At the movies – 33 (1930s)

Le roman d’un tricheur, Sacha Guitry

Dodsworth, William Wyler (1936) – 4/5: Samuel Dodsworth (Walter Huston) prend sa retraite après une carrière très réussie dans l’industrie de l’automobile. Il décide avec son épouse Fran (Ruth Chatterton) de faire un voyage en Europe. Cette dernière est beaucoup plus jeune que lui (elle a la quarantaine) et se laisse courtiser par divers hommes sur le bateau et à Paris, oubliant totalement son mari. Au début, Sam subit cette situation mais au fil du temps, il décide de ne plus se laisser faire par cette épouse très superficielle. L’histoire est intéressante, même si c’est la femme qui a le mauvais rôle, et j’ai aimé le fait que les protagonistes voyagent, allant des Etats-Unis en Europe (en prenant le Queen Mary), à Paris, à Vienne, à Naples. Il n’y a pas de moments creux et le caractère des personnages évolue au fil du temps.

Fury, Fritz Lang (1936) – 4/5: ce qui commence comme une comédie romantique se transforme en film très violent, impliquant lynchage, désir de vengeance et procès. Joe Wilson est arrêté alors qu’il rejoint sa bien-aimée, et accusé à tort d’un kidnapping. La communauté locale se révolte et veut le lyncher, mettant le feu à la prison. La seconde partie du film montre le procès contre les 22 responsables principaux du lynchage. C’est le premier film américain de Fritz Lang, mais on y retrouve certains éléments des films allemands, les gros plans, le rythme, le procès filmé. Avec Spencer Tracy et Sylvia Sydney, et Franz Waxman pour le score.

Follow the Fleet, Mark Sandrich (1936) – 3/5: un agréable divertissement avec Fred Astaire et Ginger Rogers, avec évidemment de belles scènes dansées. Pour le reste, le film a pas mal de défauts: un scénario un peu alambiqué, Fred Astaire qui joue mal ce rôle de marin censé être très masculin, et puis cette scène dérangeante aujourd’hui où on dit à la brune au look d’institutrice qu’elle ferait mieux de jouer la blonde idiote pour plaire aux hommes.

Camille, George Cukor (1936) – 2/5: une adaptation de La dame au camélias, encore un classique que je ne connaissais pas. L’histoire m’a ennuyée (je sais aussi pourquoi je n’ai jamais lu Alexandre Dumas, il ne m’inspire pas du tout), et je me fatigue de Greta Garbo qui joue quand même souvent de la même manière, même si ce rôle est considéré comme son meilleur.

Le roman d’un tricheur, Sacha Guitry (France, 1936) – 3/5: un film un peu bizarre mais intéressant en fin de compte pour sa liberté de ton et de conception. Il est tourné quasi tout le temps comme un film muet avec une voix off qui raconte ce qui se passe, le générique de début est parlé, présentant tous les acteurs, et il change beaucoup d’endroit, de Monaco à Paris en passant par Biarritz. Un homme (joué par Sacha Guitry lui-même) raconte sa vie, comment elle a complètement changé après un repas de champignons et comment il est de devenu tricheur dans les jeux de cartes au casino – j’ai pensé à The Card Counter.

J’ai tenté de revoir Modern Times de Charlie Chaplin mais j’ai arrêté le film après 5 minutes (en plus le dvd était rayé), je me suis dit que mon visionnage dans les années 1990 ferait l’affaire. Certains classiques sont devenus trop classiques et je n’ai plus envie de les voir si je ne les aime pas plus que ça.

Partie de campagne, Jean Renoir (France, 1936) – 3/5: Jean Renoir a tourné ce film pendant l’été 1936 mais a été interrompu par les conditions météo. Il ne l’a jamais achevé et il est finalement sorti en 1946, ne comptant que 40 minutes. Basé sur une histoire de Guy de Maupassant, il conte l’excursion d’une famille de commerçants parisienne en bord de rivière en plein été 1860, pour un pique-nique. Deux hommes locaux sont de suite intéressés par Henriette et sa mère et leur proposent une promenade en barque. J’ai eu du mal avec la réaction d’Henriette quand dans un premier temps elle refuse les approches du canotier, puis accepte quand même et se laisse aller, mais c’est sans doute une réaction liée à mon époque. A part ça, le film fait clairement penser aux tableaux des peintres de la fin du 19e siècle.

