se reproduisent pas).

Mais ce que je voulais surtout exprimer, c’est que malgré tous ces soucis, ces angoisses qui ont provoqué de nombreuses nuits sans sommeil, qui m’ont rendues malade par deux fois, je me sens heureuse. J’ai été bien entourée et soutenue, par ma cousine et mes amis. Pour la première fois depuis un moment, j’ai passé mon anniversaire et le 24 décembre en bonne compagnie. Mon sommeil est à nouveau normal et je suis beaucoup moins fatiguée, ce qui me rend plus ouverte au monde extérieur. Je sais où sont mes limites et quand je dois dire non. J’ai trouvé un équilibre dans ma vie et même les difficultés n’ont pas réussi à l’ébranler. Je suis prête pour une nouvelle année !

Luttes internes

Hier, j’ai fondu en larmes chez le dentiste. Et ce n’est pas parce que ses soins sont douloureux, loin de là. Il est mon dentiste depuis trente ans, il est également celui de mon papa, et a même été élève de mon papa. Il nous connaît donc bien. Il n’avait pas revu mon père depuis un certain temps, jusqu’à son rendez-vous fin octobre. Et donc quand il m’a vu hier soir, il m’a dit qu’il avait été triste de voir combien l’état de santé de mon père s’était détérioré. Et j’ai fondu en larmes. 

Il a touché un point sensible chez moi; j’ai eu l’impression que pour la première fois depuis longtemps quelqu’un reconnaissait combien mon père avait régressé en quelques années. On parle souvent de la charge mentale des mères de famille, on ne parle presque pas de celle des aidants, même si dans mon cas, j’ai beaucoup délégué l’aide. Il me reste les problèmes administratifs à régler, la gestion de ses comptes – ce qui est tout à fait gérable. Mais je n’arrive pas à accepter sa vieillesse. 

Je vais le voir une fois par semaine, le samedi. A chaque fois, je déprime. Je n’ai pas envie d’y aller, de constater une fois de plus tout ce qui ne va pas, de voir qu’il a à nouveau fait des taches sur ses vêtements, de voir les choses qui traînent, d’assister aux problèmes des autres résidents (je n’ose même pas dire ce que j’ai vu tellement cela peut paraître glauque – je parle de comportements des personnes, pas de la résidence et de son personnel, même s’il y a aussi à redire). Mes weekends commencent en milieu d’après-midi du samedi et j’ai du mal à évacuer ce que j’ai vécu. J’ai l’impression que mon temps libre est mangé par ces pensées peu joyeuses qui envahissent mon esprit à tout moment. Cela a surtout été difficile en rentrant de voyage, le contraste était si grand. 

Je ne sais pas quoi faire. On me dit qu’il faut que je le supporte, que c’est mon rôle d’enfant. Mais je n’y arrive pas, je n’ai plus la force. C’est trop pour moi, fille unique, sans soutien d’un compagnon, voire même d’enfants. Cette charge mentale est trop grande et cela fait trop longtemps qu’elle est là. Ma maman a eu son premier cancer quand j’avais six ans, un second dix ans plus tard, un troisième encore dix années après. Et puis elle a eu la maladie de Parkinson avant de décéder. Et puis j’ai vécu avec quelqu’un qui a eu de nombreux problèmes et que j’ai tenté – sans succès – de soutenir. Et depuis (en fait même pendant), mon père se laisse aller, déclinant bien plus vite que des personnes de son âge, s’éloignant de moi de plus en plus. Il n’y a plus que très peu de rapport père-fille, il y a des exigences de sa part, de nombreuses plaintes, et parfois je réponds sèchement, n’en pouvant plus. Et évidemment je me sens coupable et égoïste, ce qui n’améliore pas mon état d’esprit.

J’aspire à des moments sans aucune personne malade dans mon entourage proche. J’aspire à une légèreté d’esprit. 

Là, je fais une overdose. 

Short diary of the week (263)

Lundi: où la décision que je n’ai pas prise me donne des insomnies – ce qui est nul vu que cette décision n’était pas très importante, hésiter longuement et puis décider d’aller au garage ce matin pour retrouver ma voiture, la ramener chez moi plutôt qu’au bureau en voyant les embouteillages d’un côté et non de l’autre, finalement je m’étais quasi habituée au monstre de remplacement, aucune concentration et pourtant il faut que j’avance, une liste de tâches à faire, l’impression de ne prendre que les mauvaises décisions depuis des mois, le tour des magasins bio (il y a en 3 là où j’habite) pour trouver de la gelée royale en bouteille, un détour par le Club où j’achète deux romans – ce n’est pas cette année non plus que je n’achèterai rien de la rentrée littéraire, I’m dying up here, Anthony Bourdain Parts Unknown au Kenya (le coeur un peu serré)

Mardi: brrrrr, ajouter des choses à la liste, et en barrer plus de la moitié, une panne informatique, un mail qui me vexe un peu parce qu’il était tout à fait prévu que je l’écrive en mieux mais un peu plus tard, est-ce que je vais arriver à finir ? en fait non – surtout que j’ai légèrement mal de tête et aux sinus, mais ça va – il ne reste pas tant que ça, cuisiner un plat très facile d’inspiration cajun – je devrais noter ces recettes pour les jours sans inspiration, Better Call Saul, No Reservations au Québec

