Crying in H Mart

Michelle Zauner, Crying in H Mart: Michelle Zauner, musicienne et chanteuse dans le groupe Japanese Breakfast, raconte sa vie dans ce livre. Elle a été très marquée par le décès de sa mère, et revient en arrière sur son enfance et adolescence à Eugene en Oregon. Elle est eurasienne: son père américain a rencontré sa mère coréenne lorsqu’il était stationné à Séoul. Cette dernière l’a maternée et entourée de soins à l’extrême, toujours très critique et exigeante, espérant créer l’enfant et l’adulte idéale selon ses normes à elle. Michelle a très vite été étouffée par ces attentions, elle s’est rebellée à l’adolescence et elle a donc décidé d’étudier sur la côte est pour mettre de la distance entre elles. Elle revient à Eugene quand sa mère lui apprend qu’elle est atteinte du cancer pour la soigner et essayer de renouer avec sa part coréenne qu’elle a toujours niée, se rendant compte qu’elle la connaît si peu.

Ce livre est une réflexion sur la perte mais aussi surtout sur le mélange de deux traditions, l’américaine à laquelle Michelle veut se conformer, et la coréenne qui s’immisce par plein d’interstices. C’est par la nourriture et la cuisine qu’elle apprivoise cette part asiatique en elle, et elle décrit tous les plats coréens qu’elle adore mais qu’elle ne sait pas cuisiner parce que sa mère ne lui a pas montré comment faire, ou très peu, sans vraie recette et sans quantités précises. Elle se tourne vers youtube et les clips de Maangchi (ce qui m’a fait sourire parce qu’on m’avait conseillé ses livres) et retourne en Corée, un pays qu’elle voit d’un regard neuf même si elle y a passé de nombreuses vacances lorsqu’elle était petite. Le deuil transparaît au cours de l’entièreté du roman mais il est assez apaisé (cela me faisait un peu peur à vrai dire), et j’ai beaucoup aimé la sensibilité de l’autrice, sa manière de décrire comment elle a vécu cette période difficile, et surtout la description de tous les plats.

L’avis d’Electra, qui l’a mis dans son top 2022. C’est le premier livre que j’ai terminé en 2023.

Michelle Zauner, Crying in H Mart, Knopf, 2021, 242p. (non traduit)

Short diary of the week (338)

Lundi: une très mauvaise nuit – sans vraie raison – mais je dois peut-être regarder du côté d’une meilleure hydratation le soir, j’ai l’impression que quand je bois plus d’eau le soir je dors mieux mais c’est un équilibre précis: si je bois trop tard je me réveille pour aller aux toilettes, congé donc !, les architectes de jardin peuvent continuer à travailler et donc j’ai eu un rendez-vous ce matin – à distance raisonnable – pour discuter d’un nouveau point d’eau à l’arrière du jardin, le projet est très enthousiasmant !, une grosse chute de tension, rempoter les herbes aromatiques, réfléchir au nouvel agencement des plantes à l’arrière du jardin, hésiter beaucoup: enlever les bambous et les remplacer par des érables ?, Breaking Bad

Mardi: encore une nuit très moyenne – c’est frustrant !, de retour au travail… à la maison, manger un délicieux goulash cuisiné par ma voisine, cinq des vingt variétés de tomates n’ont pas germé – mais j’ai assez de pousses pour remplir les pots vides (et j’ai pensé pour une fois à jeter les semences concernées), chercher de nouvelles chaises de jardin sur le net, cuisiner un plat pas mal mais il manque quelque chose pour que ce soit vraiment savoureux, Better Call Saul

Mercredi: une meilleure nuit, écouter ce « disque de réconfort » et réfléchir à un texte, un peu de lecture, et puis les nouvelles me troublent – j’ai peur de retourner travailler le 3 mai en prenant les transports en commun (il y a sans doute peu de chances en fait quand on y réfléchit un peu), du coup je ne fais pas grand chose de ma soirée, et je m’endors sur mon roman alors qu’il ne reste que 20 pages

