La carte du monde invisible

Tash Aw, La carte du monde invisible: Indonésie, années 1960. Agé de 16 ans, Adam assiste à l’enlèvement de son père adoptif par les soldats de Soekarno. Il part à sa recherche à Jakarta où il est recueilli par Margaret, une américaine travaillant à l’université et qui a connu son père. Mais la période est troublée, et Adam se laisse embobiner par Din, un étudiant qui veut déstabiliser le pouvoir. Celui-ci lui promet en effet de partir à la recherche de son frère, Johan qui a été adopté avant lui par une famille de Kuala Lumpur. Tash Aw, un auteur né à Taipei mais ayant vécu en Malaisie avant de s’installer à Londres, raconte une histoire – certes – mais c’est aussi pour lui un moyen de décrire l’Indonésie: une petite île perdue à l’apparence paradisiaque contraste très fortement avec le chaos et la poussière de Jakarta, mégalopole polluée et embouteillée, déjà dans les années 1960. Il accorde également beaucoup d’importance au climat, à la chaleur étouffante, à la pluie tropicale qui mouille tout en un rien de temps, à la moiteur, à l’humidité. Les éléments rythment et habillent le récit, que certains pourraient trouver un peu long et un peu étiré. Ce n’est pas mon cas, justement grâce à une description si détaillée des ambiances locales qui m’ont immergée dans ce grand pays.

Un livre lu dans le cadre de « Lire le monde« , une activité organisée par Sandrine, pour la Malaisie, voire Taiwan.

Chronique japonaise

Nicolas Bouvier, Chronique japonaise: sans les activités organisées par Lire le monde, je n’aurais sans doute pas continué ma lecture des Œuvres de Nicolas Bouvier. J’avais acheté ce gros volume il y a une dizaine d’années suite à la sortie du disque Poussières et musiques du monde qui reprenait ses enregistrements de terrain. A vrai dire, à l’époque, seul L’usage du monde m’avait intéressée (et passionnée) et je n’avais pas envisagé de lire les autres récits rassemblés dans ce lourd pavé peu pratique à emporter. Entre temps, j’ai voyagé au Japon et au Sri Lanka; j’ai donc choisi de lire Chronique japonaise (j’aurais aussi pu lire Le Poisson Scorpion).

Dans ce récit, Nicolas Bouvier parle de deux voyages au Japon, un premier en 1955-56, juste après son séjour désastreux à Ceylan et un second en 1964-65, avec son épouse Eliane et son fils. Il retrace d’abord l’histoire du pays puis raconte quelques épisodes de son voyage, des épisodes très épars, aux ambiances très différentes. D’abord son séjour à Araki-Cho, un quartier de Tokyo, et son immersion dans la vie du quartier, puis un périple dans le nord, sur l’île d’Hokkaido, à la rencontre des Aïnous. L’ensemble est fort décousu, mais peu importe, c’est l’écriture qui compte, une écriture poétique qui emporte le lecteur à la découverte intime d’un peuple. Une écriture qui m’a convaincue que je ne dois plus abandonner ce gros pavé aussi longtemps et que je dois continuer mes lectures de Nicolas Bouvier. Une écriture qui m’a également donné envie de relire L’usage du monde qui parle de ces périples sur la route de l’Asie que les anglophones ont surnommé « Hippie trail » – un sujet qui me passionne.

J’en ai profité pour regarder deux documentaires (l’avantage de travailler dans une médiathèque). 22 Hospital Street se base essentiellement sur le séjour de Nicolas Bouvier à Ceylan (après sa traversée du Moyen-Orient et de l’Inde) et sur ses neufs mois de réclusion à Galle, luttant contre diverses maladies. Il a relaté ce séjour dans Le poisson-scorpion, un récit qu’il n’a pas eu la force d’écrire de suite mais qui a attendu les années 1970. Un documentaire passionnant (si on oublie les images d’horribles bestioles en gros plan), avec des témoignages de personnes qui l’ont connu. Le hibou et la baleine m’a moins intéressée mais il donne l’occasion d’entendre parler l’auteur et montre des documents d’archive.

Lu dans le cadre de l’activité Lire le monde organisée par le blog Tête de Lecture – pour la Suisse.

