Chroniques du désencombrement (II)

— début de la seconde partie —

Mais il restait le grenier sous le toit. Aussi long que la maison – 11 mètres – il ne permet pas de s’y tenir debout. Aux deux tiers, une poutre oblige à ramper pour accéder au dernier tiers. Il n’est accessible que par une trappe pourvue d’une échelle intégrée. Je n’ai donc pas pu m’y attaquer de suite, c’était trop compliqué. Deux amis sont venus m’aider et cela n’a pas été de tout repos. Je n’avais aucune idée de la quantité de choses que mes parents y avaient amassés. J’ai rempli une première pièce de caisses et quand j’ai demandé s’il restait beaucoup, on m’a répondu qu’on n’était qu’à la moitié. J’ai donc rempli une seconde pièce de caisses toutes plus poussiéreuses les unes que les autres. A trois, le travail a été relativement rapide mais en voyant ce qu’il me restait à trier, j’ai été découragée.

Nous étions un dimanche et je ne pouvais donc pas m’y mettre de suite. Cela m’a travaillé toute la semaine et j’ai été fort tendue. Et pourtant je savais que le tri serait rapide parce que je ne devrais pas fouiller dans chaque caisse. Le samedi suivant je m’y suis mise. Et très vite, j’ai été remplie de colère contre mes parents, ces personnes qui n’ont jamais rien pu jeter. Pourquoi ce grenier était-il rempli de tous mes jouets et livres d’enfance ? Pourquoi surtout était-il rempli de caisses de vêtements de moi bébé et petite fille ? Tout cela aura pu servir à d’autres enfants.

Il y a une explication, mais elle ne me satisfait pas du tout. Ma mère avait commencé à donner des vêtements à ma cousine qui avait alors de jeunes enfants. Ces habits étaient déjà passablement démodés à l’époque – mais venaient pour la plupart de chez Dujardin – et ma cousine a revendu une grande partie sur des brocantes. Quand ma mère l’a appris, elle s’est jurée qu’elle ne donnerait plus rien. Résultat: tout a été mis au grenier.

Au fil des années, ma mère a continué à ne rien vouloir jeter – c’était même quasi maladif. Quand elle est décédée, mon père et moi avons enfin pu liquider quinze ou vingt ans de revues comme Flair, Feeling ou Gael. Mais cela n’a pas été plus loin. J’ai proposé à mon père de l’aider à trier un peu le grenier et sorti une dizaine de caisses – il y avait notamment des préparations de cours de ma maman qui pouvaient aller dans les poubelles papier. Il n’a rien fait et tout remis en vrac à sa place.

Et voilà donc comment je me suis retrouvée avec plusieurs mètres cubes de choses vieilles et inutiles. Les vêtements et les jouets, mais aussi mon berceau et mon landau, des dizaines de pots à stériliser, l’uniforme de militaire de mon père, une immense caisse remplie de restes de papier peint, trois autres machines à café cassées – en plus deux déjà trouvées précédemment, et même une caisse remplie de tampax et bandes hygiéniques neuves. J’ai été abasourdie. Comment peut-on garder ça au point de le mettre au grenier ? Je l’ai raconté à ma cousine qui vide la maison de ses parents – le pire qu’elle a trouvé est une boîte remplie de petites culottes usées et trouées de marque Sloggi. Nos mamans étaient sœurs.

J’ai retrouvé le livre chinois pour enfants qui m’avait tant marquée étant petite, j’ai récupéré la mini machine à coudre pour enfants, j’ai trouvé quelques jolis verres rétro et au fond d’une caisse, bien cachées, des photos. Ce que j’ai récupéré ne remplit même pas un sac de courses du Delhaize.

Je savais que le tri serait difficile émotionnellement mais je m’en suis bien tirée au début. C’est au final ce grenier qui a provoqué le plus de sentiments négatifs. Pas de la tristesse et de la nostalgie comme je m’y attendais mais de la colère et de la frustration. Ces sentiments, je les accepte progressivement, je sais qu’ils font partie du processus, mais leur force m’a étonnée. Et je suis soulagée maintenant que l’essentiel de mon tri est terminé. Il reste encore beaucoup d’autres étapes mais je m’en occuperai progressivement dans les semaines qui viennent.

5 réponses sur « Chroniques du désencombrement (II) »

  1. Ness dit :

    Lorsque j’ai dû vider la maison de mes parents (avant celle de ma grand-mère et dans de mauvaises conditions également), j’ai aussi été en colère face au nombre de trucs accumulés. Par contre, dans ce bazar, aucune trace de mon enfance. Je pense que c’est ça qui m’a le plus fait du mal. Il paraît qu’il y a une boîte qui m’attend, avec deux trois trucs mais je ne la récupérerai jamais je pense.
    Je trouve ces chroniques tellement importantes, au regard des émotions fortes que ça provoque. Plein de courage pour la suite.

    1. Les tris de maison provoquent apparemment toujours des émotions, souvent diverses. J’ai vu un de mes cousins qui a dû faire la même chose il y a un an ou deux et ce qui m’a marquée, c’est le signe qu’il a fait avec ses mains pour fermer son cerveau, une manière d’exprimer comment lui a vécu la chose.
      Oui, ces chroniques sont nécessaires, même si elles n’ont pas (encore) pris la forme que j’imaginais avant de commencer.
      Merci !

  2. C’est fou comme le tri peut remuer des choses en nous… Mes parents ont décidé de faire du tri avant de mourir. Ils avancent en âge et ils trient. Par contre, avec le barbare on sait déjà que quand sa maman partira, on devra prendre au moins un mois de congés pour descendre chez elle et trier ! Elle garde absolument TOUT ! ça nous fait clairement peur… :/
    Belle journée

    1. Remercie tes parents ! Et peut-être que tu peux les assister pour certaines parties ? pour que ce soit moins difficile pour eux ?
      Et pour l’autre côté, j’espère que je pourrai te donner des conseils en temps voulu. Je pensais aussi qu’il me faudrait énormément de temps pour trier, mais en fin de compte, cela a été assez rapide. La maison n’est pas vide – loin de là – mais cela m’a rassuré d’entendre qu’il y a des sociétés qui s’occupaient de ça.

      1. Je leur donne déjà un coup de main 😉 Ils font ça à leur rythme.
        Le truc avec ma BM, c’est qu’on va devoir descendre à 1200 km d’ici… ça nous fait moyennement rire ! L’homme sait déjà exactement ce qu’il va trouver dans le grenier : paperasse. Moi, je crains les « mauvaises surprises »…
        Merci 🙂

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