Jeudi: écrire avec entrain, et puis cette horrible nouvelle: un de mes collègues est décédé d’une rupture d’anévrisme, je suis bouleversée tout comme les quelques collègues que je contacte, je regrette déjà son humour très cynique, me défouler sur les bambous pour tenter d’oublier, et puis terminer ce beau roman, et commencer un autre qui semble prometteur – j’aime l’écriture dès les premières pages, un apéro en visioconférence, deux épisodes de Breaking Bad – la fin de la troisième saison et le début de la quatrième

Vendredi: réveillée quelques minutes avant le réveil, commencer une tâche, être interrompue par une plus urgente, semer des courgettes et concombres, de la lecture, un nouvel apéro partagé sur instagram, mon papa me raconte au téléphone que son meilleur ami d’adolescence est décédé, Breaking Bad, Gardener’s World

Samedi: me réveiller pendant la nuit à cause de nausées, les courses, parler un moment avec le responsable des vins qui me raconte combien certains clients sont chiants, me réjouir de la pluie qui arrose enfin le jardin, me dire que je vais commencer un nouveau projet couture facile et rapide, et puis hésiter le reste de la matinée, divers facteurs entrent en compte – le changement de couleur du fil dans la surjeteuse n’étant pas des moindres, trouver finalement une idée – encore un sacré frankenpattern – avec un tissu foncé mais estival quand même, décider qu’une sieste me ferait du bien, dormir profondément pendant deux heures – et j’ai du mal à me réveiller après ça, du jardinage, de la lecture, The last reel – un film cambodgien diffusé gratuitement pour le moment

Dimanche: une bonne nuit, un temps tout gris, couper du tissu pour une nouvelle robe, enfin terminer le tri des photos de mon voyage au Japon, de la lecture, cuisiner un bon plat, Babylon Berlin

15 years

Angèle - 1998
Maman et moi, printemps 1998

Aujourd’hui, ça fait 15 ans que ma maman est décédée. Pendant des années, j’ai plus ou moins consciemment oublié la date mais quand on a commémoré le tsunami de 2004 en décembre, j’ai su que je ne pourrais pas masquer ce fait. Ma maman a eu toute sa tête jusqu’au 24 décembre, le jour de son anniversaire. La nuit, elle est tombée et a été hospitalisée, et est devenue complètement confuse. Elle n’a jamais réalisé que le tsunami a eu lieu, et ça m’a marquée. Elle a passé les derniers mois de sa vie en maison de repos, sans nous reconnaître, mon papa et moi. Avant-hier, j’ai été vérifier sa date de décès sur le faire-part, je me souvenais que c’était quelque part à la mi-mars mais je n’étais plus sûre de la date.

Ce 24 décembre, elle a fait promettre à mon compagnon de l’époque (que j’avais rencontré six mois plus tôt) de bien s’occuper de moi. Je comprends pourquoi elle l’a fait, j’aurais préféré qu’elle ne le fasse pas, ça s’est en partie retourné contre moi. « J’ai promis à ta maman, je ne peux pas te quitter » Et puis aussi, j’ai eu droit à plein de commentaires du genre « Depuis qu’elle est décédée, tu n’es plus la même, tu as changé ». Je suis sûre que si elle avait vécu plus longtemps, ma vie aurait été différente; elle m’aurait écoutée et peut-être poussée à prendre des décisions difficiles. Même si, je dois bien l’avouer, nos relations ont souvent été conflictuelles, mais elles étaient en passe de se résoudre. Elle a toujours voulu le meilleur pour moi, mais au point d’imposer ses propres désirs et angoisses (je devais épouser un avocat ou un médecin, apprendre à jouer du tennis, faire de bonnes études, elle s’était fâchée quand j’avais trouvé un boulot un mois après la fin de mes études – je n’allais quand même pas aller travailler chez ces « socialistes »…). Mais entre temps, j’étais devenue adulte et elle avait compris que j’avais trouvé une voie qui me convenait, malgré ses réticences.

Je me doute bien qu’elle n’aurait jamais atteint les 88 ans qu’elle aurait eu aujourd’hui, mais j’aurais aimé pouvoir me confier à elle un peu plus longtemps. Depuis son décès, j’ai été à la recherche de quelqu’un qui pourrait un peu jouer ce rôle de « maman » mais personne n’a pris le relais. Ma belle-mère de l’époque n’était pas du tout maternelle / maternante, et la nouvelle compagne de mon papa a tout simplement refusé de partager la moindre intimité, même quand mon père lui a demandé de le faire. Ma maman me manque, encore aujourd’hui.