The Prisoner of Shark Island, John Ford (1936) – 2/5: le docteur Samuel Mudd est accusé d’avoir aidé John Wilkes Booth à fuir après avoir assassiné Lincoln. Il est sommairement jugé et envoyé en prison dans une îles aux eaux infestées de requins. Sa femme tente de le libérer mais c’est finalement grâce à sa lutte contre une épidémie de fièvre jaune qu’il pourra rejoindre sa famille. C’est basé sur une histoire vraie, mais le film insiste sur l’innocence de Mudd alors que dans les faits, elle n’a jamais été prouvée. Si John Ford a l’art de filmer, avec des jeux d’ombres et lumières, il perpétue cependant le racisme ambiant de l’époque: les Noirs sont montrés comme de grands enfants qui ont besoin de l’aide paternaliste des Blancs, perpétuant le système de l’esclavage même s’il vient d’être aboli. Et puis, c’est un film avec un procès et des scènes de prison, le genre de choses que je préfère éviter en temps normal.

At the movies – 28 (1930s)

Elsa Lanchester et Boris Karloff dans Bride of Frankenstein (via wikipedia)

The Man Who Knew Too Much, Alfred Hitchcock (Royaume-Uni, 1934) – 3/5: si on oublie que la version en dvd que j’ai vue était de qualité merdique, avec des sous-titres pour juste un tiers des dialogues, The Man Who Knew Too Much reste malgré tout un bon film de suspense dans lequel on voit la patte d’Alfred Hitchcock, notamment dans le montage parfois surprenant. Le couple Lawrence se voit mêlé contre son gré à une sombre histoire d’espionnage pendant leur séjour aux sports d’hiver à St. Moritz et leur fille est kidnappée. La suite de l’action se déroule à Londres et implique un méchant qui a le look de service, Peter Lorre, déjà vu dans M. Il y aura un remake en 1956.

Imitation of Life, John M. Stahl (1934) – 4/5: un film qui dénote très fort pour son époque: il met en avant des femmes (les hommes sont des personnages secondaires) et l’amitié entre une Blanche (Claudette Colbert) et une Noire (Louise Beavers), ainsi que la problématique d’une Afro-Américaine (jouée par Fredi Washington, elle-même afro-américaine à la peau claire – et non par une blanche comme dans le remake de 1959) dont la peau est tellement blanche qu’elle souhaite se faire passer pour une blanche, reniant par la même occasion sa mère à la peau noire (cette partie de l’histoire a posé de grands soucis aux censeurs du code Hays, le métissage étant très mal vu). Mais comme on est en 1934, le racisme reste très présent: Delilah, la Noire, habite au sous-sol et porte des vêtements peu seyants tandis que Bea, la Blanche, vit à l’étage et porte de superbes robes. C’est aussi Bea qui a l’initiative, exploitant les talents de Delilah et créant une marque de farine au nom de « Aunt Delilah » (on pense tout de suite à « Uncle Ben’s »). Sur l’affiche de cinéma de l’époque, ce sont uniquement les noms des acteurs blancs qui apparaissent en grand, y compris donc l’homme en seconde position (Warren William) alors qu’il n’a qu’un rôle très mineur (et il paraît bien plus âgé qu’il ne l’est, accentuant l’impression de différence d’âge entre lui et Bea). A noter aussi: Juanita Quigley, encore un bébé acteur – le truc à la mode de l’époque – qui jouait la fille de trois ans de Bea.

The Scarlet Pimpernel, Harold Young (Royaume-Uni, 1934) – 2/5: un film historique britannique racontant l’histoire du « mouron rouge », cet aristocrate anglais qui a sauvé de nombreux nobles français de la terreur de Robespierre en 1792. Avec Leslie Howard, parfait dans ce rôle, et Merle Oberon. Le film est assez dynamique, avec des scènes en extérieur, mais très silencieux – il n’y a quasi pas de musique. Mais au final, ce n’est pas très passionnant.

Ceci termine ma liste de films pour l’année 1934, marquée par la mise en place du Code Hays. Beaucoup de ces films m’ont paru très dépassés dans leurs thèmes et très vieillots, et je ne les conseillerais plus aujourd’hui, mais j’ai beaucoup aimé L’Atalante (ce qui m’a surprise) et Imitation of Life. Je poursuis avec 1935.