La supplication

51n3uxdbjrl-_sx307_bo1204203200__zpsf4mhpuc7Svetlana Alexievitch, La supplication: enquête sur la catastrophe de Tchernobyl, La supplication est construit de la même manière que La fin de l’homme rouge qui m’a profondément marquée. Svetlana Alexievitch, écrivain et journaliste biélorusse, a interrogé des survivants, des liquidateurs, des enfants, des hommes, des femmes. Ils racontent les premiers jours après la catastrophe, le manque d’informations, le « nettoyage », l’obéissance aveugle aux ordres si typiques d’un pays communiste, le désir de servir la patrie, l’ignorance… Ces voix donnent une image bien différente des faits et de la vie sur place – c’était une période importante pour les cultures et les semailles et il fallait respecter le plan – l’évacuation a donc inquiété les agriculteurs pour des raisons qui ne sont pas les bonnes. La supplication nous rapproche des gens qui ont vécu la catastrophe, nous fait partager leurs vies, mais en tournant la dernière page, j’aurais aimé en savoir plus, avoir une idée de la vie actuelle de ces personnes. La fin de l’homme rouge est à ce niveau un travail de bien plus grande envergure mais La supplication est sans doute un premier essai dans le genre et garde tout son intérêt.

J’ai lu ce livre en même temps qu’Ingannmic, déjà ma compagne de lecture pour La fin de l’homme rouge. Ce livre entre également dans le cadre de « Lire le monde » pour la Biélorussie.

Book_RATING-35

Big Daddy

9782253098904-001-t_zpsnmisl9aaChahdortt Djavann, Big Daddy: Rody raconte sa vie à son avocate commise d’office, Nikki, une iranienne-américaine. Il est emprisonné à perpétuité (un des rares mineurs dans ce cas) pour avoir tué Big Daddy et deux de ses comparses. Celui-ci l’avait sorti de la rue à l’âge de 10 ans et pris sous son aile, le préparant à une vie de criminel et à la vie d’adulte. Mais à sa manière: il lui paie une prostituée pour qu’il devienne un homme, il l’oblige à assister à des meurtres qui ressemblent plus à des séances de haine et de torture. Parallèlement, l’avocate parle de sa vie et se raconte à Rody. La quatrième de couverture en dit beaucoup plus, beaucoup trop (elle raconte toute la première partie qui couvre les 3/4 du roman). C’est en voulant participer au challenge « Lire le monde » que j’ai choisi ce livre (de plus, c’était le seul de cet auteur disponible dans la librairie assez basique de mon quartier). Mais quelque part, il m’a laissée sur ma faim pour des raisons qui ne sont pas liées au roman: je me disais qu’en participant au challenge, cela me permettrait de découvrir d’autres auteurs mais surtout d’autres cultures. Or, malgré le fait que l’auteur soit iranienne, l’histoire se déroule aux Etats-Unis, sur le modèle de polars américains. Il y a quelques liens avec l’Iran mais ils sont fort limités, influant peu sur l’histoire (un peu quand même). Tout ça pour dire que j’ai eu du mal à apprécier ce roman parce que mes attentes étaient trop différentes. J’ai sélectionné un autre roman qui devrait satisfaire un peu mieux mes envies de découverte du monde, mais ce sera pour plus tard.

Un livre lu dans le cadre de « Lire le monde » pour l’Iran (quoique).

Book_RATING-30

Russendisko

41xebknscrl_zpspcxsp52wWladimir Kaminer, Russendisko: c’est le titre de ce livre qui m’a attirée en magasin: le Russendisko est cette musique jouée par les DJ russes dans les boîtes de Berlin – et en effet, Wladimir Kaminer est un de ces DJ, en plus d’être écrivain. Mais rien de cela n’est abordé dans ce récit: il s’agit plutôt de bribes de vies au début des années 1990. Il raconte l’arrivée à Berlin, la vie dans les quartiers d’immigrés et dans l’ex-Berlin-Est. Il brosse le portrait d’une ville et de ses habitants, racontant des anecdotes – du téléphone rose russe aux Grecs parlant Italien parce qu’ils tiennent une pizzeria. C’est le petit nombre de pages qui m’a poussée à terminer le livre. En fait, je n’y ai pas trouvé ce que je pensais y trouver, pas de roman sur un DJ, pas de roman sur la musique. Ce n’était pas désagréable, il y a même beaucoup d’humour et de dérision, et c’est au final un instantané d’une époque déjà révolue et une collection d’anecdotes sur la vie d’un émigré russe à Berlin.