Je me souviens que le jour où elle est décédée, il faisait froid et gris; l’hiver avait été long et sombre. Le jour de son enterrement, le printemps a commencé. Aujourd’hui, la météo est encore changeante mais les prochains jours s’annoncent très cléments.

Short diary of the week (207)

Lundi: et c’est parti pour une nouvelle semaine, il faudra penser au ticket d’avion, cet autre site me propose d’ailleurs des choses bien plus intéressantes que le premier, la suite de la gestion du projet qui m’occupe depuis quelques semaines, rentrer à pied avec quelques circonvolutions puis toujours tout droit via l’allée verte, plus envie de tondre la pelouse même si c’est du coup reporté à vendredi au plus tôt, une légère vexation de plus: quand on raccroche le téléphone pendant qu’on dit encore au revoir, Twin Peaks, Harlots

Mardi: tenter encore les sandales mais déprimer à la vue du ciel gris, corriger des textes, avoir froid, une demande à la deadline très très courte, apprendre que ma tante et marraine vient de décéder, prévenir mon papa, retrouver une photo d’elle mais hésiter à la publier, de la tristesse, Happy Together de Wong Kar Wai (et prendre des notes tout en regardant)

Mercredi: écrire donc ce petit texte sur Happy Together, compléter un autre article, certains jours je peux être particulièrement silencieuse en groupe – sans raison, une rencontre inattendue, un délicieux repas chez GRAMM – saveurs inédites et délicates – une cuisine maîtrisée, une amitié qui dure depuis une vingtaine d’années, un crocodile

Jeudi: une nuit trop courte et fort agitée, ressortir les collants, râler mais m’attaquer au boulot qui me fait râler pour que ce soit terminé, le coup de pompe de l’après-midi, aller en ville acheter un ticket d’avion, m’écrouler dans le canapé devant Harlots

Vendredi: continuer le boulot qui ne passionne pas et le terminer pour midi, continuer le reste du boulot, contente que ce soit la fin de la semaine mais devoir encore faire des courses pour mon papa et moi, Harlots – fin de la première saison

Samedi: pas très bien dormi, prendre la route et assister à l’enterrement de ma tante, une journée aux nombreuses émotions, des maux de tête, de la lecture, des frites comme comfort food, The far country (Anthony Mann, 1954)

Dimanche: me réveiller et me lever mais retourner au lit pour dormir encore un peu, TBBT S03 E03&4, rassembler des mails pour l’organisation d’une troc party, terminer la couture d’une robe, pour un premier essai il n’y a que peu de défauts, m’installer au jardin et terminer le livre entamé il y a trop longtemps, hésiter à poursuivre le challenge PAL de vacances et puis opter quand même pour un roman qui entre dans une des catégories, prendre mon temps pour préparer un joli cocktail et le repas, commencer The Bird people in China (Takashi Miike, 1998) et après une heure ne plus regarder que d’un oeil distrait

March 12

Il y a de ces jours qu’on redoute, qui font peur à l’avance, qui font pleurer même si on n’y est pas encore. Le 12 mars, ça fera 10 que ma maman est décédée. Je ne suis même pas sûre que c’était le 12 mars. Elle a été enterrée un 17, de ça je suis certaine. C’était le début du printemps et il y avait beaucoup de soleil après un hiver sombre et humide. Je n’ose pas demander la date à mon papa, je ne sais pas où est le faire-part de son décès, je ne sais même pas si j’en ai gardé. Je n’ai jamais été voir sa tombe. J’ai le vague souvenir qu’elle est quelque part vers la droite dans le cimetière. Je n’ai jamais pu me résoudre d’y retourner. Je sais qu’elle est bien entretenue et fleurie, mon papa y va de temps en temps. Je m’en veux quelque part de ne pas y être allée, j’aimerais pourtant mais je n’y arrive pas. Dix ans sont passés, je ne suis plus la même, je ne suis plus en couple, et je crois que ça aussi fait mal. J’aurais tellement aimé parler avec ma maman, lui dire tout ce qui n’allait pas, lui demander conseil… Elle m’aurait aidée, accompagnée, sans doute brusquée aussi mais surtout consolée en fin de compte. Elle me manque. Les amis, on peut pleurer sur leur épaule une fois, deux fois… mais ils se lassent et veulent qu’on passe à autre chose. C’est normal quelque part, il n’y a pas cette intimité. Une maman, la mienne en tous cas, n’aurait jamais abandonné. Et mon papa dans tout ça ? Ce n’est pas la même chose. Je sais qu’il est là mais nous ne parlons que très peu de nos sentiments. Il me comprend mais il y a une grande gêne de parler de choses intimes. Je n’ai pas de frères ni soeurs, je me suis sans doute trop appuyée sur mon ex-compagnon. Mais je sais que dans l’attente de ce jour anniversaire, je me sens fort seule avec des sentiments de tristesse dont je ne sais que faire, à pleurer toute seule devant mon ordinateur en écrivant ces lignes alors que j’aimerais me blottir dans les bras de quelqu’un.