Alice Adams, George Stevens (1935) – 1/5: Alice Adams (Katharine Hepburn) aimerait pouvoir rencontrer un homme riche mais ses parents sont pauvres (toutes proportions gardées: ils ont quand même une grande maison – mais elle n’a pas l’argent pour s’acheter une nouvelle robe). Quant Arthur Russell (Fred MacMurray) l’invite à danser à une fête, elle fait tout pour l’impressionner (et le film tombe dans le ridicule et le niais). J’ai vraiment trouvé l’histoire pénible, d’autant plus qu’elle se termine sur un happy end alambiqué et invraisemblable. Et je n’arrive toujours pas à apprécier Katharine Hepburn (j’ai le vague souvenir que je la préfère plus âgée).

Anna Karenina, Clarence Brown (1935) – 3/5: un film romantico-tragique avec Greta Garbo qui fait sa Greta Garbo (à la longue, ça fatigue un peu, on a l’impression qu’elle ne sait jouer que d’une seule manière). Je ne connaissais pas l’histoire du roman de Tolstoi, ça m’a fait un rattrapage (même s’il manque des bouts). Avec Fredric March dans le rôle du Comte Vronsky. Avec aussi plein de clichés sur l’âme russe et le folklore qui est lié. A noter: des ours empaillés et des trains dans la neige.

Bride of Frankenstein, James Whale (1935) – 3/5: en regardant ce film, je me suis fait la réflexion que les films d’horreur de l’époque sont bien souvent meilleurs que les comédies de mœurs, et que pour une suite, il est vraiment réussi. On y retrouve Boris Karloff qui joue le monstre, et les scientifiques qui lui créent une compagne (Elsa Lanchester) à la coiffure conique légendaire. A noter: la musique de Franz Waxman et encore un rôle parfait pour la fantastique Una O’Connor (la commère du village et servante des époux).

La kermesse héroïque, Jacques Feyder (France, 1935) – 4/5: en 1616, à Boom, l’arrivée d’un duc espagnol et de sa suite met la petite ville en émoi. Le bourgmestre craint en effet pillages et viols décide de faire le mort. Mais c’est sans compter son épouse, et toutes les femmes de ville, qui décident de lancer une opération de charme pour accueillir les étrangers. J’ai cru au pire pendant les premières vingt minutes, les hommes étant vraiment cliché et couards. Et puis, dès que Cornelia prend le relais, le film prend une certaine ampleur et devient vraiment intéressant. J’aurais dû me douter qu’il s’agissait d’un film (mais aussi d’une farce) féministe: le générique cite d’abord le nom des actrices, ce qui m’avait déjà étonné à ce moment-là. Il est dommage que quand on cherche des infos, ce ne soit pas ce côté là qui est mis en avant, mais bien la couardise des hommes (en lien avec la Première Guerre mondiale). A noter: les superbes décors de la ville reconstituée en studio, les costumes. A ne pas noter: les accents franchouillards très dérangeants et parfois incompréhensibles (j’ai eu la flemme de chercher une version avec des sous-titres mais j’aurais dû). Une belle surprise au final !

At the movies – 20 (1930s)

Footlight Parade – une des scènes de piscine

Du bon, du moins bon, et de la comédie musicale à grand spectacle pour ces sept films de 1933.

Queen Christina, Rouben Mamoulian (1933) – 4/5: un film historique vaguement inspiré de la vie de la reine Christine de Suède. On y retrouve son désir de liberté et son amour de la culture, tandis que son amour pour un beau diplomate espagnol est inventé. Mais peu importe. Il y a aussi quelques scènes qui évoquent son amour pour sa dame d’honneur, mais elles restent très chastes. C’est filmé de manière très sobre, avec une belle attention pour la lumière. Greta Garbo est parfaite dans ce rôle très androgyne. A noter: les robes d’Adrian.

Bombshell, Victor Fleming (1933) – 4/5: une screwball comedy typique, avec des dialogues qui vont à du 100 à l’heure. Jean Harlow joue le rôle d’une actrice d’Hollywood poursuivie par ses fans et devant tourner les scènes manquantes pour le film Red Dust (un de ses films précédents – il y a d’ailleurs une furtive image de Clark Gable dans l’intro), notamment celle où elle se baigne dans un grand tonneau. Mais tout ce qu’elle demande c’est de mener une vie normale et d’adopter un enfant. Ce n’est pas un chef-d’oeuvre mais je ne me suis pas ennuyée un moment. A noter: les scènes tournées au Cocoanut Grove, le nightclub en style marocain/tropical/pré-tiki où se voyaient toutes les stars de l’époque, les robes d’Adrian.

