Fluctuations (3)

Je me sens globalement bien. J’ai l’impression que ce confinement n’est qu’une suite logique d’un parcours entamé il y a quelques années après ma rupture (mais que j’aurais aimé vivre différemment, sans les règles actuelles, évidemment). Si je me suis accrochée aussi longtemps à cette personne, envers et contre tout, c’est parce que j’avais peur d’être seule. Et puis un jour c’est arrivé, je me suis retrouvée seule.

J’ai repris les choses en main, pas à pas, prenant confiance mais perdant aussi les pédales de temps en temps. J’accepté le changement, j’ai décidé de tourner la page, de ne pas vivre dans le passé, de construire quelque chose de nouveau. Rien de tout cela ne s’est fait en un jour.

Un des éléments les plus importants dans ce parcours, ce sont les voyages (j’en reviens toujours à ça). Plus jeune, je n’osais pas voyager seule, et puis j’ai écouté les conseils d’une amie et je me suis lancée. En partie encore protégée et accompagnée lors d’un premier voyage (celui en Birmanie et en Thaïlande), mais aussi avec deux fois trois jours seule. Les trois derniers jours, j’ai profité pleinement.

Ma destination suivante a été le Japon où je suis partie trois semaines. J’ai adoré. J’ai répété l’expérience deux fois par la suite. J’ai aimé de plus en plus. Ces voyages ont permis de me recentrer, de trouver qui j’étais au fond de moi, de m’accepter de plus en plus telle que je suis. J’ai été aidée par des amis, par des articles divers, par la méditation, par un compte instagram ces derniers temps (The holistic psychologist). Je comprends mieux comment je fonctionne, quels sont mes « traumas » d’enfance (je mets de guillemets parce que c’est un bien grand mot – j’en parlerai peut-être plus tard).

Cette solitude tant aimée en voyage se prolonge quelque part pendant ce confinement. Je me sens libérée des obligations sociales. Autant j’aime la compagnie d’amis, sortir de chez moi est parfois difficile, c’est souvent un effort. Je contourne la question en proposant des sorties en semaine, après la fin du travail, sans repasser par chez moi d’abord. Je suis devenue très casanière (et ce n’est pas incompatible avec les voyages). J’aime tout simplement rester à la maison et je m’y sens bien (mes choix de lieu de vie ont toujours été liés à un sentiment de bien-être dès la première visite de l’endroit – ce qui explique aussi pourquoi je peux tant déprimer quand mon choix de chambre d’hôtel lors d’un voyage est complètement raté).

Tout n’est pas toujours rose tous les jours, loin de là. Mercredi, j’étais comme une cocotte minute prête à exploser, il fallait que ça sorte (encore merci à mes confident(e)s). Je ressassais une histoire d’amitié qui a évolué de quelque chose d’assez fusionnel en ses débuts à de l’ignorance totale de la part de l’autre personne aujourd’hui. Le contraste est trop violent pour que ce soit facile à accepter pour moi et j’en souffre. J’imagine que cette question occupera encore mon cerveau un moment, mais aussi que j’arriverai à m’en détacher.

En attendant, la semaine touche à sa fin; j’ai plus ou moins bien travaillé selon les jours. J’ai pris beaucoup de plaisir à écrire un texte, un autre est plus laborieux mais les recherches à ce sujet m’ont permis de regarder un documentaire qui m’a constamment fait penser à mon papa – ça se passait au Niger, mon papa y a fait un voyage il y a une quarantaine d’années. J’étais remplie de nostalgie.

Encore ceci: ce que je décris ci-dessus est mon état d’esprit. Nous sommes tous différents, il n’y a pas lieu de faire des comparaisons. Chacun vit cette situation à sa manière, et j’envoie beaucoup de courage et de soutien à chacun.

Fluctuations (II)

Après une semaine, j’ai pris mes marques. Le changement, le chamboulement même, de mes habitudes a été un moment difficile mais en fait je me suis adaptée assez vite. J’ai pris un autre rythme, qui a sans doute besoin encore de quelques ajustements, mais qui me convient très bien. Le weekend, rien n’a changé ou presque. J’ai toujours été casanière et à part la visite à mon papa que je n’ai pas pu faire, j’ai eu exactement les mêmes activités que les semaines précédentes.

Pendant la semaine, je travaille à domicile – c’est l’avantage de la rédaction web. Mon sommeil n’est pas encore tout à fait rétabli comme avant et je me réveille tôt, et donc je commence à travailler tôt, ce qui me laisse du temps dès le milieu de l’après-midi pour faire autre chose. Jardiner surtout. Ce qui me fait un bien fou. C’est un excellent moyen pour faire de l’exercice physique et d’être au grand air sans croiser personne, à part mes voisines. Avec une des deux, j’ai aussi ma dose de conversation journalière.

