People from my Neighbourhood

Hiromi Kawakami, People from my Neighbourhood: ce roman est composé de 26 courtes histoires, de quelques pages, décrivant divers personnages d’une petite ville imaginée japonaise, dans leur vie quotidienne. Il y a des enfants, des collégiennes, des adultes, des étrangers… Dès le début, on sent qu’il y a quelque chose d’étrange, et cette étrangeté s’accentue au fil des pages pour créer des récits qui touchent au loufoque et au grotesque. Voilà, j’ai dit le mot qu’il ne fallait pas. Dès qu’il s’agit de grotesque, je bloque complètement, et si j’ai aimé les incongruités du début, j’ai eu plus de mal avec le surréalisme de la fin. Le livre n’est pas très long, c’est pour ça que je l’ai terminé. Et puis je voulais aussi tester les traductions en anglais de romans japonais, et ici, il n’y a rien à redire: le style est très fluide et très agréable à lire. Est-ce que je vais encore lire cet autrice ? Je suppose que je vais encore lui donner une chance malgré ce premier essai pas trop convaincant. Malgré tout, en terminant ma lecture, je lui ai mis une note de 3/5 alors que mon commentaire ci-dessus laisserait présager une note plus basse – peut-être aussi parce que j’adore la couverture.

Edit: en ajoutant les tags, j’ai vu que celui d’Hiromi Kawakami existait déjà, et en effet, j’ai lu et aimé un roman d’elle en 2015, Cette lumière qui vient de la mer. Cela confirme mon envie d’explorer les livres de cette autrice.

Hiromi Kawakami, People from my Neighbourhood, Granta Books, 2020, 121p. (traduction par Ted Goossen)

Celle de l’autre rive

Mitsuyo Kakuta, Celle de l’autre rive: Sayoko est la maman d’une petite fille de trois ans dont elle s’occupe à plein temps. Elle est fatiguée de sa vie de femme au foyer et d’une timidité maladive; elle n’arrive pas à avoir des contacts avec les autres mamans qu’elle rencontre aux aires de jeux. Elle décide de chercher du travail et rencontre Aoi qui l’engage dans son entreprise de voyage et de nettoyage. Les deux femmes se rapprochent et Sayoko se sent enfin appréciée. Parallèlement, l’autrice raconte le passé d’Aoi. Adolescente, celle-ci était persécutée par ses camarades de classe et ses parents ont déménagé pour qu’elle puisse continuer à étudier dans une nouvelle école. Elle y rencontre Nanako qui l’accepte de suite comme sa meilleure amie, mais leurs aventures vont prendre un tournant assez sombre.

Mitusyo Kakuta met en scène la condition féminine au Japon, décrivant les femmes au foyer enfermées dans le quotidien répétitif, au service de leur mari (et critiquées par leur belle-mère). Elle parle aussi des groupes qui se forment, des cliques d’adolescentes qui critiquent les autres filles au moindre prétexte, les excluant et les bannissant psychologiquement des classes. En parallèle, elle montre comment ces schémas se reproduisent lors de la vie d’adulte. Tous ces sujets sont très intéressants mais le roman n’est pas agréable à lire. L’écriture est froide, maladroite par moments, et je n’ai pris aucun plaisir à ma lecture. De plus, je n’ai rien compris au fait que l’agence de voyages d’Aoi devient aussi une entreprise de ménage. Dommage pour la forme, parce que le fond avait un certain potentiel.

Mitsuyo Kakuta, Celle de l’autre rive, Actes Sud, 2008, 286p. (traduction par Isabelle Sakai, première édition de 2004)

Inheritors

Asako Serizawa, Inheritors: construit sous forme de nouvelles, Inheritors est malgré tout un roman à part entière. Un arbre généalogique au début du livre permet de situer les personnages, tous descendants d’un couple japonais qui a vécu à la fin du 19e siècle et au début du 20e siècle. Ces nouvelles balaient l’histoire, de l’immigration japonaise aux Etats-Unis à la Seconde Guerre mondiale, jusqu’à un futur proche. Les récits autour de la guerre sont tout particulièrement passionnants, mettant en avant le point de vue des perdants, tout en nuances. En fait toute la première moitié du livre est intéressante, avec une grande variation de styles et de points de vue, mais au deux-tiers, le ton change, et les dernières nouvelles sont plus des exercices de style qu’un récit de la vie des personnages. L’auteur l’explique d’ailleurs dans la postface, citant ses sources. Elle fait par exemple toute une analyse d’un roman de Borgès, lu et expliqué par les deux protagonistes (je ne lis pas un roman pour lire une étude sur un autre roman – que je n’ai pas lu en plus). Et quand elle rentre dans le monde futur, elle décide d’en parler sous forme d’un métavers. J’ai adoré le début, j’ai détesté la fin. Dommage qu’il y ait une telle disparité dans ces textes.