Un livre qui rentre dans le cadre du challenge “Lire le monde” pour la Russie.

Book_RATING-25

 

Disparitions

9782264037084_zpsr99y6kqfNatsuo Kirino, Disparitions: la petite Yuka disparaît un matin de la maison où elle passe ses vacances sur l’île d’Hokkaido. Pour Kasumi, sa maman, commence alors une lente dérive et la recherche inlassable de sa fille. Mais bien plus que cette disparition, Natsuo Kirino raconte la vie de Kasumi, son enfance, sa fugue à 18 ans pour rejoindre Tokyo, son mariage… Ce roman n’est pas vraiment un polar mais le portrait d’une femme, ainsi que le portrait de certaines personnes qu’elle rencontre (avec quelques longueurs). A part cette réticence, je me suis plongée avec plaisir dans la description de Tokyo et de l’île d’Hokkaido, dans la narration de la société japonaise et de ses convenances qui semblent souvent restrictives à l’œil d’un Européen et dans le portrait de cette femme rongée par la culpabilité. Un roman agréable à lire mais un peu trop long à mon goût.

PS1: la traduction m’a semblé très fluide mais deux mots m’ont dérangée: « kermesse » (festival aurait été plus approprié) et « coron », un mot pour un paysage typiquement franco-belge il me semble.

PS2: l’édition actuelle est dans une collection polar, ce que ce roman n’est pas. Et la quatrième de couverture de cette édition raconte apparemment des balivernes.

Un livre qui rentre dans le cadre du challenge “Lire le monde” pour le Japon.

Book_RATING-30

Het smelt

het-smelt-lize-spit-boek-cover-9789082410617_zpslsxpg7hcLize Spit, Het smelt: je me laisse rarement tenter par la littérature flamande et pourtant, il y a beaucoup d’auteurs à découvrir. Dans ce cas, c’est l’abondance d’articles dans la presse et certains titres accrocheurs qui ont attiré mon attention. Premier roman d’une jeune romancière, Het smelt (« ça fond ») raconte l’histoire d’Eva, jeune fille habitant aujourd’hui à Bruxelles et qui revient dans son village natal pour une commémoration. L’année de sa naissance, il n’y a eu que deux autres bébés, des garçons, avec qui elle passera son enfance en partageant divers jeux. Mais avec la puberté, leurs relations changent et Eva doit s’adapter si elle ne veut pas perdre ses amis. Les chapitres alternent moment présent, passé et un certain été 2002, pendant lequel tout a basculé. Le récit nous met en haleine car dès le début, le lecteur sent que cela va mal tourner. C’est en même temps le portrait d’une petite communauté villageoise flamande, avec ses commerces, son école et des familles aux problèmes divers. C’est un livre assez cru, qui décrit les choses telles qu’elles sont, dans toute leur horreur et qui pourtant semble si terre à terre. J’ai la forte impression que ce livre sera traduit dans de nombreuses langues et interpellera les lecteurs non néerlandophones.

Un livre qui rentre dans le cadre du challenge « Lire le monde » pour la Belgique.

Book_RATING-40

Lire le monde

Je n’ai pas vraiment besoin d’aide pour agrandir ma PAL toute seule mais j’aime aussi les projets qui me donnent de nouvelles idées de lectures. Je me suis déjà ralliée au « 50 novels for 50 states » mais je suis également inspirée par « Lire le monde« , une idée lancée par Sandrine. Je me suis rendue compte que ces dernières années, j’ai lu peu de littérature étrangère autre que l’américaine et j’ai envie d’étendre mes horizons. « Lire le monde » propose justement de se pencher sur des littératures moins connues, certaines même complètement exotiques. Il y a moyen de participer aux lectures communes ou tout simplement de parler de livres d’auteurs originaires des pays cités. J’ai raté l’Inde et le Pakistan qui m’attiraient; la République Tchèque et la Slovénie me tentent moins. Ces dernières semaines, j’ai quand même lus quelques livres qui entrent dans le cadre du challenge. Je publierai les comptes-rendus dans les prochains jours ou semaines, avec le tag « Lire le monde » et je créerai sans doute une page spéciale dans le futur. Si vous voulez participez, prévenez Sandrine sur son blog ou faites une demande via le groupe Facebook.