At the movies – 33 (1930s)

Le roman d’un tricheur, Sacha Guitry

Dodsworth, William Wyler (1936) – 4/5: Samuel Dodsworth (Walter Huston) prend sa retraite après une carrière très réussie dans l’industrie de l’automobile. Il décide avec son épouse Fran (Ruth Chatterton) de faire un voyage en Europe. Cette dernière est beaucoup plus jeune que lui (elle a la quarantaine) et se laisse courtiser par divers hommes sur le bateau et à Paris, oubliant totalement son mari. Au début, Sam subit cette situation mais au fil du temps, il décide de ne plus se laisser faire par cette épouse très superficielle. L’histoire est intéressante, même si c’est la femme qui a le mauvais rôle, et j’ai aimé le fait que les protagonistes voyagent, allant des Etats-Unis en Europe (en prenant le Queen Mary), à Paris, à Vienne, à Naples. Il n’y a pas de moments creux et le caractère des personnages évolue au fil du temps.

Fury, Fritz Lang (1936) – 4/5: ce qui commence comme une comédie romantique se transforme en film très violent, impliquant lynchage, désir de vengeance et procès. Joe Wilson est arrêté alors qu’il rejoint sa bien-aimée, et accusé à tort d’un kidnapping. La communauté locale se révolte et veut le lyncher, mettant le feu à la prison. La seconde partie du film montre le procès contre les 22 responsables principaux du lynchage. C’est le premier film américain de Fritz Lang, mais on y retrouve certains éléments des films allemands, les gros plans, le rythme, le procès filmé. Avec Spencer Tracy et Sylvia Sydney, et Franz Waxman pour le score.

Follow the Fleet, Mark Sandrich (1936) – 3/5: un agréable divertissement avec Fred Astaire et Ginger Rogers, avec évidemment de belles scènes dansées. Pour le reste, le film a pas mal de défauts: un scénario un peu alambiqué, Fred Astaire qui joue mal ce rôle de marin censé être très masculin, et puis cette scène dérangeante aujourd’hui où on dit à la brune au look d’institutrice qu’elle ferait mieux de jouer la blonde idiote pour plaire aux hommes.

Camille, George Cukor (1936) – 2/5: une adaptation de La dame au camélias, encore un classique que je ne connaissais pas. L’histoire m’a ennuyée (je sais aussi pourquoi je n’ai jamais lu Alexandre Dumas, il ne m’inspire pas du tout), et je me fatigue de Greta Garbo qui joue quand même souvent de la même manière, même si ce rôle est considéré comme son meilleur.

Le roman d’un tricheur, Sacha Guitry (France, 1936) – 3/5: un film un peu bizarre mais intéressant en fin de compte pour sa liberté de ton et de conception. Il est tourné quasi tout le temps comme un film muet avec une voix off qui raconte ce qui se passe, le générique de début est parlé, présentant tous les acteurs, et il change beaucoup d’endroit, de Monaco à Paris en passant par Biarritz. Un homme (joué par Sacha Guitry lui-même) raconte sa vie, comment elle a complètement changé après un repas de champignons et comment il est de devenu tricheur dans les jeux de cartes au casino – j’ai pensé à The Card Counter.

J’ai tenté de revoir Modern Times de Charlie Chaplin mais j’ai arrêté le film après 5 minutes (en plus le dvd était rayé), je me suis dit que mon visionnage dans les années 1990 ferait l’affaire. Certains classiques sont devenus trop classiques et je n’ai plus envie de les voir si je ne les aime pas plus que ça.

Partie de campagne, Jean Renoir (France, 1936) – 3/5: Jean Renoir a tourné ce film pendant l’été 1936 mais a été interrompu par les conditions météo. Il ne l’a jamais achevé et il est finalement sorti en 1946, ne comptant que 40 minutes. Basé sur une histoire de Guy de Maupassant, il conte l’excursion d’une famille de commerçants parisienne en bord de rivière en plein été 1860, pour un pique-nique. Deux hommes locaux sont de suite intéressés par Henriette et sa mère et leur proposent une promenade en barque. J’ai eu du mal avec la réaction d’Henriette quand dans un premier temps elle refuse les approches du canotier, puis accepte quand même et se laisse aller, mais c’est sans doute une réaction liée à mon époque. A part ça, le film fait clairement penser aux tableaux des peintres de la fin du 19e siècle.