Asako Serizawa, Inheritors, Doubleday Books, 2020, 288p. (pas de traduction française)

The Aosawa Murders

Riku Onda, The Aosawa Murders: dans les années 1960, 17 personnes sont tuées par empoisonnement au cyanure lors d’une fête de famille. Seule Hisako, à ce moment là adolescente et aveugle, échappe au poison et survit. Aurait-elle pu commanditer ces meurtres ? Le roman est construit sous forme d’une recherche trente ans après les faits, et l’auteur (un auteur fictif, pas l’autrice du livre) transcrit les interviews de diverses personnes qui ont été proches ou plus lointaines de la famille et se penche tout particulièrement sur une amie d’Hisako qui était là le jour du meurtre et qui dix ans plus tard a elle-même effectué des recherches qu’elle a édité dans un livre devenu un best-seller à l’époque. Riku Onda construit son roman en dévoilant de nouveaux éléments à petites doses, choisissant particulièrement bien qui elle met en scène et à quel moment pour garder le suspense jusqu’au bout.

J’ai trouvé sa manière de faire assez intéressante, et les différents formats des témoignages des personnages très divers apportent une certaine variété, y compris dans l’écriture (qui n’est pas aussi « plate » que dans d’autres romans japonais). Elle décrit une petite ville au bord de la mer du Japon, juste désignée par la lettre K – comme elle parle du jardin très connu, et étant l’un des plus beau du Japon, ainsi que du château, je me suis imaginée qu’il s’agissait de Kanazawa et j’ai pu me mettre des images assez précises en tête. Mais au final, j’ai trouvé le récit un peu long, et la conclusion un peu confuse – ce qui était sans doute voulu. J’ai pourtant ralenti ma lecture pour être sûre de bien tout comprendre, mais j’ai dû rater quelque chose – ou pas.

Riku Onda, The Aosawa Murders, Bitter Lemon Press, 2020, 315p. (traduction par Alison Watts, première édition en japonais en 2005)

Les miracles du bazar Namiya

Keigo Higashino, Les miracles du bazar Namiya: après avoir commis un délit, trois jeunes délinquants se réfugient dans une maison abandonnée, l’ancien bazar Namiya. Au cours de la nuit, des choses étranges se passent: le temps a l’air de passer plus lentement à l’intérieur du bâtiment, et les jeunes hommes reçoivent une lettre du passé, demandant des conseils. Ils vont se prendre au jeu et répondre, déposant la lettre dans la boîte à lait à l’arrière de la boutique, comme le faisait l’ancien propriétaire. Ils se retrouvent entraînés dans une histoire qui les relie au passé et à des personnes très diverses.

Ce livre, beaucoup de gens l’ont adoré, la cote de 4,45 sur goodreads ne ment pas. J’en attendais donc beaucoup mais au fil des pages, j’ai été déçue. Je ne suis jamais rentrée dans la magie de l’histoire et je n’ai pas accroché aux personnages très divers. L’auteur laisse le doute planer pendant longtemps et donne l’impression d’écrire des nouvelles; des liens se créent cependant au fur et à mesure qu’on avance dans la lecture. L’écriture est simple, très plate, comme souvent dans des traductions du japonais, mais je m’y attendais. Ce n’est donc pas ça qui m’a dérangée. C’est plutôt un rendez-vous manqué, je crois, peut-être lié au fait que je venais de lire un excellent roman à l’écriture assez exceptionnelle.

Keigo Higashino, Les miracles du bazar Namiya, Actes Sud, 2021, 384p. (traduction du japonais par Sophie Refle, première édition de 2012)

Stranger in the Shogun’s City

Amy Stanley, Stranger in the Shogun’s City: A Japanese Woman and Her World: Japon – première moitié du 19e siècle. Fille d’un prêtre bouddhiste d’un petit village à l’ouest du Japon, Tsuneno était vouée à une vie tranquille d’épouse, proche de sa famille. Mais après trois mariages arrangés et trois divorces, elle n’en peut plus et décide d’aller à la capitale, Edo (la future Tokyo), à un mois de marche de là. Elle y entame une nouvelle vie, pour la plus grande partie dans la pauvreté et au service de divers nobles de la capitale.