J’essaie de séparer au mieux travail et loisirs. Le fait d’avoir un ordinateur à prêter du bureau facilite cette tâche. Il est sur la table, le mien, j’y accède depuis le canapé.

Je contacte des amis, des amis me contactent. On organise des rencontres virtuelles, comme ces cocktails du weekend que Sylvain et moi créons en commun. Je prends des nouvelles habitudes, comme ces mails qui remplacent la conversation à la machine à café le matin au boulot. Ce n’est pas la même chose évidemment, mais c’est déjà beaucoup.

Je me dis une fois de plus que j’ai énormément de chance d’être introvertie. Je me sens bien à la maison, le temps passe vite. D’ailleurs je n’ai même pas le temps de faire tout ce que j’ai envie de faire, j’ai même une certaine (petite) frustration par rapport à toutes ces activités que propose le net pour le moment. Je rêve de commencer ce patron un peu compliqué de Gertie, la robe Lamour mais je suis nulle part. Sans doute ce weekend – comme d’habitude en fait.

Je retrouve tout doucement une certaine concentration pour la lecture mais elle n’est pas encore optimale. Je n’ai presque pas lu ces dernières semaines et cela me chagrine. Je n’ai plus ces moments « forcés » dans les transports en commun et mine de rien, de nombreuses pages étaient tournées pendant les trajets. Je ne me suis pas encore vraiment assignée un moment lecture, à part en fin d’après-midi, mais souvent à ce moment-là, mon cerveau voyage encore pas mal ailleurs. Et le soir avant de dormir, je m’endors souvent sur le livre.

Mais je sais que c’est normal, le cerveau est un peu comme un processeur, il doit assimiler toutes ces nouvelles informations. Il est en bonne voie, l’anxiété a déjà fait ses malles, en grande partie; elle se manifeste encore parfois la nuit, de manière un peu violente même, mais elle n’est plus là en journée. Je ne fais plus que survoler facebook, j’ai masqué pour un mois les personnes qui publiaient du contenu anxiogène ou accusateur, je m’informe mais d’un oeil seulement, sélectionnant avec soin les quelques articles que je lis. Par contre, je lis avec plaisir certains blogs et passe toujours autant de temps sur instagram.

Les contacts de la vie réelle me manquent mais je me sens très bien avec moi-même. Je suis assez sereine, prête à rester chez moi pendant des semaines encore. Cette période ne fait que continuer un mouvement de recentrage sur moi, entamé depuis quelques années. Je repensais à mes voyages au Japon, seule pendant trois semaines. C’est un peu la même idée, mais sur un territoire très très limité, ma maison et mon jardin (et je sais que je suis très privilégiée de ne pas vivre dans un minuscule appartement dans une ville).

Je profite du quotidien, du printemps qui explose, des fleurs du jardin, de ce ciel si bleu, de ma cuisine, de mon salon, de mon lit…

Fluctuations

J’ai longtemps cherché un titre pour ce billet, j’avais pensé aux chroniques du confinement mais c’est déjà utilisé, et je ne sais pas si je vais écrire une chronique – mes short diaries le sont déjà, en quelque sorte. Mais je voulais parler de mon état d’esprit à l’aube de ce printemps très différent, dans un monde dominé par la pandémie.

Je suis fatiguée, je dors mal, j’ai des bouffées d’anxiété, j’ai du mal à me concentrer sur ce travail que je suis censée faire à domicile, je me mets à pleurer au moindre prétexte, joyeux ou triste. Quand je me mets au lit, je n’arrive pas à m’endormir, et quand je m’endors c’est souvent en pleurant. Je me réveille bien trop tôt le matin.

Je m’inquiète parce que j’ai plein de petits maux divers: j’ai eu mal à la gorge mais c’est passé; pour le moment, j’ai des maux de tête et des courbatures. Mais peut-être est-ce juste lié à mon très mauvais sommeil ? Le reste de l’année, j’ai les mêmes problèmes quand j’ai mal dormi. Je me dis que du xanax me ferait sans doute du bien, au moins en ces premiers jours, mais je n’en ai plus, et je n’ai pas envie de déranger mon médecin juste pour une prescription.

Je suis une éponge, j’absorbe le sentiment d’anxiété ambiant et ça m’épuise. Je suis une grande sensible, et si cela peut être très positif pour appréhender toute une série de situations, cela peut aussi être fatigant dans ce genre de situation. Je tente de me protéger mais ce n’est pas simple. Dès que je commence à lire quelque chose qui pourrait m’énerver sur le net, je m’arrête; j’évite un voisin adepte de la fake news (je l’évitais déjà avant, mais là, c’est vital).

