Fingers Crossed

Miki Berenyi, Fingers Crossed. How Music Saved me from Success: Miki Berenyi est la chanteuse de Lush, ce groupe de shoegaze populaire au début des années 1990, et un groupe que j’aimais beaucoup. Sa vie valait bien une autobiographie, elle n’est pas de tout repos. Née d’un père hongrois et d’une mère japonaise, qui se sont rencontrés à l’époque des jeux olympiques de Tokyo alors que lui était journaliste là-bas, Miki est enfant unique. Ses parents se séparent assez vite, son père étant un coureur de jupons invétéré. Elle vit à Londres alternativement chez l’un et chez l’autre, puis uniquement chez son père alors que sa mère est partie habiter à Los Angeles avec son nouvel ami. Ce n’est pas simple: elle doit supporter sa grand-mère hongroise qui est une femme aigrie et problématique. A l’adolescence, elle sort beaucoup et rencontre quelques musiciens. Avec une des meilleures amies, Emma, elle crée un groupe, accompagnée par deux garçons. C’est le début de Lush, et d’une autre histoire qui occupe la seconde partie du livre. Miki raconte la vie de pop star, les enregistrements des albums, les concerts, et en particulier Lollapalooza.

Son ton est résolument féministe à une époque où être un groupe de filles était mal vu. Certaines stars de l’époque en prennent pour leur grade, et elle est assez critique de la scène indie pop britannique du milieu des années 1990. C’est un livre sur la musique, mais surtout un livre d’une femme qui grandit dans un environnement compliqué, avec un père trop occupé par ses conquêtes et une mère à l’autre bout du monde. Miki fait un portrait très intime d’elle-même; elle explique ses sentiments, parle de ses problèmes, raconte comment elle a souvent été collante auprès des ses amies parce qu’elle avait peur d’être abandonnée. C’est très touchant. Et très certainement une des meilleures autobiographies d’artiste pop du moment (je n’ai pas encore lu celle de Dave Grohl qui est probablement fort différente).

Miki Berenyi, Fingers Crossed. How Music Saved me from Success, Nine Eight Books, 2022, 367p. (par le plus grand des hasards, mon exemplaire est dédicacé)

Tout garder

Carole Allamand, Tout garder: quand la mère de Carole Allamand décède, elle se rend compte qu’elle ne la connaissait plus. Elle avait émigré aux Etats-Unis, sa mère restant en Suisse, dans l’appartement familial. Elles se parlaient parfois au téléphone et échangeaient des platitudes. Quand Carole entre dans l’appartement, elle découvre que sa mère avait accumulé les choses, rempli chaque recoin d’objets inutiles et divers, souffrant du syndrome de Diogène. Commence alors le vidage, le nettoyage, et le dévoilement strate par strate de son passé.

C’est un sujet qui me fascine – ma mère accumulait beaucoup aussi, mais c’est toujours resté vivable, rangé dans des armoires, prêtes à exploser, certes, mais rangé quand même. Carole Allamand explique comment on en arrive là en relatant ce qu’elle a lu dans des livres ou sur le net et puis tente de trouver des explications concernant sa mère. Elles ne sont pas très roses et pourtant si courantes. Le livre est intéressant, facile à lire et bien écrit. Je me suis une fois de plus révoltée intérieurement sur notre société et sur la tristesse de la vie de certaines femmes. A lire si le sujet vous intéresse.

Une idée piochée chez Keisha.

Carole Allamand, Tout garder, Anne Carrière, 2022, 192p.

Une guerre dans la tête

Doug Peacock, Une guerre dans la tête: en commençant ce livre, je n’avais pas réalisé qu’il s’agissait d’une autobiographie, celle de Doug Peacock, un Américain traumatisé par la guerre du Vietnam et proche ami d’Edward Abbey qui s’en est inspiré pour écrire Le gang de la clé à molette. Je n’ai jamais lu Abbey (ça viendra sans doute un jour) et au début de ma lecture, j’ai regretté d’avoir entamé ce livre vu que je ne connaissais pas assez bien le contexte. Et puis au fil des pages, j’ai été séduite. Peacock s’attarde en effet longuement sur les dernières semaines de vie d’Abbey, semaines qu’ils ont passées ensemble en grande partie, mais il entrecoupe son récit par d’autres histoires. L’une est particulièrement prenante: Peacock est dans l’Himalaya et dépasse ses limites; il pense même qu’il va mourir sur place tant il se sent mal. Il raconte aussi ses marches en solitaire dans diverses régions reculées des Etats-Unis, dans le désert, dans la forêt à la rencontre des ours (encore un grand moment de suspense). Il parle également de son stress post-traumatique et des effets néfastes qu’il a eu sur sa vie, son couple, ses amitiés. C’est un très beau livre, très touchant dans la description de sa relation avec Edward Abbey, passionnant dans les descriptions très minutieuses de la nature sauvage, et intéressant parce qu’il montre comment la marche peut être thérapeutique.