The Prisoner of Shark Island, John Ford (1936) – 2/5: le docteur Samuel Mudd est accusé d’avoir aidé John Wilkes Booth à fuir après avoir assassiné Lincoln. Il est sommairement jugé et envoyé en prison dans une îles aux eaux infestées de requins. Sa femme tente de le libérer mais c’est finalement grâce à sa lutte contre une épidémie de fièvre jaune qu’il pourra rejoindre sa famille. C’est basé sur une histoire vraie, mais le film insiste sur l’innocence de Mudd alors que dans les faits, elle n’a jamais été prouvée. Si John Ford a l’art de filmer, avec des jeux d’ombres et lumières, il perpétue cependant le racisme ambiant de l’époque: les Noirs sont montrés comme de grands enfants qui ont besoin de l’aide paternaliste des Blancs, perpétuant le système de l’esclavage même s’il vient d’être aboli. Et puis, c’est un film avec un procès et des scènes de prison, le genre de choses que je préfère éviter en temps normal.

At the movies – 16 (1930s)

King Kong contre le T-Rex (et Fay Wray)

The Private Life of Henry VIII (Alexander Korda, UK, 1933) – 1/5: dieu que c’était ennuyeux ! Un film qui raconte l’histoire de cinq des six femmes du roi anglais Henry VIII, avec évidemment de nombreux écarts par rapport à la réalité historique. Je n’ai vraiment rien de positif à dire… J’imagine que si ce film s’est retrouvé dans liste des meilleurs de 1933 c’est à cause de son succès commercial à l’époque et sa nomination pour les Oscars.

Lady for a Day (Frank Capra, 1933) – 3/5: Annie vend des pommes dans la rue à New York mais fait croire à sa fille qu’elle appartient à la haute société. Lorsque cette dernière arrive d’Espagne pour présenter son fiancé, Annie devient une « lady » pour un jour grâce à l’aide du gangster Dave « The Dude » Conway (Warren William) qui est convaincu que ses pommes lui portent chance. Une histoire bien ficelée, avec plein de rebondissements qui plonge à la fois dans le milieu des gangsters et dans la vie des pauvres. Pour une fois, l’héroïne est une femme plus âgée (May Robson, âgée alors de 75 ans !). Un film qui a mis Frank Capra sur le devant de la scène avec une nomination aux Oscars, et son second pour 1933 (The Bitter Tea of General Yen est aussi sur ma liste). J’ai aimé le dynamisme du film même si l’histoire est complètement improbable. A noter: les immenses paquebots à quai, les voitures sirènes hurlantes dans les rues de New York.

King Kong (Merian C. Cooper & Ernest B. Shoedsack, 1933) – 4/5: même après quasi 90 ans, ce film reste très bon. L’animation peut sembler primitive à nos yeux, mais l’histoire est bien ficelée et il y a plusieurs moments où la tension est à couper au couteau. Avec Fay Wray en victime parfaite, blonde évidemment (on n’évite quand même pas les clichés de l’époque). Au niveau des habitants de l’île qui est censée être proche de Sumatra, ils ressemblent plus à des Papous que des Indonésiens, mais bon… C’est le premier film qui possède un soundtrack aussi complet, composé par Max Steiner, mais par moments, c’est un peu trop envahissant. A noter: les scènes cultes de l’Empire State Building, les décors de l’île qui ont été réutilisés et brûlés pour illustrer l’incendie d’Atlanta dans Gone with the Wind.

Design for Living (Ernst Lubitsch, 1933) – 4/5: un pétillant ménage à trois: Gilda (Miriam Hopkins) rencontre Tom (Fredric March) et George (Gary Cooper) et tombe amoureuse des deux hommes. Ils décident de vivre ensemble mais tout ne se passe pas comme prévu. C’est un peu statique vu que c’est adapté d’une pièce de théâtre mais j’ai adoré le personnage joué par Hopkins, qui est fraîche et pétillante. Par contre, aucun des deux acteurs masculins n’est très intéressant: ils ont l’air un peu empotés durant tout le film (je préfère clairement Gary Cooper plus tard, dans des westerns). Un film qui aurait été interdit quelques mois plus tard avec le code Hays, vu qu’il n’y a aucune « moralité » !