Mais j’ai beaucoup de chance aussi: je garde mon travail, je conserve mon salaire, j’ai une maison, j’ai une voiture pour faire les courses (je limite mes sorties au supermarché à une fois par semaine mais je peux acheter ce que je veux, y compris des choses encombrantes et lourdes si nécessaire), j’ai toujours eu une petite tendance à l’accumulation et j’ai donc des réserves de diverses choses, de la crème hydratante à du tissu pour coudre, j’ai un jardin qui me permet de prendre l’air et de jardiner, ce qui me fait de l’activité physique, j’ai une réserve de livres et même de dvd que j’avais empruntés vendredi passé à mon travail en prévision, et puis j’ai une excellente connexion internet qui me relie avec le monde.

Depuis ce matin, j’ai un ordinateur sécurisé du bureau, ce qui me permet de faire bien plus de tâches qu’avant, même si j’ai encore du mal à bien organiser mes journées. Et cela me permet de mieux séparer travail et loisirs, le premier se faisant à table, les seconds dans le canapé.

J’espère avoir une bonne immunité: je tombe parfois malade mais ce ne sont jamais que des rhumes. J’attrape rarement d’autres maladies, ma dernière grippe doit dater d’il y a vingt ans. Mes analyses sanguines révèlent que j’ai eu la rubéole, la toxoplasmose et la mononucléose; je ne m’en suis jamais rendue compte. J’avais demandé il y a quelques mois à mon père s’il avait le souvenir de décès dans la famille suite à la grippe espagnole d’il y a cent ans, il m’a répondu que non (et je ne pense pas qu’il y ait eu une hécatombe du côté de ma maman non plus). Je me raccroche à cette espérance d’une bonne immunité. J’espère que si j’attrape ce virus, mes symptômes seront bénins, voire inexistants. Ce serait même mieux, je serais alors immunisée pour le futur.

Je me fais du souci pour mon papa mais il répond parfois au téléphone maintenant. Et je suppose qu’on s’occupe bien de lui. De toutes façons, il est en sécurité, à l’abri. La situation serait bien plus compliquée s’il avait encore été à la maison.

J’ai de la chance: je suis une grande introvertie, je l’habitude de vivre avec peu de contacts et je sais très bien m’occuper toute seule. D’ailleurs, il y a plein d’activités que j’ai envie de faire mais pour lesquelles je n’ai pas encore eu de temps: du jardinage, de la couture… et puis lire, dès que ma concentration se sera à nouveau améliorée. La situation est compliquée, certes, mais je n’éprouve pas trop de difficultés à vivre juste avec moi-même.

Mais il est clair que les contacts sociaux me manquent. Je vis seule. La semaine passée, je disais encore au travail que je ne souhaitais pas télétravailler tous les jours, mais aujourd’hui, je me sens mieux, plus sécurisée, en restant à la maison. Du coup, je n’ai personne à qui parler au quotidien, pour exprimer mes angoisses ou au contraire ce qui va bien – et cela me pèse. J’ai juste une voisine à qui parler: on se voit dans le jardin ou on se téléphone. Plusieurs amis m’ont déjà contactée, j’en ai contacté d’autres. Je ressens du soutien, même de loin. Et ça me fait du bien, même si ces marques d’amitié provoquent parfois des larmes, tant je me sens reconnaissante qu’on pense à moi.

15 years

Angèle - 1998
Maman et moi, printemps 1998

Aujourd’hui, ça fait 15 ans que ma maman est décédée. Pendant des années, j’ai plus ou moins consciemment oublié la date mais quand on a commémoré le tsunami de 2004 en décembre, j’ai su que je ne pourrais pas masquer ce fait. Ma maman a eu toute sa tête jusqu’au 24 décembre, le jour de son anniversaire. La nuit, elle est tombée et a été hospitalisée, et est devenue complètement confuse. Elle n’a jamais réalisé que le tsunami a eu lieu, et ça m’a marquée. Elle a passé les derniers mois de sa vie en maison de repos, sans nous reconnaître, mon papa et moi. Avant-hier, j’ai été vérifier sa date de décès sur le faire-part, je me souvenais que c’était quelque part à la mi-mars mais je n’étais plus sûre de la date.