La vie est faite de plein d’embuscades et d’étapes. Celle-ci en est une. Je vais passer au-delà…

The Broken Circle Breakdown

L’année passée, environ à la même époque, diane m’avait parlé d’un film en production, The Broken Circle Breakdown. Il savait que ça m’intéresserait à cause de la musique bluegrass/old time et nous avions tous les deux beaucoup aimé le film précédent de Felix Van Groeningen, De helaasheid der dingen (La merditude des choses). Déception quand il est sorti au cinéma: les seules salles qui le jouaient étaient en Flandre ou à Kinepolis à Bruxelles, une salle situé à une heure de métro de la maison, à l’opposé de la ville. Nous aurions pu aller à Louvain mais sans être sûrs de la présence de sous-titres en français, qui même pour moi sont parfois bien utiles quand le néerlandais n’est pas du néerlandais mais du limbourgeois ou de l’anversois (je comprends parfaitement le west-flamand par contre – c’est ce que parle Arno).

diane a fait une tentative de téléchargement cet hiver mais c’était un fake. Avant-hier, je regardais le programme des concerts de l’AB et j’ai vu que le Broken Circle Breakdown Band donnait un concert en mars (et c’est déjà sold out). Entretemps le dvd est sorti et ce n’est plus aussi compliqué de voir le film. Je ne connaissais pas vraiment l’histoire… (et je comprends mieux pourquoi en ayant vu les photos disponibles sur le net). Cela commence comme une histoire d’amour: Didier, musicien et chanteur dans le Broken Circle Breakdown Band (nom qui fait référence à la chanson Can the circle be unbroken de la Carter Family), rencontre Elise, tatoueuse old school. Les images mélangent la chronologie, elles montrent le couple mais aussi leur petite fille, Maybelle (comme… Maybelle Carter) et des scènes d’hôpital puis des retours en arrière. Maybelle a six ans et est malade du cancer. A partir de là, tout s’enchaîne, dans le désordre ou pas, tout en étant entrecoupé de chansons bluegrass. Au milieu du film, on entend Wayfaring Stranger, une chanson que j’ai associée au décès de ma maman, une chanson qui est très émouvante et à laquelle je me suis attachée au-delà de toute considération religieuse reprise dans les paroles. J’ai fondu en larmes. Et j’ai eu beaucoup de mal à m’arrêter pour le reste du film.

C’est une production flamande, les sentiments sont crus, extrêmes, exacerbés d’une manière qu’on ne voit que très peu dans du cinéma américain ou français. Les acteurs semblent si naturels. Oui, il y a une dose de mélo mais il y a tant de vérité aussi. Et puis, quoi de plus beau que ces paysages flamands si reconnaissables, ces routes bordées d’arbres sous la pluie, les vaches dans le pré ou le gris du ciel. Mais aussi la beauté du dernier concert, filmé dans la magnifique salle anversoise De Roma (et l’actrice porte une robe Red Juliet). Le paradoxe, c’est qu’à ce moment-là, un concert de bluegrass n’aurait attiré que quelques dizaines de personnes mais le théâtre est plein. Aujourd’hui, la tournée du groupe connait un grand succès et le disque avec le soundtrack est trois fois platine.

Depuis, j’ai une envie irrésistible de réécouter du bluegrass et de l’old time.