Singapore sapphire

A.M. Stuart, Singapore sapphire: Singapour, 1910 – Harriet Gordon, veuve, est venue rejoindre son frère à Singapour et cherche un moyen pour devenir indépendante financièrement. Elle propose ses services comme secrétaire personnelle via une annonce dans le journal et trouve rapidement un premier client, Sir Oswald Newbold, un explorateur et membre de la Société de Géographie locale. Sauf qu’elle le retrouve dans un bain de sang, avec un couteau planté dans la gorge. L’inspecteur de police Robert Curran prend l’affaire en main. Il se rend très vite compte qu’Harriet a le sens de l’observation et du détail et que son aide sera précieuse dans son enquête.

L’histoire est classique: un meurtre, un trafic de pierre précieuses, plusieurs personnes qui cachent qui elles sont réellement. Le lieu l’est un peu moins, le Singapour colonial. Et c’est ce qui m’a attiré, ainsi que l’idée de voir une femme qui mène l’enquête. Si j’ai retrouvé avec plaisir le climat tropical et la société locale, j’ai par contre été un peu déçue par le récit, qui met beaucoup de temps à se mettre en place, et par le rôle trop important de Curran, même si Harriet prend sa place au fil des pages. J’ai mis beaucoup de temps à lire la première moitié, manquant d’incitants à connaître l’histoire; heureusement la seconde moitié s’accélère un peu. Il y a un second volume, et un troisième paraîtra en 2022 mais est-ce que j’ai envie de les lire ? Surtout qu’apparemment, cela tourne à nouveau autour du trafic de pierres précieuses. L’avenir le dira mais je pense que je vais d’abord retourner à cette autre femme qui enquête à la même époque mais en Inde, Perveen Mistry (deux semaines après avoir rédigé le brouillon de cet article, je me rends compte que j’ai vraiment envie de lire la suite des aventures d’Harriet Gordon !).

Revolusi

David Van Reybrouck, Revolusi. Indonesië en het ontstaan van de moderne wereld (L’Indonésie et la création du monde moderne): après avoir écrit l’histoire du Congo, David Van Reybrouck s’est attaqué à l’Indonésie. Cela ne lui semblait pas évident au départ, et il craignait ne pas être la bonne personne pour l’écrire, mais justement, le fait d’être Belge et non Hollandais lui a permis d’avoir un point de vue neutre et impartial. Il a appliqué la même technique: interroger les gens qui ont vécu les événements importants du 20e siècle. Si le livre commence par relater l’histoire ancienne de l’Indonésie en très résumé, puis celle de la colonisation par les Hollandais, il se concentre sur la Seconde Guerre mondiale et surtout sur les quelques années qui ont mené à l’indépendance en 1949, années troubles marquées par un pays qui ne veut pas lâcher sa colonie et fait tout pour la garder, même envoyer son armée.

Les personnes qui ont vécu cette période sont aujourd’hui âgées, et il était temps de recueillir leurs témoignages (beaucoup sont décédées depuis). Comme Van Reybrouck ne fait pas les choses à moitié, il a interrogé des Hollandais et des Indonésiens, visitant de nombreuses maisons de repos à Jakarta ou La Haye mais il s’est aussi intéressé aux vétérans japonais, aux quelques-uns qui ont bien voulu parler (cette guerre est gommée des mémoires locales) et aux gurkhas, ces soldats népalais qui sont intervenus dans le cadre d’une mission de l’armée britannique pour surveiller le retrait des troupes nippones.

Van Reybrouck raconte les événements mais explique aussi le contexte plus large, comment le colonisateur a divisé une société en trois classes, comme sur les paquebots de l’époque, les Indonésiens ayant été relégués dans la cale. Il relate comment certains ont tenté de se libérer de ce système et ont oeuvré à l’indépendance. Et il n’hésite pas à expliquer comment les Hollandais ont abusé de leur pouvoir, envoyant des escadres de l’armée qui massacraient des villages entiers. Les Pays-Bas ont longtemps gommé ces épisodes et ce n’est que depuis peu qu’il resurgissent dans les discussions politiques. Enfin, il parle de la place importante qu’a prise l’Indonésie dans le monde de l’après-guerre, rassemblant les pays du tiers monde (l’appellation n’était pas péjorative à l’époque) en un groupe distinct, conscient de leur force, en organisant la conférence de Bandung.