Ce 24 décembre, elle a fait promettre à mon compagnon de l’époque (que j’avais rencontré six mois plus tôt) de bien s’occuper de moi. Je comprends pourquoi elle l’a fait, j’aurais préféré qu’elle ne le fasse pas, ça s’est en partie retourné contre moi. « J’ai promis à ta maman, je ne peux pas te quitter » Et puis aussi, j’ai eu droit à plein de commentaires du genre « Depuis qu’elle est décédée, tu n’es plus la même, tu as changé ». Je suis sûre que si elle avait vécu plus longtemps, ma vie aurait été différente; elle m’aurait écoutée et peut-être poussée à prendre des décisions difficiles. Même si, je dois bien l’avouer, nos relations ont souvent été conflictuelles, mais elles étaient en passe de se résoudre. Elle a toujours voulu le meilleur pour moi, mais au point d’imposer ses propres désirs et angoisses (je devais épouser un avocat ou un médecin, apprendre à jouer du tennis, faire de bonnes études, elle s’était fâchée quand j’avais trouvé un boulot un mois après la fin de mes études – je n’allais quand même pas aller travailler chez ces « socialistes »…). Mais entre temps, j’étais devenue adulte et elle avait compris que j’avais trouvé une voie qui me convenait, malgré ses réticences.

Je me doute bien qu’elle n’aurait jamais atteint les 88 ans qu’elle aurait eu aujourd’hui, mais j’aurais aimé pouvoir me confier à elle un peu plus longtemps. Depuis son décès, j’ai été à la recherche de quelqu’un qui pourrait un peu jouer ce rôle de « maman » mais personne n’a pris le relais. Ma belle-mère de l’époque n’était pas du tout maternelle / maternante, et la nouvelle compagne de mon papa a tout simplement refusé de partager la moindre intimité, même quand mon père lui a demandé de le faire. Ma maman me manque, encore aujourd’hui.

Je me souviens que le jour où elle est décédée, il faisait froid et gris; l’hiver avait été long et sombre. Le jour de son enterrement, le printemps a commencé. Aujourd’hui, la météo est encore changeante mais les prochains jours s’annoncent très cléments.

En ce moment… (janvier 2020)

038-Japan-Katsuoji
— peut-être que j’aurais du faire un voeu au temple des Daruma —

Je ressors moi aussi cette liste:

Je lis. Trop de livres à la fois: j’ai commencé un pavé de Joyce Carol Oates, mais j’ai eu peur de m’ennuyer et j’ai commencé en même temps un roman de Richard Wagamese. J’ai toujours un livre d’histoire et un livre sur les cocktails en cours, mais j’ai dû interrompre ces lectures à cause de recherches pour le boulot.

J’écoute. J’écoute enfin à nouveau des disques récents, de la musique du monde et de films, notamment le nouveau Tinariwen et Mogadisco.

Je mange. Relativement bien: je cuisine des recettes de mes livres le weekend et je tente des plats légers ou végétariens en semaine.

Je travaille. Trop: les changements au bureau ont fait que je suis censée combiner mon nouveau poste avec l’ancien, et je dois préparer une émission radio.

J’espère. Que je pourrai reprendre un rythme de travail plus normal en février et que je pourrai à nouveau rédiger des textes sur des sujets divers.

Je rêve. De l’été.

Je décide. De ne pas décider.

Je me sens. Seule. Très seule.

Je me demande. Combien de temps j’arriverai encore à communiquer un minimum avec mon papa. C’est de pire en pire.

Je me souviens. De ses nombreux voyages, qui me donnent envie de voyager encore plus de mon côté.

Je pense. Qu’il est temps que les jours rallongent pouvoir profiter de la lumière quand je me lève et en fin de journée.

J’ai du mal. Avec tout le boulot. Et à me faire de nouveaux amis.

J’essaie. De ne pas déprimer.

Je porte. Une robe cousue main, avec des poinsettias.

Je devrais. Me décider à réserver ce citytrip si je veux partir début mars.

J’aime. L’atelier photo que j’ai suivi et ce que ça m’a apporté.

Je veux. J’ai envie. De manger un pho au Yi Chan. (Qui m’accompagne ?)

This was 2019

S’il y a bien quelque chose qui a marqué mon année, ce sont les péripéties à mon travail. En début d’année, j’espérais une année calme et sereine après tous les déboires autour de la vente de la maison de mon papa. Et en effet, les premiers mois ont été calmes, jusqu’au moment où la direction a pris une décision sans appel quant au futur de l’institution, décision qui me forcerait à changer de fonction. Syndicat et comité des usagers ont lutté de longs mois – et même si je soutenais complètement cette lutte, je me suis sentie très mal à l’aise lors des assemblées générales et autres rassemblements de groupe. Je détestais déjà ça et c’est encore pire aujourd’hui.

Quatre propositions de nouvelles fonctions ont été faites et je savais clairement que je souhaitais devenir rédactrice. Cela a mis quelques mois mais finalement en septembre, j’ai commencé à écrire. Ce n’est qu’en novembre que j’ai officiellement changé de chef et cela a été un soulagement indescriptible – cela faisait des années que je vivais très mal la relation avec l’ancien.