Cavalcade, Frank Lloyd (1933) – 2/5: la chronique d’une famille bourgeoise de Londres entre la guerre des Boers de 1899 et 1933, avec de nombreux drames (le Titanic, check !, la Première Guerre mondiale, check !, l’alcoolisme, check !). Vu du côté de la famille mais aussi du personnel de maison, comme dans Downton Abbey. C’est pas mal, assez prenant même, mais il y a un peu trop de patriotisme, surtout à la fin. L’âge des acteurs est aussi du grand n’importe quoi: Una O’Connor qui joue la femme de chambre est jeune maman mais a en vrai 53 ans, Dyana Wynyard est 2 ou 3 ans plus jeune que ses deux fils – on pourrait dire que peu importe vu qu’il s’agit d’un film qui se déroule sur plus de 30 ans, mais quand même !

Ecstasy, Gustav Machaty (Tchécoslovaquie, 1933) – 4/5: j’avais abandonné ce film après 12 minutes parce qu’il est quasi muet et que le musique est très répétitive. Et puis j’ai eu des regrets parce que les images sont particulièrement travaillées. Je voulais aussi voir pourquoi ce film était considéré comme érotique: il y a en effet des scènes avec une Hedy Lamarr complètement nue et des scènes où son visage montre l’orgasme. Mais en dehors de ça, j’ai trouvé le film intéressant avec son histoire de mariage raté et de femme qui cherche le plaisir dans la campagne slovaque. Et puis, je me devais de regarder au moins un film avec Hedy Lamarr, une femme qui est tellement plus qu’actrice (il y a un intéressant documentaire à son sujet).

Dinner at Eight, George Cukor (1933) – 3/5: un film virevoltant avec plein de personnages, et donc plein d’acteurs (John et Lionel Barrymore, Wallace Beery…) et d’actrices (de la jeune Jean Harlow aux bien plus âgées Billie Burke et Marie Dressler – j’approuve !). La narration ne laisse aucun moment creux mais c’est là qu’on voit que le film date de 1933: le montage est somme toute très statique, se concentrant sur une même ligne narrative pendant plusieurs minutes au lieu de passer de l’une à l’autre comme aujourd’hui. A noter: le petit chien (pékinois) qui s’appelle Tarzan (en fait c’était Mussolini à la base mais ça a été jugé offensant par le studio), les belles robes d’Adrian.

Footlight Parade, Lloyd Bacon (1933) – 2/5: ma cote pour ce film est en fait de 1/5 pour la première heure et un quart, et de 4/5 pour la dernière demi-heure. Producteur de comédies musicales, Chester Kent (James Cagney) se retrouve sans travail avec l’avènement du cinéma parlant. Il décide alors de monter des « prologues » à présenter avant les films. La première partie de l’histoire cause beaucoup et est parfois très confuse. Elle n’est finalement qu’un « prologue » aux « prologues » de la dernière demi-heure, trois chorégraphies de Busby Berkeley montrées intégralement. Surtout la seconde est superbe, annonçant les films d’Esther Williams avec des scènes de nageuses. Par contre, le réalisme, on oublie: une scène de cinéma ne possédait certainement pas une piscine qui change plusieurs fois de forme et qui se transforme même en forêt avec cascades. Je n’aime vraiment pas James Cagney (que ce soit ici ou dans les rôles de gangsters); par contre Joan Blondell est bien plus intéressante. On y voit aussi Ruby Keeler et Dick Powell (encore un acteur qui m’indiffère). A noter: la scène patriotique avec le drapeau américain.

Gold Diggers of 1933, Mervyn LeRoy (1933) – 3/5: le hasard a fait que je regarde cette comédie musicale juste après Footlight Parade et les acteurs principaux sont quasi les mêmes (sans James Cagney). Warren Williams est donc accompagné par Joan Blondell, Ruby Keeler et Dick Powell, et il y a aussi un rôle pour Ginger Rogers. Il s’agit aussi d’un film sur le montage d’un spectacle, en pleine dépression, mais l’histoire est un peu plus prenante. La chorégraphie est signée Busby Berkeley mais je l’ai trouvée moins intéressante que dans Footlight Parade. Toute l’intrigue est résolue quinze minutes avant la fin du film et puis il y a une dernière chorégraphie qui sort le spectateur du monde un peu rêvé d’avant: c’est la dure réalité de la dépression, des femmes qui doivent se prostituer et des vétérans qui n’ont ni argent ni travail (ce qui est aussi le prétexte pour une scène patriotique avec le drapeau américain). A noter que « gold digger » était le nom donné à ces femmes qui cherchaient un mari riche à l’époque.