C’est Keisha qui m’avait donné envie de lire ce livre, avant que je ne l’oublie sur ma PAL.

Doug Peacock, Une guerre dans la tête, Gallmeister, 2007, 241p. (traduction Camille Fort-Cantoni, titre original: Walking It Off: A Veteran’s Chronicle of War and Wilderness, 1997)

Crying in H Mart

Michelle Zauner, Crying in H Mart: Michelle Zauner, musicienne et chanteuse dans le groupe Japanese Breakfast, raconte sa vie dans ce livre. Elle a été très marquée par le décès de sa mère, et revient en arrière sur son enfance et adolescence à Eugene en Oregon. Elle est eurasienne: son père américain a rencontré sa mère coréenne lorsqu’il était stationné à Séoul. Cette dernière l’a maternée et entourée de soins à l’extrême, toujours très critique et exigeante, espérant créer l’enfant et l’adulte idéale selon ses normes à elle. Michelle a très vite été étouffée par ces attentions, elle s’est rebellée à l’adolescence et elle a donc décidé d’étudier sur la côte est pour mettre de la distance entre elles. Elle revient à Eugene quand sa mère lui apprend qu’elle est atteinte du cancer pour la soigner et essayer de renouer avec sa part coréenne qu’elle a toujours niée, se rendant compte qu’elle la connaît si peu.

Ce livre est une réflexion sur la perte mais aussi surtout sur le mélange de deux traditions, l’américaine à laquelle Michelle veut se conformer, et la coréenne qui s’immisce par plein d’interstices. C’est par la nourriture et la cuisine qu’elle apprivoise cette part asiatique en elle, et elle décrit tous les plats coréens qu’elle adore mais qu’elle ne sait pas cuisiner parce que sa mère ne lui a pas montré comment faire, ou très peu, sans vraie recette et sans quantités précises. Elle se tourne vers youtube et les clips de Maangchi (ce qui m’a fait sourire parce qu’on m’avait conseillé ses livres) et retourne en Corée, un pays qu’elle voit d’un regard neuf même si elle y a passé de nombreuses vacances lorsqu’elle était petite. Le deuil transparaît au cours de l’entièreté du roman mais il est assez apaisé (cela me faisait un peu peur à vrai dire), et j’ai beaucoup aimé la sensibilité de l’autrice, sa manière de décrire comment elle a vécu cette période difficile, et surtout la description de tous les plats.

L’avis d’Electra, qui l’a mis dans son top 2022. C’est le premier livre que j’ai terminé en 2023.

Michelle Zauner, Crying in H Mart, Knopf, 2021, 242p. (non traduit)

Girls on Film

Alicia Malone, Girls on Film: The Complete History of the Women Who Broke Barriers and Redefined Roles: ce livre ne s’annonçait pas trop bien au départ et j’ai beaucoup traîné dans les premiers chapitres. Je m’attendais en effet à autre chose, plus dans la veine des deux autres livres de l’autrice. Alicia Malone raconte ici sa propre vie et son parcours, parlant des films qui l’ont influencée au fil des années. Dès l’enfance, elle s’est passionnée pour le cinéma et a eu la chance d’avoir un bon vidéoclub là où elle habitait en Australie. Et donc le premier chapitre parle de son amour pour un film avec Elizabeth Taylor, National Velvet – ou l’histoire d’une enfant et de chevaux – le genre de film que je fuis ! Mais j’ai continué ma lecture, et au fil des pages, j’ai vraiment accroché à son récit, mêlant expériences personnelles et la manière dont les femmes sont montrées au cinéma, tout particulièrement dans les films classiques d’Hollywood. Sa détermination et son enthousiasme sont enivrants et m’ont inspirée alors que je suis dans une période où je me pose beaucoup de questions quant à mon travail. Son poste rêvé était de devenir journaliste et présentatrice de films sur TCM (la chaîne américaine consacrée aux classiques du cinéma) et elle a progressivement mis en place tous les éléments qui pourraient la mener là. Elle a pris son temps mais elle y est arrivée et c’est une belle victoire. Je ne pensais pas que lire ce livre m’aiderait autant au niveau personnel, ce n’est pas pour ça que je l’avais acheté. Je suis sortie de ma lecture avec de nouvelles envies pour mon futur, et même si rien ne se réalise, au moins j’aurai entrevu les possibilités. (Il est vrai que depuis la fin de ma lecture, ma détermination flanche déjà, faute à ce fichu syndrome de l’imposteur qui montre à nouveau le bout de son nez.)