Et puis, l’avant-veille de mon départ en vacances, coup de théâtre: la ministre oblige la direction à faire marche arrière. Ce qui est une excellente nouvelle mais qui pose problème par rapport à mes fonctions actuelles et anciennes. Fin décembre, j’ai donc repris mon ancien travail, tout en restant rédactrice, mais je me rends compte que cela me pèse. J’aimais cette liberté de ne pas devoir gérer cette coulée continue et de pouvoir me concentrer sur un sujet avant de passer au suivant, sans être constamment interrompue par des questions plus administratives. Il faudra voir comment tout ceci évolue en 2020 et il est clair qu’il y aura encore beaucoup de questions à résoudre.

Au niveau personnel, j’ai beaucoup pensé à ma solitude de célibataire et nullipare et cela a pesé. Je n’arrive pas à me dire que tout ira bien si jamais je suis gravement malade ou que j’ai un accident (qui ira faire mes courses, qui me tiendra la main si j’ai mal, qui sera là tout simplement). Alors, il y a des chances que je ne tombe pas malade, et beaucoup de choses sont organisables, mais ce n’est pas la même chose que quelqu’un de proche. Et même après une dure journée au boulot (il y en a eu beaucoup), j’aurais bien aimé juste pouvoir en parler à quelqu’un le soir. Mon papa n’écoute plus vraiment depuis un certain temps et nos relations n’ont pas toujours été simples – mais avec lui, c’est par périodes et je sais que je dois profiter des moments où il est de bonne humeur et qu’il va bien. En même temps, j’aime vivre seule la plupart du temps, prenant les décisions que je souhaite quand je les souhaite; je voyage, j’ai des amis (même si tout n’a pas été rose de ce côté là) et des chouettes collègues et voisins.

J’ai voyagé trois fois cette année, commençant par une semaine à Madère, où je me suis reposée et où j’ai profité de températures clémentes en plein hiver. Début juillet, j’ai passé quelques jours à La Haye, une agréable ville où j’ai très bien mangé. J’avais à ce moment-là déjà réservé un voyage à Hong Kong, juste avant que les protestations suivies d’émeutes ne commencent. J’ai espéré tout l’été mais cinq semaines avant mon départ, j’ai préféré tout annuler et réserver un autre voyage au Japon. Vu que c’était en dernière minute, ce séjour a été moins bien organisé mais j’ai malgré tout passé trois excellentes semaines sur place. Et je réfléchis déjà à mes projets pour 2020.

L’été et le début de l’automne ont été occupés par les travaux de ma cuisine et de mon salon. J’ai tout vidé à mon aise, rangeant un peu par la même occasion la cave, puis j’ai tout remis (ou presque) en une semaine de congé après la fin des travaux. Je suis vraiment contente de ma cuisine (même si j’ai mis un peu de temps à m’adapter) et du nouveau coin tv qui est beaucoup moins en désordre qu’avant sans les étagères à cd qui sont restées en haut et grâce au nouveau meuble tv. Quant au bleu foncé sur le mur, il est juste parfait.

Si j’en crois l’astrologie chinoise, 2019 marque la fin d’un cycle de 12 ans. En janvier nous entrons dans l’année du rat, qui est aussi mon signe. Et c’est aussi la fin d’une décennie. Elle avait mal commencé mais je n’étais pas encore consciente à ce moment-là que les premières années seraient aussi difficiles. J’ai eu un peu de répit et puis les soucis avec mon papa ont commencé, et puis ceux au travail. Tout cela m’a évidemment changée, mais en mieux, j’en suis persuadée.

Je vous souhaite à tous une très belle nouvelle année !

Histoires de sommeil – dix mois plus tard

L’été passé, j’ai consulté un spécialiste du sommeil et réalisé un examen d’analyse. Depuis, dix mois ont passé. J’ai compris quasi immédiatement que le trazodone prescrit par le médecin empirait les choses, contrairement à ce qui était annoncé. De plus, l’immense liste d’effets secondaires m’avait refroidie et je ne souhaitais pas prendre des médicaments pendant une longue période. Jusqu’en octobre, mon sommeil a été troublé, et puis il s’est amélioré après que l’histoire de la vente de la maison de mon papa a enfin été clôturée. J’ai très bien dormi ces derniers mois, sauf quelques exceptions. Et j’ai compris que les mauvaises nuits étaient clairement liées à des angoisses, comme l’avait annoncé le médecin.

J’en ai eu une fois de plus la preuve cette nuit: mon papa m’avait annoncé une mauvaise nouvelle hier soir (enfin ce n’était pas très clair): sa maison de repos était au bord de la faillite et on lui avait proposé de déménager à Overijse (c’est beaucoup plus loin, à environ 20 minutes en voiture). J’ai angoissé toute la soirée, mon cerveau parcourant déjà toutes les options possibles: Overijse, c’est trop loin / mais est-ce qu’il y a des maisons de repos plus proches ? / ah oui il y a celle de la commune où nous habitons tous les deux / ah mais elle est sans doute pleine / et il y aura une longue liste d’attente si l’autre ferme / Woluwe alors ? / mais alors il faudra changer son adresse à nouveau / et puis comment orgniser le déménagement ? / surtout que son aide est malade / et si la faillite se passait pendant mes vacances et qu’il n’y a qu’un délai de quelques jours pour trouver une solution ? / qui s’occuperait de mon papa ? / ….

