Aujourd’hui, ça fait 15 ans que ma maman est décédée. Pendant des années, j’ai plus ou moins consciemment oublié la date mais quand on a commémoré le tsunami de 2004 en décembre, j’ai su que je ne pourrais pas masquer ce fait. Ma maman a eu toute sa tête jusqu’au 24 décembre, le jour de son anniversaire. La nuit, elle est tombée et a été hospitalisée, et est devenue complètement confuse. Elle n’a jamais réalisé que le tsunami a eu lieu, et ça m’a marquée. Elle a passé les derniers mois de sa vie en maison de repos, sans nous reconnaître, mon papa et moi. Avant-hier, j’ai été vérifier sa date de décès sur le faire-part, je me souvenais que c’était quelque part à la mi-mars mais je n’étais plus sûre de la date.
Ce 24 décembre, elle a fait promettre à mon compagnon de l’époque (que j’avais rencontré six mois plus tôt) de bien s’occuper de moi. Je comprends pourquoi elle l’a fait, j’aurais préféré qu’elle ne le fasse pas, ça s’est en partie retourné contre moi. « J’ai promis à ta maman, je ne peux pas te quitter » Et puis aussi, j’ai eu droit à plein de commentaires du genre « Depuis qu’elle est décédée, tu n’es plus la même, tu as changé ». Je suis sûre que si elle avait vécu plus longtemps, ma vie aurait été différente; elle m’aurait écoutée et peut-être poussée à prendre des décisions difficiles. Même si, je dois bien l’avouer, nos relations ont souvent été conflictuelles, mais elles étaient en passe de se résoudre. Elle a toujours voulu le meilleur pour moi, mais au point d’imposer ses propres désirs et angoisses (je devais épouser un avocat ou un médecin, apprendre à jouer du tennis, faire de bonnes études, elle s’était fâchée quand j’avais trouvé un boulot un mois après la fin de mes études – je n’allais quand même pas aller travailler chez ces « socialistes »…). Mais entre temps, j’étais devenue adulte et elle avait compris que j’avais trouvé une voie qui me convenait, malgré ses réticences.
Je me doute bien qu’elle n’aurait jamais atteint les 88 ans qu’elle aurait eu aujourd’hui, mais j’aurais aimé pouvoir me confier à elle un peu plus longtemps. Depuis son décès, j’ai été à la recherche de quelqu’un qui pourrait un peu jouer ce rôle de « maman » mais personne n’a pris le relais. Ma belle-mère de l’époque n’était pas du tout maternelle / maternante, et la nouvelle compagne de mon papa a tout simplement refusé de partager la moindre intimité, même quand mon père lui a demandé de le faire. Ma maman me manque, encore aujourd’hui.
Je me souviens que le jour où elle est décédée, il faisait froid et gris; l’hiver avait été long et sombre. Le jour de son enterrement, le printemps a commencé. Aujourd’hui, la météo est encore changeante mais les prochains jours s’annoncent très cléments.