Mercredi: aïe ces mails sont uniquement en japonais, oh le mail avec les instructions était dans le courrier indésirable, le bateau est donc réservé et payé, yes ! je suis au bout des disques de Cuba après plusieurs mois de tri, maintenant commence le copier-coller, ce qui est encore plus chiant, I’m dying up here, Crazy ex-girlfriend

Jeudi: congé !, mais pas beaucoup d’énergie, un rendez-vous à la banque, du bon fromage du fromager, deux heures pendant lesquelles je ne fais pas grand chose, aller chercher mon papa pour aller chez le notaire, me rendre compte qu’il a de plus en plus de mal à marcher, rentrer vidée alors que je n’ai quasi rien fait de la journée, enfin rien pour moi, Crazy ex-girlfriend, m’endormir devant No Reservations en Suède, me mettre au lit à 9h30

Vendredi: congé !, me réveiller tôt et tenter de rester encore un peu au lit, me lever finalement à 7h40, traîner un peu mais aussi échafauder les plans pour la journée, de la couture, faire les courses, terminer la couture de la blouse – quel plaisir d’avoir acheté ce pied pour coudre les boutons rapidement, terminer mon roman, rejoindre Sylvain Chez Bichon et prendre un premier cocktail avec des tapas – Chez Bichon étant typiquement un restaurant de quartier tenu par un tout jeune couple très sympa, repartir à pied pour aller chez Copain pour la Brussels Cocktail Week, goûter aux cinq cocktails concoctés par Guillaume Leblanc du Dirty Dick de Paris – les quatre sur la carte et le spécial, rentrer légèrement ivre mais très contente de ma soirée

Samedi: des rêves bizarres, du ménage, aller manger au resto avec mon papa, rentrer repue et sans énergie mais heureuse que ça lui ait fait plaisir, une courte sieste, de la lecture, du grignotage en guise de repas léger du soir, 3:10 to Yuma (Delmer Daves, 1957)

Dimanche: une bonne nuit de repos, prête pour la zumba, ah non mes intestins ne sont pas d’accord, de la couture, acheter plein de bulbes de printemps, passer chez Gasparde qui m’a gardé un bébé pilea (et une bouteille de vermouth), cuisiner, I’m dying up here, Crazy ex-girldfriend, aïe mes intestins n’ont pas l’air d’être calmés, ça promet pour la nuit

Chroniques du désencombrement (III)

Je n’ai finalement pas autant écrit que je le pensais sur ce thème. Sans doute parce que c’est plus difficile que prévu et que je préfère oublier au plus vite. Depuis janvier, je n’ai pas beaucoup avancé dans le vidage de la maison; d’autres choses étaient prioritaires: la ranger et la mettre en vente. Ce qui est fait, avec si tout va bien une signature de compromis la semaine prochaine. J’aurai bientôt une deadline, et plusieurs rendez-vous sont déjà pris.

Mais je voulais revenir sur une histoire qui m’est arrivé hier.

Mon papa m’appelle, plus tôt que d’habitude, tout excité. Il me raconte en riant qu’il s’est disputé avec sa sœur. Elle a lui raccroché le téléphone au nez. Il faut savoir qu’elle a décidé de partir en maison de repos à l’automne et depuis, elle trie tout dans sa maison. Le seul souci, c’est qu’elle raconte tout dans les détails à mon papa et que ça a l’art de l’énerver (ça m’énerverait aussi, si j’avais ce coup de fil tous les soirs me contant le contenu du moindre carnet ou tiroir). Mais elle a raccroché quand mon papa lui a dit que c’était ridicule de vouloir faire ça soi-même, que c’était tellement plus facile de demander à d’autres personnes de trier ses affaires. Mon sang n’a fait qu’un tour mais j’ai réussi à rester calme, lui expliquant que certaines personnes ont justement besoin de faire le tri. Il n’a pas compris (ou il ne m’a pas écoutée). Et il était surtout très fier de lui et sûr d’avoir raison.

Et moi, je suis restée là, profondément vexée. Il n’a jamais trié la moindre armoire, le moindre papier, laissant tout le travail à quelqu’un d’autre. Et ce quelqu’un d’autre, moi donc, a sérieusement été frustrée de la quantité de choses à trier, sachant qu’au moins un quart du contenu de cette maison aurait pu avoir été jeté dans le passé (ces cinq machines à cafés cassées, par exemple, ou ces serviettes hygiéniques des années 70). Cela me donne presque envie d’appeler ma tante et la féliciter.

Je pense que mon papa n’a pas réalisé l’impact de ce qu’il disait. Depuis qu’il a déménagé, il a tourné la page et ne veut plus entendre parler de sa maison. Il ne veut même pas venir à la signature de la vente, alors qu’il avait décidé d’y aller au départ. Il a quelque part choisi la voie de la facilité.