Ceci est un extrait quasi pas censuré de mon cerveau, mais en plus, il faut imaginer que tout ceci tourne en boucle.

J’ai réussi à m’endormir relativement vite, après une petite séance de yoga relaxant. A 1h47, je me suis réveillée et je savais dès le départ que je ne me rendormirais pas, mon cerveau étant à nouveau en ébullition. J’ai lu environ 50 minutes et j’ai finalement retrouvé le sommeil, quoique très léger. Je me suis définitivement réveillée à 6h30.

Je suis évidemment fatiguée aujourd’hui mais j’ai aussi le preuve concrète que mes insomnies sont causées par de l’angoisse. Et je sais donc que je dois continuer à exercer des techniques de relaxation. Et que 6 minutes de yoga, ça ne suffit pas, même si l’heure d’aller dormir est déjà dépassée.

Je suis rassurée cependant par le fait que ce genre de nuit est devenue exceptionnelle et que je dors tellement mieux qu’avant, ce qui joue sur mon humeur et ma concentration pendant la journée. J’ai l’impression qu’il fallait que je fasse cet examen du sommeil; cela m’a permis d’éliminer toutes le causes physiques de mes insomnies. J’ai pu resserrer le plan d’action et je continue à travailler sur mes angoisses.

This was 2018

A vrai dire, je me rends compte que je n’ai pas trop envie d’écrire ce billet, je n’ai pas trop envie de revenir sur cette année éprouvante. Et pourtant, ce n’est pas plus mal de faire le bilan. Une fois de plus, j’ai réalisé que les années telles que je les vis ne correspondent pas vraiment au calendrier, il s’agit plus de cycles commençant en novembre ou décembre et se terminant en octobre ou novembre.

Décembre 2017 avait été secoué par les problèmes de mon papa et son déménagement en maison de repos. Je savais donc très bien ce qui m’attendait pour 2018 – vider sa maison et la vendre. Je me suis fixée comme but le mois de juin – un délai qui a été respecté pour la partie vidage. J’ai passé presque tous mes weekends de l’hiver à trier et à faire des caisses, me mettant en mode pilote automatique. Je souhaitais que ce soit terminé rapidement, ne voulant pas que cela me pèse trop longtemps. Cela a été difficile, mais j’ai suivi mon programme, et j’ai eu de l’aide d’amis, d’abord pour vider le grenier sous le toit, puis plus tard pour ranger la maison et déplacer des meubles pour faire joli sur les photos de l’agent immobilier. Et puis aussi un grand soutien moral de ma cousine qui faisait exactement la même chose quelques maisons plus loin.

J’ai ramené une quinzaine de grandes caisses chez moi et je les ai entreposées à la cave (pour la vaisselle) et au grenier – qui est aussi ma pièce de couture. Quand je les ai vues amassées là, j’ai eu un sentiment de découragement: j’ai eu l’impression d’être envahie, d’avoir perdu la légèreté qu’émanait cette pièce assez vide. Mais je n’avais plus l’envie ni l’énergie de trier; il me fallait du temps (je commence à m’en occuper neuf mois plus tard).

Février m’a heureusement apporté une distraction: j’ai été un weekend à Metz où j’ai été accueillie chaleureusement par Laurie. J’ai vu une belle expo d’art contemporain japonais et j’ai flâné dans les rues de la jolie ville. Ces deux jours ont été marqués par la lumière du ciel d’hiver. J’en ai profité pour faire un arrêt au Luxembourg pour acheter du rhum et du bourbon. Et j’ai dépassé une de mes angoisses: j’ai fait le trajet en voiture ! C’était la première fois que je roulais aussi loin (et que je sortais la voiture de Belgique).

J’ai dû prendre beaucoup d’initiatives, être présente pour de nombreux rendez-vous, d’abord pour des voisins intéressés par l’achat de la maison – aucun ne se décidera – puis pour l’agent immobilier. J’ai voulu aller vite, je n’en ai rencontré qu’un seul et c’était sans doute une erreur. Mais il a trouvé un candidat acheteur dès les premiers jours de visite. Et c’est là que tout a dégénéré: après avoir signé le compromis d’achat, cette personne est devenue très agressive suite à un problème d’infraction à l’urbanisme datant de 1980, que j’ai réglé très vite (j’aurais dû m’en occuper plus tôt, j’en conviens). Son agressivité s’est traduite en lettres d’avocats, un second se succédant à un premier qui avait très vite lâché l’affaire. Et cela a évidemment provoqué des grandes angoisses. J’ai passé un très mauvais été, ne profitant que peu du beau temps. Mais j’ai tenu bon et défendu les intérêts de mon père.