(et depuis, cette chanson ne quitte plus ma tête)

Alicia Malone, Girls on Film: The Complete History of the Women Who Broke Barriers and Redefined Roles, Mango, 2022

A trip of one’s own

Kate Wills, A trip of one’s own. Hope, heartbreak and why travelling solo could change your life: le sous-titre explique assez clairement pourquoi j’ai été attirée par ce livre – c’est le récit d’une femme qui voyage en solo et qui aime ça ! Kate Wills est journaliste, spécialisée en voyages et tourisme. Elle parcourt donc le monde pour écrire divers articles (un métier qui me plairait bien, d’ailleurs !). Suite à son divorce, elle commence à voyager seule et c’est cette expérience qu’elle raconte dans ce livre, mettant en avant tous les avantages de ce type de périples. Je n’ai pas grand-chose à dire sur ce récit, il n’est pas ennuyeux (je l’ai même dévoré) mais il reste assez convenu; il donne des conseils (que je connaissais déjà pour la plupart) et le point de vue d’une femme. Mais il n’est pas pour moi: comme tous les autres récits du même genre, il insiste sur le fait qu’on rencontre toujours des gens en voyage et qu’on se crée de nouvelles amitiés, et que c’est vraiment bien. Je reste totalement imperméable à ce genre de choses, à tel point que ça commence même à m’énerver un peu (et je ne parle même pas de la fin !). J’aime beaucoup mes voyages solitaires, avec parfois des rencontres fortuites, mais qui ne durent jamais très longtemps. Je devrais sans doute arrêter de lire ce type de livres (mais je sais que je ne le ferai pas – j’espère toujours trouver celui qui me correspondra tout à fait) ! Par contre, il peut sans doute aider celles qui n’ont pas encore franchi le pas du voyage en solo.

Stories I only tell my friends

Rob Lowe, Stories I only tell my friends: c’est via l’autobiographie d’Andrew McCarthy et sa présentation sur goodreads que je suis tombée sur celle de Rob Lowe, déjà plus ancienne, publiée en 2011. Je ne pouvais pas passer à côté: les critiques étaient plutôt positives et c’était mon acteur préféré dans les années 1980. Ma copine aimait Tom Cruise, moi c’était Rob Lowe, et donc on allait voir tous leurs films ensemble (et on fantasmait beaucoup !).

Le schéma du livre est à nouveau assez classique, plutôt linéaire, à part un premier chapitre introductif se passant à un autre moment. Enfance dans l’Ohio, puis des parents qui se séparent et un déménagement à Malibu, en Californie, à une époque où ce coin de Los Angeles n’avait pas encore vraiment la cote. Rob Lowe était passionné par le théâtre mais trouve peu d’opportunités à LA, ce qui ne l’empêche pas d’être décidé: il veut faire carrière dans le cinéma et il fait de nombreuses auditions. Son premier rôle, c’est toute une saga: il joue en effet Sodapop dans The Outsiders de Francis Ford Coppola, avec une brochette de jeunes acteurs (Tom Cruise, Matt Dillon…). Lowe raconte la longue série d’auditions, le tournage, un montage qui réduit son rôle à pas grand-chose, le film qui n’a que peu de succès – cette partie a été passionnante pour moi – j’adorais ce film (je l’ai revu, du coup, en version director’s cut – et j’ai toujours aimé, mais pas de manière aussi inconditionnelle qu’avant).

Lowe décrit ensuite les films suivants, la création du « Brat Pack » – il est intéressant de lire que sa version n’est pas la même que celle d’Andrew McCarthy -, les rôles de beau mec mais dans des films pas super réussis, ses choix de plus en plus désastreux et ses addictions (lui aussi). Il parle aussi de son retrait calculé d’Hollywood, s’installant à Santa Barbara avec son épouse, puis de cette opportunité de jouer dans The West Wing, ce qui relance sa carrière.

Tout comme avec l’autobiographie d’Andrew McCarthy, j’ai adoré cette plongée dans le monde des jeunes acteurs d’Hollywood dans les années 1980, mes idoles de l’époque. Et Rob Lowe a écrit un livre passionnant, dont j’ai tourné page après page avec plaisir, apprenant à mieux connaître un homme avec ses doutes et ses passions.