Das Testament der Dr. Mabuse (Fritz Lang, Allemagne, 1933) – 3/5: un film très connu de Fritz Lang mais qui a eu du mal à me passionner. J’ai trouvé le temps long, sauf la dernière demi-heure. Le Dr. Mabuse est interné et écrit sans relâche des notes qui parlent de vols et d’attentats. Ceux-ci se passent réellement. Le commissaire Lohmann mène l’enquête (ceci est très résumé, évidemment). Quelques images sont superbes, notamment la course poursuite à la fin du film. Par contre, les deux femmes représentées sont des caricatures de femmes, et c’est détestable à regarder. Quant aux hommes, ils fument sans cesse… Pour un avis plus réfléchi, il faudra aller lire les pages wikipedia.

Zéro de conduite (Jean Vigo, France, 1933) – 3/5: un court film (40 minutes) qui a été interdit à l’époque en France parce que considéré comme trop subversif (il était visible en Belgique). C’est donc l’histoire de gamins au pensionnat qui foutent le souk, pour le dire un peu platement. Si le film n’est pas hyper-intéressant en soi, il a influencé François Truffaut pour Les 400 coups. Le son est extrêmement mauvais et j’ai eu du mal à comprendre ce qui se disait.

The Invisible Man (James Whale, 1993) – 2/5: un film censé faire peur avec un homme invisible. Je n’ai pas été intéressée par l’histoire, et pour le reste, je n’ai pas grand-chose à dire. Gros succès à l’époque et un film qui a son importance dans l’histoire du cinéma.

At the movies – VI (1930s)

Norma Shearer & Clark Gable dans A Free Soul

La chienne, Jean Renoir (France, 1931) – 2/5: l’histoire est similaire à Der blaue Engel de Josef von Sternberg: Maurice Legrand, un homme d’âge moyen (Michel Simon), rudoyé par son épouse et peintre à ses heures, s’amourache d’une prostituée qui profite de lui. Evidemment, ça se termine mal (il y a malgré tout un petit twist dans l’histoire à la fin). Jean Renoir est célébré pour son réalisme et c’est en effet très bien filmé (en studio et aussi un peu en extérieur), mais l’histoire n’est pas passionnante et les acteurs déclament leur texte dans un style théâtral et ampoulé (je n’ai jamais aimé les films français à cause de ce jeu). J’ai accéléré un peu vers la fin parce que je n’en pouvais plus. Et puis cette insistance sur la femme qui est mauvaise alors que Maurice est lui-même une vraie calamité par sa naïveté. A noter: un canari, un chat noir et le cocktail français du moment, le chambéry fraise (un mélange de vermouth et liqueur de fraise).

Dracula, Tod Browning (1931) – 4/5: ce n’est pas le meilleur film à propos de Dracula mais je me suis laissée emporter par l’histoire, et ça (mon degré de divertissement donc), c’est un point très important dans mon appréciation. Bela Lugosi pourrait même presque faire peur mais ce sont plutôt les décors gothiques qui m’ont fait frissonner – ils sont vraiment superbes. C’est très court: 75 minutes à peine, mais ça concentre les éléments clé de l’histoire (wikipedia dit que le film faisait 85 minutes mais que des scènes ont été censurées en 1936 suite au code Hays). C’est un film très silencieux et il n’y a pas de musique accompagnant les images – ce qui fait un peu bizarre (Philip Glass a composé un score en 1999, mais j’ai regardé une version sans celui-ci). Evidemment, je n’ai pas pu m’empêcher de penser à des versions ultérieures, notamment à celle de Coppola où le rôle de Renfield joué par Tom Waits m’est resté en tête.

M – Eine Stadt sucht einen Mörder (ou M le Maudit), Fritz Lang (1931) – 4/5: il est clair que ce film est un chef d’oeuvre et que j’ai attendu bien trop longtemps pour le voir. Si je ne lui mets pas la cote maximale, c’est à cause de quelques longueurs (ça cause beaucoup quand même) et d’une fin très abrupte (je sais que c’est courant dans ces années là, mais ça aurait mérité d’une ou deux minutes de plus). J’ai vu la version de 109 restaurée en 2000 (on voit plus ou moins quels passages ont été rajoutés, souvent ils sont muets). A noter: il n’y a quasi que des hommes, les femmes ont vraiment des rôles mineurs, et tous fument à s’en donner des cancers du poumon.