Pendant ce temps, j’avais organisé la vente de livres et de certaines oeuvres d’art de mon papa, grâce à un ami qui m’a donné beaucoup d’adresses. Début juillet, un vide-maison a fait table rase, emmenant tout ce qui restait. Je n’ai presque pas visité la maison vide et je me sens toujours un peu triste. J’ai souvent des pensées qui me traversent l’esprit, me rappelant tel ou tel objet, me demandant si je n’ai pas laissé de chose importante.

J’aurais aimé faire un citytrip en été mais j’avais chaque fois des choses à régler, ou peur de ne pas être là pour la prochaine lettre d’avocat. Par contre, dès la mi-mai, j’ai organisé mon voyage au Japon à l’automne. Cette perspective m’a beaucoup soutenue.

Mi-septembre, l’acte a enfin été signé, un mois après la date prévue à l’origine. J’en suis ressortie blessée et épuisée, l’acheteur ayant encore proféré de nombreuses menaces et m’ayant traité de personne fausse et mauvaise. Ce qui fait mal, parce qu’il ne m’a jamais laissé de moment pour lui prouver le contraire. Et je n’ai pas vraiment eu de conclusion de ce dossier à cause de ses menaces de poursuites dans le futur.

Pendant ce temps là, la santé de mon père a décliné. Il se déplace de plus en plus difficilement, il se répète constamment et a des moments où il devient difficile et exigeant. J’ai eu du mal à accepter qu’il me délègue tout le travail avec autant de légèreté et il m’a quelquefois vexée. Je crois qu’il ne s’est jamais rendu compte de l’ampleur de la tâche et de la quantité de choses inutiles qu’il avait gardées (je n’oublierai jamais ces cinq percolateurs cassés). Notre relation est toujours aussi compliquée et je n’ai eu que peu de moments de complicité – ceux-ci impliquent en général des conversations sur les voyages (ce qui me pousserait presque à voyager plus souvent !).

Au travail, heureusement les choses se sont bien passées. J’ai été responsable d’un projet de janvier à juillet. Cela a pris beaucoup de temps mais j’ai beaucoup aimé m’en occuper. D’une certaine manière, cela a sans doute augmenté un peu ma crédibilité auprès de mon supérieur. Ce qui n’est pas plus mal.

Fin octobre, je suis partie pour trois semaines au Japon. Ce voyage a permis de clôturer mon année difficile. J’ai pu oublier mes soucis et ne penser qu’à moi. J’ai eu une chance incroyable, tout particulièrement avec la météo. Et puis il y a eu ce moment précis où j’ai fondu en larmes au milieu de la randonnée à Yakushima. J’ai senti un poids s’envoler, entourée par les arbres millénaires et les esprits de la forêt. Quand je suis rentrée, j’étais sur mon nuage. Les plaintes de mon papa suite à une nouvelle chute m’ont malheureusement fait retomber sur terre mais cela s’est estompé depuis. Les kodama (esprits) de Yakushima sont toujours près de moi.

Ce billet est déjà tout un roman mais je voudrais encore dire quelques mots à propos de mon état d’esprit. Cette année a été très éprouvante, j’ai verrouillé beaucoup de mes sentiments, je ne leur ai pas ou peu laissé de place pour s’exprimer. C’est sans doute pour cela qu’écrire ce bilan est compliqué parce que je souhaite oublier et passer à des choses plus positives. On pourra me dire que ce n’est pas une bonne idée et que tout cela reviendra me hanter. Peut-être.

Je me rends compte que face à l’agressivité primaire, je perds mes moyens; je suis quelqu’un qui préfère discuter en utilisant tous mes talents de diplomatie et si cela ne fonctionne pas, je préfère me taire (et fuir). J’aimerais trouver des outils pour mieux faire face à ce genre de situations (en espérant évidemment qu’elles ne se reproduisent pas).

Mais ce que je voulais surtout exprimer, c’est que malgré tous ces soucis, ces angoisses qui ont provoqué de nombreuses nuits sans sommeil, qui m’ont rendues malade par deux fois, je me sens heureuse. J’ai été bien entourée et soutenue, par ma cousine et mes amis. Pour la première fois depuis un moment, j’ai passé mon anniversaire et le 24 décembre en bonne compagnie. Mon sommeil est à nouveau normal et je suis beaucoup moins fatiguée, ce qui me rend plus ouverte au monde extérieur. Je sais où sont mes limites et quand je dois dire non. J’ai trouvé un équilibre dans ma vie et même les difficultés n’ont pas réussi à l’ébranler. Je suis prête pour une nouvelle année !