At the movies – X (1930s)

Gloria Stuart et Boris Karloff dans The Old Dark House 

I Am a Fugitive from a Chain Gang, Mervyn LeRoy (1932) – 3/5: quelle histoire sombre ! Quand James Allen (Paul Muni) revient de la Première Guerre mondiale, il souhaite devenir ingénieur, mais sa famille s’y oppose et préfère qu’il prenne un job répétitif à l’usine. Il part sur les routes mais se retrouve mêlé à un hold-up. Il est alors envoyé en colonie pénitentiaire, dans un « chain gang ». Il réussit à s’enfuir et mène enfin une vie respectable sauf que le passé le rattrape. En 1932, la Grande Dépression commence clairement à laisser des traces aux Etats-Unis et ça se ressent dans ce film (même s’il se passe avant). A priori, l’histoire ne me tentait pas mais j’ai voulu connaître la suite et il y a un certain rythme dans le film. Avec Paul Muni, donc, qui surjoue pas mal, de belles scènes de train (et de hobo marchant sur les rails), des prisonniers en uniformes rayés qui chantent des gospels et beaucoup de scènes d’extérieur.

The Old Dark House, James Whale (1932) – 3/5: le classique film d’horreur avec la maison mystérieuse qui recèle des secrets. James Whale continue son travail inspiré de l’expressionnisme allemand mais à sa sauce: au jeu des ombres, il ajoute éclairs et jeux de lumière (comme ce couloir sombre où la lumière éclaire le rideau blanc). Avec Boris Karloff, mais aussi Gloria Stuart qu’on retrouvera en 1997 comme Rose dans Titanic, un de ses derniers rôles. Ici, elle est superbe dans sa robe de satin blanc moulante (le prétexte pour la mettre est un peu léger: son autre robe est trempée). Et une première version chantée de « Singin’ in the rain », par Melvyn Douglas (le morceau a été écrit à la fin des années 1920).

The Sign of the Cross, Cecil B. DeMille (1932) – 3/5: une superproduction complètement over-the-top. Dans la Rome antique, sous le règne de Néron (Charles Laughton), le préfet Marcus (Fredric March avec trop d’eyeliner) tombe amoureux d’une belle chrétienne alors qu’il est censé poursuivre et tuer les adeptes de la nouvelle religion. Orgies et décadence – Poppée (Claudette Colbert), l’épouse de Néron, prend un bain, nue, dans du lait d’ânesse (le tournage a mis plusieurs jours et ça sentait le rance à la fin), et le tout se termine dans l’arène avec des femmes quasi nues laissées en pâture aux crocodiles ou aux lions, une armée de pygmées (ou tous les acteurs nains d’Hollywood recouverts de teinture brune) combattant des femmes et puis les Chrétiens envoyés vers une mort certaine. Quant aux costumes, du moment qu’ils pouvaient montrer de grands bouts de peau nue… sauf pour la belle chrétienne évidemment. Du grand n’importe quoi qui a dû bien énerver les garants de la morale de l’époque. En tous cas, je me suis bien amusée !

One Hour With You, George Cukor, Ernst Lubitsch (1932) – 2/5: un film musical très dispensable, avec Maurice Chevalier, Jeannette MacDonald et Geneviève Tobin en triangle amoureux. A voir pour les superbes décors de maisons art deco, les voitures de l’époque et les magnifiques robes – c’est intéressant de noter d’ailleurs que les génériques d’époque sont minimalistes (une dizaine de noms) mais que le créateur des robes est mis en avant: Travis Banton.

A Farewell to Arms, Frank Borzage (1932) – 3/5: une adaptation du roman d’Ernest Hemingway avec Gary Cooper et Helen Hayes. Une histoire d’amour entre un militaire et une infirmière lors de la Première Guerre mondiale, en Italie. Un mélodrame très bien filmé, avec de beaux jeux de lumière, et une certaine tension sexuelle (et donc même du sexe avant mariage, filmé hors champ), mais je n’ai pas accroché.