Cette histoire pourrait être celle d’un roman, mais ce n’est pas le cas. Amy Stanley, spécialiste de l’histoire sociale du Japon, a retrouvé des archives, les lettres que Tsuneno a envoyé à sa famille, mais aussi celles de son frère, de sa mère et d’autres personnes. Elle nous raconte donc une histoire vraie, et fait le portrait de toute une société à une époque donnée. Elle explique la vie d’une femme, ses joies et ses peines, mais aussi son rôle parfois limité à celui d’un objet ou presque, qu’on peut renvoyer à sa famille si le mariage ne convient pas (si par exemple, elle n’arrive pas à avoir des enfants ou a un caractère trop marqué) – le divorce était courant et très facile à obtenir. Dans la seconde partie, Stanley décrit aussi une ville, Edo, à une époque où les shoguns ont encore tout le pouvoir, juste avant que le pays ne soit forcé à s’ouvrir au monde. Elle parle des grandes demeures et du petit peuple qui vit et survit sur place, elle détaille le fonctionnement du théâtre kabuki et des quartiers de plaisir, elle nous emmène dans les temples. C’est le portrait d’une ville qui n’existe plus, ravagée par les nombreux incendies de l’époque puis rasée par le grand tremblement de terre de 1923 et par les bombes de la Seconde Guerre mondiale.

Si l’histoire de Tsuneno est au final assez ténue, ce livre est surtout intéressant pour la description de la vie quotidienne au Japon, à Edo, pendant la première moitié du 19e siècle, avant que de grands changements ne surviennent. Je me suis parfois un peu perdue dans les nombreuses descriptions, et les nombreuses suppositions d’Amy Stanley quant à la vie de Tsuneno montrent que les documents de base, les lettres, n’apportaient que des bribes d’histoire. Mais ce livre reste malgré tout un portrait passionnant d’une époque, vue de l’intérieur, par une femme. Je dirais que mon erreur a été d’entamer ce livre comme un roman plutôt que comme un livre d’histoire et j’ai parfois été un peu frustrée par mon rythme de lecture assez lent.

Encore un livre donc pour le challenge « Sous les pavés, les pages » organisé par Athalie et Ingannmic, à propos de Tokyo cette fois-ci.

Amy Stanley, Stranger in the Shogun’s City: A Japanese Woman and Her World, Scribner, 2020, 352p. (non traduit).

People Who Eat Darkness

Richard Lloyd Parry, People Who Eat Darkness: The True Story of a Young Woman Who Vanished from the Streets of Tokyo – and the Evil That Swallowed Her Up: au début de l’été 2000 disparaît à Tokyo la jeune Lucy Blackman. Anglaise, grande, blonde, elle s’était rendue au Japon pour gagner rapidement de l’argent (elle avait des dettes) en devenant hôtesse de bar. Elle était accompagnée par sa meilleure amie qui sonne de suite l’alarme – ce n’était pas normal que Lucie ne donne subitement plus de nouvelles, surtout qu’elles s’étaient appelées régulièrement tout l’après-midi du jour de sa disparition. La police traîne à commencer l’enquête tandis que la famille se démène et multiplie les conférences de presse.

A cette époque, Richard Lloyd Parry travaille à Tokyo comme journaliste (un peu comme Jake Adelstein de Tokyo Vice) et se passionne pour l’affaire, qu’il finira par suivre jusqu’à son dénouement et qui l’inspirera pour écrire ce livre. Il a beaucoup à raconter, et si les détails du monde des hôtesses de bar sont intéressants, il y en a bien d’autres qui sont un peu superflus. Il explique avec minutie la vie de tous les membres de la famille de Lucie et décrit toutes leurs actions au Japon et en Angleterre. Peut-être que c’est une manière de compenser le fait qu’on ne sait pas grand-chose sur le coupable ? Il s’intéresse aussi au fonctionnement de la police locale (on ouvre de grand les yeux à certains moments) et explique comment le poids des traditions a causé un certain immobilisme; il décrit aussi le système de la justice, bien différent de celui du monde occidental. Il y a donc des parties très intéressantes dans le livre, et l’histoire de Lucie est tragique, mais une centaine de pages en moins aurait sans doute resserré un peu l’intrigue.

Une idée piochée chez Electra, qui a adoré.

En le commençant, je pensais que ce live pourrait s’intégrer dans le challenge « Sous les pavés, les pages » organisé par Athalie et Ingannmic mais la ville de Tokyo n’est que très peu décrite (à part le quartier de Roppongi, et encore) et ne joue pas le rôle principal dans le récit.

Richard Lloyd Parry, People Who Eat Darkness: The True Story of a Young Woman Who Vanished from the Streets of Tokyo – and the Evil That Swallowed Her Up, Fsg Originals, 2012 (première publication, 2010 – en français: Dévorer les ténèbres), 454p.

