Le confinement aura confirmé une évidence dont je n’étais pas tout à fait consciente: j’aime la solitude. Mais il aura aussi démontré que les contacts sociaux me font du bien ! Fille unique, j’ai très vite appris à m’occuper toute seule et à remplir mon temps indépendamment. J’ai eu des périodes d’ennui, comme tous les enfants, mais je n’ai pas le souvenir que cela ait été difficile à gérer.
A partir de l’adolescence, je me suis persuadée qu’il fallait que je trouve l’âme soeur, que c’était le seul moyen pour que je sois heureuse, sans doute aussi parce que c’était le modèle type que présentait la société. A l’université, et les années après, je suis sortie énormément, j’ai rencontré pas mal de gens, j’ai trouvé non sans difficultés quelques compagnons de courte ou longue durée. Je me suis accrochée à eux parce que ma plus grande crainte était de me retrouver toute seule.
Aujourd’hui, je vis seule, mes parents sont tous les deux décédés, je n’ai pas de frères et soeurs, juste des cousins et cousines qui ont leur propre famille (mais qui sont présents en cas de souci majeur, comme pour l’enterrement de mon papa). J’ai une cousine un peu plus proche, mais on ne se voit pas très souvent. Cette année était faste avec quatre visites, d’habitude ça se limite à la fête de Noël ! J’ai aussi quelques amis, peu en fait, mais fidèles, et une voisine et son mari toujours prêts à faire une conversation ou à aider pour l’une ou l’autre chose.
Et vous savez quoi, je suis heureuse. Bien sûr que je déprime de temps en temps, et que parfois une compagnie, un câlin, un conversation (ou peut-être même un chat) me manquent vraiment. Mais si je devais comptabiliser cela en temps, je dirais que ça couvre 5%.
Par contre, je suis de plus en plus fâchée et déçue quant à la manière dont on décrit les personnes seules: il n’y a que des portraits personnes malheureuses ou déconnectées de la société. Et les femmes, c’est encore pire ! Connaissez-vous un seul film qui montre une femme célibataire (et pas que de 20 ans) qui est heureuse seule, qui vit très bien sa vie, qui voyage et qui sort, et dont le but ultime n’est pas la recherche d’un futur mari (ou amant) ? Moi pas (mais si vous avez des suggestions, je suis toute ouïe).
Et aussi, ces personnes seules, dans l’esprit des gens, ce sont toujours des personnes âgées – ce qui n’est pas le cas. Arrêtons de nous fier aux apparences. Entre moi et mon autre voisine qui doit être dans la septantaine et dont le mari est décédé, qui voit le plus de gens ? Qui a invité ses amies, ses enfants et son petit-fils pendant tout le premier confinement ? Je lui proposé de l’aide au début, mais je me suis vite rendue compte qu’elle n’en avait pas besoin. (Attention, moment Caliméro) Alors que de mon côté, j’aurais parfois apprécié un peu plus de marques d’attention.
J’ai digressé (cette mini-frustration devait sortir aussi), mais c’est lié à l’image que se fait la société de la solitude. Quelque chose de triste, qu’il faut éviter à tout prix. On nous pousse dès le plus jeune âge à trouver des amis et à imaginer une vie en couple. Si on est seul, on a raté sa vie, d’autant plus si on est une femme, qu’on décrira comme une sorcière, comme une mégère, comme mémère à chats. L’homme, lui, sera indépendant, libre, sans attaches.
De plus, pas mal de choses sont organisées pour des groupes plus grands, à partir de deux en général: les blancs de poulet se vendent par deux, les plus petits sachets de choux de bruxelles pèsent 500g, le vin se vend en bouteille de 75cl (il y a des formats plus petits mais le choix est très limité)… Si on veut voyager en groupe, il faut payer le supplément « single » qui est souvent prohibitif ou accepter de partager une chambre avec un parfait inconnu, et même en solo, les chambres sont bien plus chères. Au restaurant, on vous regarde parfois de travers – encore une personne qui va occuper une table de deux et ne payer qu’un seul repas, et d’autres clients ont parfois un regard de pitié même si on se sent très bien de manger seul. Les factures (le chauffage, le cadastre ou le loyer) liées au logement sont identiques, qu’on y vive seul ou à cinq (même si l’espace varie évidemment plus ou moins en fonction du nombre). Pourquoi une personne seule devrait-elle se limiter à un mini-appartement sans jardin ? Et j’oublie certainement d’autres situations.
Alors que vivre seul n’est pas la fin du monde, loin de là ! Je voulais écrire ce billet justement pour casser quelques idées reçues. Je lisais encore dernièrement quelqu’un qui disait que vivre seule lui serait impossible et trop déprimant. Et pourtant, cela a beaucoup d’avantages et n’est pas synonyme de tristesse. Je ne cherche plus quelqu’un pour me « compléter » (si jamais je rencontre quelqu’un, ce sera une relation différente, je pense). Je suis libre, je suis indépendante, et j’accepte que ce n’est pas toujours facile (j’ai peur de tomber malade par exemple). J’aimerais que l’image de la société puisse changer aussi.