Luttes internes

Hier, j’ai fondu en larmes chez le dentiste. Et ce n’est pas parce que ses soins sont douloureux, loin de là. Il est mon dentiste depuis trente ans, il est également celui de mon papa, et a même été élève de mon papa. Il nous connaît donc bien. Il n’avait pas revu mon père depuis un certain temps, jusqu’à son rendez-vous fin octobre. Et donc quand il m’a vu hier soir, il m’a dit qu’il avait été triste de voir combien l’état de santé de mon père s’était détérioré. Et j’ai fondu en larmes. 

Il a touché un point sensible chez moi; j’ai eu l’impression que pour la première fois depuis longtemps quelqu’un reconnaissait combien mon père avait régressé en quelques années. On parle souvent de la charge mentale des mères de famille, on ne parle presque pas de celle des aidants, même si dans mon cas, j’ai beaucoup délégué l’aide. Il me reste les problèmes administratifs à régler, la gestion de ses comptes – ce qui est tout à fait gérable. Mais je n’arrive pas à accepter sa vieillesse. 

Je vais le voir une fois par semaine, le samedi. A chaque fois, je déprime. Je n’ai pas envie d’y aller, de constater une fois de plus tout ce qui ne va pas, de voir qu’il a à nouveau fait des taches sur ses vêtements, de voir les choses qui traînent, d’assister aux problèmes des autres résidents (je n’ose même pas dire ce que j’ai vu tellement cela peut paraître glauque – je parle de comportements des personnes, pas de la résidence et de son personnel, même s’il y a aussi à redire). Mes weekends commencent en milieu d’après-midi du samedi et j’ai du mal à évacuer ce que j’ai vécu. J’ai l’impression que mon temps libre est mangé par ces pensées peu joyeuses qui envahissent mon esprit à tout moment. Cela a surtout été difficile en rentrant de voyage, le contraste était si grand. 

Je ne sais pas quoi faire. On me dit qu’il faut que je le supporte, que c’est mon rôle d’enfant. Mais je n’y arrive pas, je n’ai plus la force. C’est trop pour moi, fille unique, sans soutien d’un compagnon, voire même d’enfants. Cette charge mentale est trop grande et cela fait trop longtemps qu’elle est là. Ma maman a eu son premier cancer quand j’avais six ans, un second dix ans plus tard, un troisième encore dix années après. Et puis elle a eu la maladie de Parkinson avant de décéder. Et puis j’ai vécu avec quelqu’un qui a eu de nombreux problèmes et que j’ai tenté – sans succès – de soutenir. Et depuis (en fait même pendant), mon père se laisse aller, déclinant bien plus vite que des personnes de son âge, s’éloignant de moi de plus en plus. Il n’y a plus que très peu de rapport père-fille, il y a des exigences de sa part, de nombreuses plaintes, et parfois je réponds sèchement, n’en pouvant plus. Et évidemment je me sens coupable et égoïste, ce qui n’améliore pas mon état d’esprit.

J’aspire à des moments sans aucune personne malade dans mon entourage proche. J’aspire à une légèreté d’esprit. 

Là, je fais une overdose. 

So typical !

J’ai l’art dans ma vie de combiner une excellente organisation à l’avance et les choses de dernière minute, de celles où la deadline m’oblige à agir.

Un exemple typique:

En réservant mon voyage au Japon début juin, j’ai décidé de randonner deux jours, accompagnée par un guide local. Malgré ma collection immense de chaussures, je n’avais plus de paire appropriée à la marche en terrain plus difficile. Mes Pataugas, achetées pour crapahuter dans les ruines d’Angkor, ont mal vieilli et me font désormais mal aux pieds, créant des ampoules sur le côté du pied là où se situe un malencontreux rivet. Et puis elles ne sont pas imperméables. Bref, il me fallait investir dans de vraies chaussures de randonnée, ce que j’ai fait à la mi-juin, me disant que j’aurais tout le temps de les tester cet été et cet automne.

Sauf qu’il a fait chaud, et puis il a plu, et puis j’ai été fort occupée, et puis je n’avais pas envie de me promener seule, et puis… [insérer ici toutes les raisons possibles et inimaginables, surtout les plus tirées par les cheveux]. Je ne les ai donc pas testées jusqu’à ce weekend où je les ai mises…. pour faire du jardinage !

Heureusement tout va bien. Je sens une gêne minime (infinitésimale même) d’un côté mais une chaussette plus épaisse et un peu de crème anti-frottements devraient remédier à cela.

Mais quand même. Je m’en veux un peu !

Est-ce que ce genre de situation vous arrive aussi ?