Dejima

Stéphane Audeguy, Dejima: c’est l’histoire de trois femmes, Mabel, la jeune américaine en voyage de noces en 1902 à Kyoto, Kinoko, la petite japonaise recueillie par Mabel juste après la Seconde Guerre mondiale à Tokyo, et Alice, jeune française qui suit son amoureux venant présenter une conférence sur l’art contemporain à Naoshima. C’est un récit très sensible, où les femmes répondent à un grand désir de liberté, s’enfuyant et tournant le dos aux convenances. Parfois quelques éléments fantastiques viennent s’immiscer dans l’histoire (mais de manière très naturelle).

C’est aussi une histoire du Japon au 20e siècle, l’auteur entrecoupant ses chapitres par des pages décrivant divers événements importants, toujours en lien avec le récit (la bombe atomique, les Jeux Olympiques de 1964, la création des musées sur les îles de la Mer Intérieure…). C’est donc un livre de fiction et de non-fiction à la fois, même si la fiction l’emporte sur la réalité. J’ai adoré les deux premières parties – vraiment – mais j’ai été un peu déçue par la troisième qui ressemble plus à un récit de voyage. C’est comme si elle avait été écrite en premier et que l’auteur a ensuite laissé libre cours à son imagination pour le reste du livre. Mais je reste malgré tout très contente de ma lecture (j’ai avalé les pages en deux jours) et j’ai beaucoup souri avec les quelques piques lancées vers le milieu de l’art contemporain.

Stéphane Audeguy, Dejima, Seuil, 2022, 284p.

Everyday Harumi

Harumi Kurihara, Everydy Harumi. Simple Japanse Food for Family & Friends (2009): Harumi Kurihara, très connue au Japon, a voulu écrire un livre pour un public non-japonais, suite à une expatriation en Grande-Bretagne. Elle a rassemblé des recettes faciles à préparer, en utilisant des ingrédients qui se trouvaient (en 2009) en supermarché (ou parfois dans des épiceries plus spécialisées). Elle explique comment elle a conçu ce livre dans l’introduction et présente les principaux ingrédients, puis passe aux recettes, précédées de quelques mots explicatifs. Celles-ci sont classée par type d’ingrédient principal (boeuf, poulet, riz, miso, aubergine….). J’ai acheté ce livre il y a longtemps, et je n’ai jamais préparé grand-chose à l’époque. En le ressortant pour le lire (depuis, je me suis plongée dans la cuisine japonaise avec plein d’autres livres), je me rend compte que le résultat est le même. En fait, les plats sont trop simples, même pour de la cuisine de tous les jours. Il y en a bien quelques-uns qui sont tentants, mais je préfère soit la cuisine un peu fusion de Tim Anderson, soit la tradition de Nancy Singleton Hachisu.

  • photos: **** (toutes les recettes illustrées)
  • texte: *** (chaque plat est présenté et il y a une introduction générale sur les ingrédients, mais pas la cuisine)
  • originalité des recettes: **
  • authenticité des recettes: **** (je pense que c’est assez authentique, juste très simple)
  • faisabilité des recettes: *****
  • mesures: unités de mesures métriques
  • recettes favorites: « Japanese tsukune with teriyaki sauce », « Green beans with minced pork »
  • indispensabilité du livre: **

Bonne nuit Tôkyô

Yoshida Atsuhiro, Bonne nuit Tôkyô: en lisant la quatrième de couverture de ce roman japonais, on a un léger sentiment de déjà-vu: serait-ce une histoire sur le même thème que La cantine de minuit, mais vu par un chauffeur de taxi ? Oui et non: ça se passe en effet la nuit à Tokyo, et on y rencontre divers personnages un peu farfelus, comme cette voleuse de nèfles, ce brocanteur qui n’ouvre son magasin que la nuit, ce détective qui chercher à voir les films dans lesquels son père a joué, cette accessoiriste pour le cinéma à la recherche d’objets divers, cette téléphoniste dans un call-center… Au fil des chapitres, l’auteur raconte leurs histoires, qui vont finir par se croiser; certains vont même se rencontrer dans la cantine préférée du chauffeur de taxi.

C’est plaisant à lire – heureusement qu’il y a les quelques éléments bizarres pour pimenter un peu l’histoire – mais ce n’est pas non plus passionnant. C’est un livre qui permet de passer quelques heures à Tokyo pour se distraire et s’évader un peu, sans se prendre la tête.

Yoshida Atsuhiro, Bonne nuit Tôkyô, Editions Picquier, 2022 (traduction de Catherine Ancelot)