Brat: An ’80s Story

Andrew McCarthy, Brat: an ’80s story: vous vous souvenez d’Andrew Mc Carthy cet acteur à la babyface qui avait joué dans Pretty in pink et St Elmo’s fire ? Si vous avez à peu près le même âge que moi, j’imagine que oui. En voyant dans la newsletter de goodreads qu’il avait écrit son autobiographie, je me suis précipitée dessus (et j’ai trouvé de l’inspiration pour un doublé – suite dans un prochain billet). Le format est assez classique: l’acteur raconte son enfance, ses études à New York, son premier rôle dans Class face à Jacqueline Bisset et Rob Lowe, les rôles qui se succèdent dans les années 1980, son inclusion dans le « brat pack », ce groupe de jeunes acteurs qui apporte un vent nouveau sur Hollywood (il est intéressant de constater qu’avant les années 1980, il n’y avait que très peu de jeunes acteurs, les rôles intéressants étant joués par des plus vieux – Dustin Hoffman dans The Graduate étant l’exemple type – ses 31 ans étaient bien visibles alors qu’il jouait le rôle d’un jeune homme de 21 ans). Si cette dénomination a aujourd’hui un côté nostalgique et plutôt positif, à l’époque, elle a nui aux carrières des acteurs qui se sont retrouvés embarqués plus ou moins de force dans ce groupe créé artificiellement. McCarthy en a clairement souffert: dans un premier temps, il a accepté des rôles qui allaient dans ce sens, des films pour ados mais par la suite, quand il a voulu sortir de cette image, ses choix ont été malheureux et l’ont finalement mené à quitter le métier d’acteur. McCarthy parle surtout des années 1980, de son parcours d’acteur mais aussi de la perte de son innocence et de sa plongée progressive dans l’alcoolisme. Il se présente comme quelqu’un de réservé mais qui adorait monter sur les planches depuis l’enfance, comme quelqu’un qui a eu la chance de se retrouver au bon endroit au bon moment et qui s’est laissé emporter dans les excès.

Et moi ? je me suis laissée emporter par le récit. McCarthy n’est pas un novice dans l’écriture: il a rédigé de nombreux articles pour des magazines de voyage dans une carrière ultérieure et cela se sent: il sait comment raconter une histoire et a le sens du rythme. Les pages se tournent toutes seules et au final, c’est une plongée intéressante dans le monde du cinéma des années 1980. J’ai adoré connaître les détails de certains tournages, et les raisons pour lesquelles certains films n’ont pas eu de succès (Less than zero par exemple). Ce n’est pas mon acteur préféré de la période, je l’ai toujours trouvé un peu fade, et franchement mal casté dans certains films comme Jours tranquilles à Clichy, mais son autobiographie fait le portrait touchant d’un homme qui a dû se réinventer plusieurs fois au cours de sa vie.

Brain on fire

Susannah Cahalan, Brain on fire: my month of madness: Susannah Cahalan, 24 ans, journaliste new-yorkaise, se réveille un jour attachée dans un lit d’hôpital. Elle ne se souvient de rien. Comment est-elle arrivée là, que se passe-t-il avec elle ? Elle tentera par la suite de reconstituer les divers épisodes qui l’ont menée là, et comment, grâce au travail minutieux et à la curiosité d’un médecin, elle sera soignée. Parce qu’elle n’est pas devenue folle comme le pensaient certains, elle a vraiment été touchée par une maladie.

Ce récit est passionnant et se lit comme un thriller mais il est en même temps angoissant quand on imagine combien de personnes ne sont jamais correctement diagnostiquées. Si le livre existe, c’est parce que l’histoire de Cahalan se termine bien et qu’elle a pu la raconter, et juste cela a déjà aidé d’autres personnes. Je ne sais pas trop que dire de plus, à part que si ce genre d’histoire vous intéresse, vous aimerez ce livre que vous lirez en un week-end comme moi.

Inheritance

Dani Shapiro, Inheritance: a memoir of genealogy, paternity, and love: auteur de nombreux romans (je n’en ai lu aucun), Dani Shapiro découvre un jour par un test d’ADN qu’elle n’est pas la fille de son père. Elle part à la recherche de son géniteur biologique et raconte toute son épopée. Elle relate aussi ses sentiments, son impression de ne plus être la même personne, ses doutes… J’avoue que c’est le sujet qui m’a attirée, je suis passionnée depuis longtemps par la généalogie, mais cette autobiographie m’a un peu laissée sur ma faim. Dani Shapiro décrit bien son état d’esprit mais toute sa recherche me semble bien facile (elle a eu beaucoup de chance, ce qu’on ne peut pas lui reprocher évidemment). J’attendais sans doute plus une histoire de famille sur plusieurs générations, avec un ancêtre qui aurait dévié de la voie tracée pour lui… Une petite déception liée à des attentes probablement trop importantes.