Ce livre est un pavé, mais il est passionnant du début à la fin, et comme toujours superbement bien écrit. Il y a un rythme, il y a le choix des mots, il y a ces inserts plus personnels racontant les expériences de l’auteur qui coupent l’aride somme des événements, il y a cette envie de raconter l’histoire en mettant en avant tous les points de vues différents, pas que celui du colonisateur. Il y a la grande histoire et puis la petite, celle des gens qui ont vécu ces moments. Je recommande, évidemment, et j’espère qu’il sera traduit très vite (en néerlandais, c’était un bestseller dès sa sortie et il y a déjà eu plusieurs réimpressions). Et comme après Congo, je souhaiterais lire d’autres livres du genre, expliquant la décolonisation de pays d’Afrique ou d’ailleurs, mais prenant compte de tous les points de vue.

The anarchy

William Darymple, The anarchy: the relentless rise of the East India Company: 1600 – la reine Elisabeth I signe une charte royale octroyant le monopole du commerce dans l’Océan Indien à la Compagnie des Indes Orientales. C’est le début d’une aventure qui va mener à la colonisation du sous-continent indien. Entreprise commerciale à la base, la Compagnie a été autorisée dès le début à mener la guerre, et c’est ce qu’elle va faire, occupant au cours des 17e et 18e siècles de plus en plus de territoires et soumettant l’empereur et les rajas locaux. William Darymple détaille cette histoire dans son nouveau livre, montrant comment certaines actions étaient bien réfléchies tandis que d’autres étaient juste des coups de chance. C’est très fouillé, et le lecteur se perd souvent dans les personnages, mais surtout dans les nombreuses batailles, ponctuées de pillages et de tortures des perdants (aucun détail n’est épargné). Darymple a l’art de garder le suspense mais parfois l’histoire elle-même devient un peu ennuyeuse. Je n’ai jamais été passionnée par l’histoire politique et militaire, et ce livre ne parle que de ça; je pensais en fait retrouver une description de la société de l’époque et ce n’est pas le cas. Mais au final, je ne suis pas mécontente de ma lecture, parce qu’elle met le doigt sur des événements importants dans l’histoire et montre comme un empire a été créé par une petite entreprise commerciale avide d’argent, et sans respect aucun pour la culture locale. Je ne conseille pas ce livre à tout le monde mais je ne peux qu’admirer les recherches de l’auteur.

J’ai commencé ce livre bien avant que je n’aie connaissance du challenge non-fiction d’Electra mais je l’ai terminé pendant le mois de novembre, pendant la période de publication de ce challenge.

The fishing fleet

51kn1wapkpl-_sx320_bo1204203200__zpsbskypz74Anne De Courcy, The fishing fleet. Husband-hunting in the Raj: je suis tombée sur ce livre par hasard, au détour de mes recherches sur les femmes voyageuses et l’Inde coloniale. Phénomène apparement très connu des Britanniques (mes compagnons de voyage au Sri Lanka étaient au courant), la Fishing Fleet était un mystère pour moi. Sous le Raj, sous la domination britannique en Inde donc, de nombreuses jeunes filles étaient envoyées dans la colonie pour épouser l’un des nombreux hommes célibataires qui y travaillaient, que ce soit dans le service civil ou dans l’armée. Il était en effet très mal vu, voire même interdit, d’épouser une Indienne car on ne mélangeait pas les races à cette époque. Anne De Courcy s’est basée sur de nombreux journaux intimes de l’époque ainsi que sur d’autres documents historiques pour décrire la vie de ces femmes, de leur départ en bateau jusqu’à leur arrivée et leur vie sur place. Elle parle des rencontres, des bals, des promenades et chasses au tigre, des mariages mais aussi de la vie parfois difficile après l’union – dans des contrées isolées sans le moindre médecin à proximité alors que ces lieux grouillaient de bêtes sauvages et de maladies tropicales. Je ne dirais pas que cela se lit comme un roman – j’ai mis plusieurs mois à terminer le livre – mais ce qui est décrit est passionnant, c’est une tranche de vie des colonies, sous les tropiques. Ce qui me fait penser que je devrais chercher un équivalent pour l’Indochine – si ça existe.

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