Grand Hotel, Edmund Goulding (1932) – 2/5: encore un film entièrement tourné à l’intérieur, basé sur une pièce de théâtre, elle-même basée sur un roman de Vicky Baum. L’histoire mêle séduction, amour, rivalité et ambition. Greta Garbo et Joan Crawford, toutes deux dans la vingtaine (et ne partageant aucune scène), jouent face à des hommes dans la cinquantaine (John et Lionel Barrymore, et Wallace Beery – il n’a que 47 ans mais il n’est pas très attirant) – on dirait qu’à l’époque, seuls le public masculin pouvait baver sur les actrices, et non les femmes sur de beaux et jeunes mâles. A noter: les décors art déco, les robes d’Adrian (cité au générique), le central téléphonique qui rythme le film.

Scarface, Howard Hawks (1932) – 2/5: un film de gangsters inspiré par la vie d’Al Capone. Il y a beaucoup à dire sur ce film (il suffit d’aller voir la page en anglais sur wikipedia) mais je n’ai pas trop accroché. Les scènes de fusillades sont pas mal, très réalistes, mais je me rends compte que je n’aime pas l’acteur principal, Paul Muni. A noter: un perroquet en cage (et Boris Karloff qui ne joue pas de rôle de monstre ici).

At the movies – VI (1930s)

Norma Shearer & Clark Gable dans A Free Soul

La chienne, Jean Renoir (France, 1931) – 2/5: l’histoire est similaire à Der blaue Engel de Josef von Sternberg: Maurice Legrand, un homme d’âge moyen (Michel Simon), rudoyé par son épouse et peintre à ses heures, s’amourache d’une prostituée qui profite de lui. Evidemment, ça se termine mal (il y a malgré tout un petit twist dans l’histoire à la fin). Jean Renoir est célébré pour son réalisme et c’est en effet très bien filmé (en studio et aussi un peu en extérieur), mais l’histoire n’est pas passionnante et les acteurs déclament leur texte dans un style théâtral et ampoulé (je n’ai jamais aimé les films français à cause de ce jeu). J’ai accéléré un peu vers la fin parce que je n’en pouvais plus. Et puis cette insistance sur la femme qui est mauvaise alors que Maurice est lui-même une vraie calamité par sa naïveté. A noter: un canari, un chat noir et le cocktail français du moment, le chambéry fraise (un mélange de vermouth et liqueur de fraise).

Dracula, Tod Browning (1931) – 4/5: ce n’est pas le meilleur film à propos de Dracula mais je me suis laissée emporter par l’histoire, et ça (mon degré de divertissement donc), c’est un point très important dans mon appréciation. Bela Lugosi pourrait même presque faire peur mais ce sont plutôt les décors gothiques qui m’ont fait frissonner – ils sont vraiment superbes. C’est très court: 75 minutes à peine, mais ça concentre les éléments clé de l’histoire (wikipedia dit que le film faisait 85 minutes mais que des scènes ont été censurées en 1936 suite au code Hays). C’est un film très silencieux et il n’y a pas de musique accompagnant les images – ce qui fait un peu bizarre (Philip Glass a composé un score en 1999, mais j’ai regardé une version sans celui-ci). Evidemment, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à des versions ultérieures, notamment à celle de Coppola où le rôle de Renfield joué par Tom Waits m’est resté en tête.

M – Eine Stadt sucht einen Mörder (ou M le Maudit), Fritz Lang (1931) – 4/5: il est clair que ce film est un chef d’oeuvre et que j’ai attendu bien trop longtemps pour le voir. Si je ne lui mets pas la cote maximale, c’est à cause de quelques longueurs (ça cause beaucoup quand même) et d’une fin très abrupte (je sais que c’est courant dans ces années là, mais ça aurait mérité d’une ou deux minutes de plus). J’ai vu la version de 109 restaurée en 2000 (on voit plus ou moins quels passages ont été rajoutés, souvent ils sont muets). A noter: il n’y a quasi que des hommes, les femmes ont vraiment des rôles mineurs, et tous fument à s’en donner des cancers du poumon.

Frankenstein, James Whale (1931) – 3/5: le dvd que j’ai pu voir faisait 67 minutes, wikipedia annonce 71 minutes – il manquerait donc quatre minutes à la version que j’ai vue, mais une scène qui avait été coupée à cause du code Hays est présente (celle où Frankenstein jette une fillette à l’eau). Mystère donc. C’est un classique, et tout le monde reconnaît Boris Karloff, mais à part ça, je n’ai pas grand-chose à en dire. Comme on connaît l’histoire, il n’y a plus une once d’angoisse. Et il y a une belle fête bavaroise avec costumes traditionnels.