Frankenstein, James Whale (1931) – 3/5: le dvd que j’ai pu voir faisait 67 minutes, wikipedia annonce 71 minutes – il manquerait donc quatre minutes à la version que j’ai vue, mais une scène qui avait été coupée à cause du code Hays est présente (celle où Frankenstein jette une fillette à l’eau). Mystère donc. C’est un classique, et tout le monde reconnaît Boris Karloff, mais à part ça, je n’ai pas grand-chose à en dire. Comme on connaît l’histoire, il n’y a plus une once d’angoisse. Et il y a une belle fête bavaroise avec costumes traditionnels.

Mata Hari, George Fitzmaurice (1931) – 3/5 (ou 2 ?): interprétée par Greta Garbo, Mata Hari n’a rien dans ce film de la beauté aux traits exotiques qu’elle était dans la réalité (même si elle était hollandaise, elle avait un teint mat et des cheveux noirs). Le film mélange d’ailleurs deux époques, celle où elle était danseuse et effeuilleuse (au tournant du siècle) et celle où elle était espionne en 1917 (et avait donc 41 ans, Garbo en avait 26 à l’époque). Des détails, dirons-nous. Ses costumes (conçus par Adrian) sont superbes, très fluides, très années 1920 et 30 aussi, mais ces « bonnets »… Même ornés de paillettes, ce n’est pas très beau. Avec aussi Ramon Novarro, la latin lover et sexy boy d’origine mexicaine, qui joue le rôle d’un pilote russe. Comme souvent avec Garbo, le film se termine tragiquement, avec un certain sens du sacrifice. A noter que la Cinematek (à Bruxelles) possède l’unique copie non tronquée par le code Hays de ce film, et contenant quelques scènes plus osées, notamment de l’effeuillage du début (mais j’ai vu le dvd).

A free soul, Clarence Brown (1931) – 4/5 qui devient 2/5: le début de ce film est fantastique, grâce à Norma Shearer (Jan) qui est parfait dans son rôle de femme libre et qui sait ce qu’elle veut. Elle quitte son amoureux un peu fade (Leslie Howard) et tombe dans les bras d’un gangster séduisant (Clark Gable), mais elle ne se laisse pas prendre. Si elle accepte le premier baiser, elle refuse le second et ne veut pas entendre parler de mariage (ce qui pose évidemment problème pour un homme qui obtient tout ce qu’il veut). La seconde moitié du film est moins intéressante, mettant en avant la relation entre Jan et son père alcoolique, et se terminant en film de procès (le père est avocat). Les robes (créées par Adrian) sont superbes, tout particulièrement la première en satin fluide, montrant les formes de l’actrice (qui ne portait probablement rien en dessous). A l’époque, il y avait deux camps: celles (et ceux) qui préféraient Clark Gable sans moustache et les autres qui le préféraient avec. Je fais partie du second camp, je le trouve même très banal sans moustache. C’est aussi le premier film où je le vois si jeune, à trente ans. Je ne le connaissais que de Gone with the wind (avec aussi Leslie Howard) et de Misfits (juste avant sa mort).

Dr. Jekyll and Mr. Hyde, Rouben Mamoulian (1931) – 2/5: disons-le d’emblée: ce film m’a dérangée. Je n’ai pas du tout aimé comment Mr. Hyde harcèle et attaque sa victime, Ivy Pearson, et comment il s’en prend ensuite à la fiancée du Dr. Jekyll, éléments du récit qui ne sont pas dans le roman écrit par Robert Louis Stevenson. Il y a une sexualisation extrême où l’homme ne peut être que prédateur et la femme victime, le tout causé par la société victorienne. En effet Dr. Jekyll veut épouser Muriel au plus vite mais son père refuse et il est frustré. Au niveau technique par contre, il y a des avancées: la caméra bouge beaucoup plus et suit le point de vue du Dr. Jekyll. Et il est assez drôle de voir Mr. Hyde grimper dans la bibliothèque et sauter partout. Avec Fredric March dans son seul rôle de méchant.

Et donc, la question du jour: Clark Gable, avec ou sans moustache ?