Mata Hari, George Fitzmaurice (1931) – 3/5 (ou 2 ?): interprétée par Greta Garbo, Mata Hari n’a rien dans ce film de la beauté aux traits exotiques qu’elle était dans la réalité (même si elle était hollandaise, elle avait un teint mat et des cheveux noirs). Le film mélange d’ailleurs deux époques, celle où elle était danseuse et effeuilleuse (au tournant du siècle) et celle où elle était espionne en 1917 (et avait donc 41 ans, Garbo en avait 26 à l’époque). Des détails, dirons-nous. Ses costumes (conçus par Adrian) sont superbes, très fluides, très années 1920 et 30 aussi, mais ces « bonnets »… Même ornés de paillettes, ce n’est pas très beau. Avec aussi Ramon Novarro, la latin lover et sexy boy d’origine mexicaine, qui joue le rôle d’un pilote russe. Comme souvent avec Garbo, le film se termine tragiquement, avec un certain sens du sacrifice. A noter que la Cinematek (à Bruxelles) possède l’unique copie non tronquée par le code Hays de ce film, et contenant quelques scènes plus osées, notamment de l’effeuillage du début (mais j’ai vu le dvd).

A free soul, Clarence Brown (1931) – 4/5 qui devient 2/5: le début de ce film est fantastique, grâce à Norma Shearer (Jan) qui est parfait dans son rôle de femme libre et qui sait ce qu’elle veut. Elle quitte son amoureux un peu fade (Leslie Howard) et tombe dans les bras d’un gangster séduisant (Clark Gable), mais elle ne se laisse pas prendre. Si elle accepte le premier baiser, elle refuse le second et ne veut pas entendre parler de mariage (ce qui pose évidemment problème pour un homme qui obtient tout ce qu’il veut). La seconde moitié du film est moins intéressante, mettant en avant la relation entre Jan et son père alcoolique, et se terminant en film de procès (le père est avocat). Les robes (créées par Adrian) sont superbes, tout particulièrement la première en satin fluide, montrant les formes de l’actrice (qui ne portait probablement rien en dessous). A l’époque, il y avait deux camps: celles (et ceux) qui préféraient Clark Gable sans moustache et les autres qui le préféraient avec. Je fais partie du second camp, je le trouve même très banal sans moustache. C’est aussi le premier film où je le vois si jeune, à trente ans. Je ne le connaissais que de Gone with the wind (avec aussi Leslie Howard) et de Misfits (juste avant sa mort).

Dr. Jekyll and Mr. Hyde, Rouben Mamoulian (1931) – 2/5: disons-le d’emblée: ce film m’a dérangée. Je n’ai pas du tout aimé comment Mr. Hyde harcèle et attaque sa victime, Ivy Pearson, et comment il s’en prend ensuite à la fiancée du Dr. Jekyll, éléments du récit qui ne sont pas dans le roman écrit par Robert Louis Stevenson. Il y a une sexualisation extrême où l’homme ne peut être que prédateur et la femme victime, le tout causé par la société victorienne. En effet Dr. Jekyll veut épouser Muriel au plus vite mais son père refuse et il est frustré. Au niveau technique par contre, il y a des avancées: la caméra bouge beaucoup plus et suit le point de vue du Dr. Jekyll. Et il est assez drôle de voir Mr. Hyde grimper dans la bibliothèque et sauter partout. Avec Fredric March dans son seul rôle de méchant.

Et donc, la question du jour: Clark Gable, avec ou sans moustache ?

At the movies – II (1930s)

La suite de mes découvertes dans l’histoire du cinéma, avec essentiellement des films de 1930 (je peux être assez systématique quand je m’y mets). Je continue à prendre beaucoup de plaisir à regarder ces films, même si je ne fais que survoler certains quand je vois que je n’accroche pas au sujet ou au style.

White zombie, Victor Halperin (1932) – 4/5: un film de zombies à Haïti, avec une actrice un peu éthérée typique du début des années 1930, et Bela Lugosi dans le rôle du méchant. Disponible sur you tube, avec sous-titres plus ou moins performants. Le film qui m’a donné envie de me plonger dans le cinéma des années 1930.

42nd Street, Lloyd Bacon (1933) – 4/5, une histoire un peu convenue mais de très belles scènes de danse, notamment celle où la caméra passe sous les jambes des danseuses.

Anna Christie, Clarence Brown (1930) – 3/5: le premier rôle parlant de Greta Garbo. Les acteurs font des mimiques un peu exagérées, héritées du muet, et à part Garbo, ils ont des traits très marqués, très spécifiques, tendant vers le laid. Je me demande comment il est possible d’imaginer que Garbo ait un intérêt amoureux pour ce type d’homme (de 14 ans son aîné). Une scène est fantastique dans son féminisme: l’actrice clame qu’elle est la seule à faire des choix concernant sa propre vie et que personne ne l’influencera. C’était juste une scène (la fin est à vomir selon les critères féministes actuels). Il faut se farcir le début aussi, en fait même le premier du tiers du film, qui reste très statique dans un bar. Après le film devient un peu plus dynamique au point de vue des scènes et des décors.

Morocco, Josef von Sternberg (1930) – 5/5: un film rassemblant Marlene Dietrich et Gary Cooper, se situant au Maroc. Un triangle amoureux avec une dose d’exotisme, venant notamment des décors (même si le film a été tourné en Californie) et la musique (le compositeur Karl Hajos n’est pas crédité, et il y a des morceaux de piano oriental dans le style de Maurice El Médioni – celui-ci est né en 1928 en Algérie, ce n’est donc pas lui qui joue). Un des premiers baisers lesbiens dans le film a fait scandale à l’époque et de très beaux jeux d’ombre et lumière (très arabo-andalous), ainsi qu’une caméra qui bouge à la limite du possible de l’époque. Et puis parlons de cette fin poignante qui m’a laissée totalement abasourdie.

All quiet on the Western front, Lewis Milestone (1930): pas de cote pour ce film, parce que je ne l’ai pas regardé en entier (j’ai regardé les 15 premières minutes, puis en accéléré, puis en sautant des chapitres). Il est considéré comme un chef-d’oeuvre, un des 100 meilleurs films de l’histoire du cinéma, et je comprends tout à fait pourquoi, mais je n’avais envie de regarder une histoire de guerre (la Première Guerre mondiale) et d’hommes. Il existe une version restaurée d’excellente qualité mais du coup, on perd un peu le charme des tout vieux films.

The Divorcee, Robert Z. Leonard (1930) – 4/5: un premier film (pour moi) avec Norma Shearer, l’autre grande star des années 1930 aux côtés de Greta Garbo, aujourd’hui malheureusement oubliée, alors qu’elle était assez subversive dans les films pré-Code (le Code Hays qui a imposé des nombreuses règles très puritaines dans les films, et qui a pris cours en 1934). Ici, elle se marie puis divorce après que son mari l’a trompée (et qu’elle a fait de même), et – du jamais entendu – déclare « je suis contente d’avoir découvert qu’il y a plus qu’un homme dans le monde ». Elle affirme clairement son statut de femme libre, à une époque où ce sont d’ailleurs bien plus souvent les femmes qui sont les stars dans les films que les hommes. Ici, d’ailleurs les acteurs sont assez pâles en comparaison. Et donc cheveux courts, robes seyantes, appartements art déco et fêtes endiablées, quelques cocktails et une scène dans un train.

Hell’s Angels, Howard Hugues (1930) – 2/5: un film sur la Première Guerre mondiale, avec deux frères qui s’engagent dans l’aviation et qui sont amoureux de la même femme, Helen, jouée par Jean Harlow. Celle-ci porte des robes hyper-décolletées et on voit un début de courbe de seins, et quand elle se met à l’aise, on se rend bien compte qu’il n’y a rien en dessous de la robe de chambre. Les deux acteurs masculins sont bien pâles à côté d’elle mais leurs prouesses avec les avions de l’époque sont captivantes. Les pilotes étaient des cascadeurs mais aussi des vétérans de la guerre, ainsi que Howard Hugues lui-même qui a piloté un avion pour une scène a priori irréalisable (il s’est crashé et a eu une fracture du crâne). Certaines scènes sont colorées, et une est même entièrement tournée en couleurs. A part ça ces éléments visuels, le film n’est pas très passionnant.

Murder, Alfred Hitchcock (GB, 1930): je n’ai pas eu la patience de regarder le film en entier, j’ai toujours beaucoup de mal avec les pièces de théâtre adaptées au cinéma. C’est trop statique et trop bavard à mon goût. On verra dans le futur si j’accroche un peu mieux à ses films (je dois en avoir vu un ou deux en tout, et il y a longtemps – un vrai trou dans ma culture donc).